La liberté d’expression en matière journalistique est certes une notion fondamentale pour que celle-ci puisse s’exprimer, mais elle possède ses limites. C’est ce qu’il semble se dégager d’une mise en garde envoyée par le Conseil Supérieur de L’Audiovisuel (CSA) le 14 février 2013 à l’encontre de France Télévisions, qui a diffusé des images jugées choquantes lors de l’émission « Envoyé Spécial » du 7 février 2013.
Une mise en garde pour prévenir le dérapage à l’écran
Dans ce rapport, L’Autorité de régulation des communications audiovisuelles constate que « des images difficilement soutenables, notamment pour des jeunes téléspectateurs, à l’occasion d’un reportage consacré au conflit qui se déroule au Mali ».
En effet, lors de ce reportage, on aperçoit des plans répétés relatifs à des personnes décédées, et cela a été évalué par l’Autorité de régulation comme n’ayant pas de relation par rapport au sujet traité. De plus, le CSA a considéré que les images constituaient une atteinte à la personne humaine ; la séquence incriminée comportant une vision rapprochée d’un charnier ainsi que des cadavres non identifiés.
Suite à la diffusion de cette émission, l’Autorité a vivement réagi car un tel message était contraire aux règles déontologiques. Lors de la lettre envoyée à France Télévisions, le CSA justifie sa prise de décision de la façon suivante : « Considérant que des plans répétés et particulièrement insistants sur les corps de personnes décédées, sans analyse correspondante, étaient susceptibles de constituer une atteinte à la dignité de la personne humaine, le Conseil, réuni en assemblée plénière le 12 février, a décidé de mettre fermement en garde les responsables de France Télévisions contre le renouvellement de tels manquements ». Certes, le Conseil comprend que le travail de journaliste est parfois difficile à effectuer, mais il y a des limites à ne pas dépasser, même au nom de la nécessité d’informer une population donnée, dans une société démocratique.
Suite à cette réaction de la part de l’Autorité de régulation des médias audiovisuels, il est nécessaire de se demander dans quelle mesure un professionnel de l’information peut se censurer, au risque même de déformer la réalité qu’il entend retranscrire. Ceci remet donc en cause la notion de neutralité des journalistes, et des médias en général.
Un cas d’espèce soulevant le problème de la neutralité des journalistes
Si l’on peut soulever une problématique à propos de cette nouvelle affaire entre le CSA et les chaînes de télévision, cela consisterait à pointer l’existence d’un vrai problème entre la conciliation du besoin des journalistes de raconter la réalité à travers leurs reportages et la notion de vérité. Devons nous nous orienter vers une autolimitation des informations, afin d’éviter la diffusion d’images trop choquantes ?
Toutefois, alors que nous pouvons comprendre qu’il y ait un intermédiaire entre ce que l’on doit monter ou pas, au nom de la déontologie du journaliste, en revanche ceci représente une atteinte à la liberté fondamentale des journalistes.
En effet, comment peut-on censurer des images alors que la réalité est retranscrite par ce biais là, surtout si l’on exerce son métier dans le milieu de la télévision ?
Théoriquement, un journaliste se doit d’être neutre, car il ne doit monter que la stricte nécessité pour qu’un citoyen lambda comprenne son reportage de façon la plus claire possible. Dans la réalité, les choses sont bien différentes : un être humain est doté d’une certaine façon de percevoir le monde, qui n’est pas neutre du tout en fonction de son éducation, de son histoire, de sa personnalité. De fait, l’Homme est un animal profondément subjectif par son essence même. La neutralité est un idéal devant être atteint en priorité, mais cette dernière n’est pas forcément souhaitable, car par ce biais, elle forcerait le journaliste à adopter un point de vue dénué de sens ; la subjectivité enrichissant souvent le discours médiatique. La seule limite consiste à ne pas monter ce qui semble être insoutenable, ou comme le dit le CSA, la nécessité de « veiller au respect du principe de dignité humaine qui s’applique également en ce qui concerne l’image des personnes décédées ». L’Autorité se justifie en appliquant l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 ainsi que l’article 16-1-1 du Code Civil.
La procédure utilisée par Le Conseil s’avère être l’octroi d’un premier avertissement envers une chaîne, avant que soit envoyée une mise en demeure. En cas de récidive, peuvent suivre des suppressions de tranches publicitaires, la lecture d’un communiqué ou bien une amende qui s’élever jusqu’à 3% du chiffre d’affaires.
Sources :
-ANONYME (direction du site www.csa.fr, « Images de guerre au Mali : le CSA met en garde France Télévisions », mis en ligne le 14 février 2013, consulté le 20 février 2013, disponible sur http://www.csa.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Images-de-guerre-au-Mali-le-CSA-met-en-garde-France-Televisions
-ANONYME (direction du site www.teleobs.nouvelobs.com), mis en ligne le 14 février 2013, consulté le 18 février 2013, disponible sur http://teleobs.nouvelobs.com/articles/40576-le-csa-met-france-2-en-garde-pour-sa-couverture-de-la-guerre-au-mali
-ANONYME (direction du site www.jeanmarcmorandini.com, date de mise en ligne inconnue, consulté le 15 février 2013, disponible sur http://www.jeanmarcmorandini.com/article-300265-le-csa-met-en-garde-france-tele-apres-la-diffusion-d-images-de-personnes-decedees-au-mali-dans-envoye-special.html
-ANONYME (direction du site www.lexpress.fr, mis en ligne le 14 février 2013, consulté le 15 février, disponible sur http://www.lexpress.fr/actualite/medias/mali-le-csa-met-en-garde-france-televisions_1220607.html