L’Hadopi vient de rendre son rapport concernant les moyens de lutte contre le streaming et le téléchargement indirect de contenus illicites, qui n’étaient jusqu’alors pas ciblés par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. La rédaction de ce rapport, qui « esquisse ce que pourrait être la loi Hadopi 3 », selon le site pcinpact.com, a été confiée à la Présidente de la Commission de protection des droits, Mireille Imbert-Quaretta selon laquelle « il n’y a pas une solution unique mais un ensemble de mesures cohérentes et complémentaires qui doivent être proportionnées ».
L’adaptation aux nouveaux usages
Ce rapport fait suite à une demande de Nicolas Sarkozy qui, en 2011, souhaitait que les mesures concernant le piratage de musiques et de films sur Internet soient étendues au streaming et au téléchargement direct. En effet, ces pratiques ne sont pour le moment pas concernées par la loi Hadopi, qui ne luttait que contre le téléchargement illégal via les réseaux peer-to-peer. Toutefois, il apparait que malgré la fermeture de Megaupload, le marché illicite des services de streaming et de téléchargement direct représente une part considérable puisque, selon une étude de l’IDATE réalisée en 2012, il était de l’ordre de 51 à 72,5 millions d’euros en France.
Ainsi, l’Hadopi entend mettre en place « une politique publique efficace de lutte contre la contrefaçon [qui] doit s’adapter à ces nouveaux usages, mais également tenir compte de l’écosystème auquel appartiennent les sites de streaming et de téléchargement direct manifestement destinés à des pratiques illicites ». Selon elle, contrairement aux utilisateurs des réseaux peer-to-peer, « la diffusion illicite d’œuvres en streaming et en téléchargement direct est souvent le fait d’opérateurs professionnels fournissant un ensemble de services complémentaires qui facilitent et incitent à grande échelle à la contrefaçon de droits d’auteur pour en tirer profit ».
L’incitation à l’implication des intermédiaires
L’auteur rappelle la pluralité d’acteurs qui interviennent dans le cadre de cet écosystème du streaming et du téléchargement direct. Ainsi, on peut citer les fournisseurs d’accès à Internet, les moteurs de recherche, les hébergeurs, ou encore les intermédiaires de paiement ainsi que les régies publicitaires. Il faut toutefois être prudent dans ce type de démarche, puisque, notamment depuis une décision de la première chambre civile de la Cour de cassation du 12
juillet 2012[1], qui fait application de la Loi pour la confiance en l’économie numérique de 2004, il a été rappelé que les hébergeurs ne peuvent être soumis à aucune obligation générale de surveillance indéfinie sur les contenus qu’ils hébergent. Pour contourner ceci, Mme Imbert-Quaretta mise sur l’encouragement de l’autorégulation de la part des différents intermédiaires techniques et financiers, puisqu’elle livre dans le rapport que « les pistes d’évolution envisagées visent ainsi à responsabiliser davantage les sites de contenus et de référencement mais également à impliquer l’ensemble des intermédiaires de l’écosystème du streaming et du téléchargement direct ».
La seconde difficulté qu’entend évincer l’Hadopi avec ces pistes de réflexion, mettant l’accent sur la responsabilisation et l’implication des intermédiaires, tient à l’identification des sites illicites destinés à la contrefaçon. En effet, seuls ceux-ci sont ciblés par la Haute autorité, et non « ceux confrontés à la présence de contenus contrefaisants mis à disposition par des utilisateurs qui diffusent les contenus de leur choix ». Cette distinction est fondamentale pour assurer le respect de la liberté d’expression des internautes. Les réflexions à ce sujet entendent favoriser et généraliser l’intervention volontaire des acteurs quant au retrait des contenus illicites, et mettre en place une procédure d’alerte, « une sorte de réponse graduée dédiée aux sites internet », comme l’a interprété Marc Rees dans une interview de Mireille Imbert-Quaretta. Au cours de cette même interview, l’auteur du rapport rappelle que « l’enjeu, face aux orientations – qui sont multiples et se complètent les unes aux autres – c’est d’arriver à faire changer les comportements et faire prendre conscience ».
[1] Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 2012, aufeminin.com c/ Google France, arrêt n°827, pourvois n°11-15.65 et 11-15.188
Sources :
Hadopi, « Publication du rapport sur les moyens de lutte contre le streaming et le téléchargement direct illicites », hadopi.fr, mis en ligne le 25 février 2013, consulté le 27 février 2013, http://www.hadopi.fr/actualites/actualites/publication-du-rapport-sur-les-moyens-de-lutte-contre-le-streaming
IDATE, « Etude du modèle économique de sites ou services de streaming et de téléchargement direct de contenus illicites », rapport à la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et protection des droits sur Internet, 21 mars 2012, consulté le 27 février 2013, http://labs.hadopi.fr/ressources/etude-du-modele-economique-de-sites-ou-services-de-streaming-et-de-telechargement-direct
IMBERT-QUARETTA (M.), « Rapport sur moyens de lutte contre le streaming et le téléchargement direct illicites », rapport de l’Hadopi, hadopi.fr, mis en ligne 25 février 2013, consulté le 27 février 2013, http://www.hadopi.fr/actualites/actualites/publication-du-rapport-sur-les-moyens-de-lutte-contre-le-streaming
RAULINE (N.), « L’Hadopi s’attaque au « streaming » illégal et au téléchargement », lesechos.fr, mis en ligne le 26 février 2013, consulté le 27 février 2013, http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202588621268-l-hadopi-s-attaque-au-streaming-illegal-et-au-telechargement-541956.php
REES (M.), « Streaming, direct download et Hadopi : interview de Mireille Imbert-Quaretta », pcinpact.com, mis en ligne le 26 février 2013, consulté le 27 février 2013, http://www.pcinpact.com/news/77809-streaming-direct-download-et-hadopi-interview-mireille-imbert-quaretta.htm
REES (M.), « L’arsenal anti-streaming et direct download de l’Hadopi », pcinpact.com, mis en ligne le 25 février 2013, consulté le 27 février 2013, http://www.pcinpact.com/dossier/649-larsenal-anti-streaming-et-direct-download-de-la-hadopi/1.htm
Cass. Civ. 1ère, 12 juillet 2012, aufeminin.com c/ Google France, arrêt n°827, pourvois n°11-15.65 et 11-15.188