Parfois, une petite maladresse peut avoir de graves conséquences. C’est ce constat qu’a dû se faire la chaîne TF1 le 27 novembre 2013. En effet, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel vient de mettre en demeure la chaîne, lui enjoignant de respecter les obligations déontologiques prévues dans sa convention. Une décision infligée à l’encontre de la chaîne en raison d’une erreur technique sur un reportage qui a ainsi dénaturé la réalité des faits présentés.
Un décalage de 4 secondes de la bande-son dénaturant le contexte du reportage.
Cette mise en demeure de TF1 porte sur un reportage diffusé le 11 Novembre lors du journal du 20 Heures, relatif au déplacement de François Hollande à Oyonnax. Une erreur technique a conduit à un décalage de 4 secondes entre la bande son et la vidéo, laissant supposer que le président de la République avait été hué par la foule lors de sa sortie de véhicule. À cela s’ajoutaient les commentaires de la journaliste en voix Off indiquant que « Dès son arrivée, le chef de l’État a essuyé quelques huées, ici aussi, au milieu d’applaudissements ».
Une diffusion reprise dès le lendemain, où l’émission « Le Petit Journal » a analysé la vidéo et a mis en évidence l’erreur opérée par la chaîne TF1. L’émission de Canal plus apportait en effet la preuve qu’au moment où le Président de la République sortait de sa voiture, les huées avaient cessée, mettant ainsi le doigt sur l’erreur faite par la première chaîne.
Interrogée sur ce point, la directrice de l’Information de TF1 Catherine NAYL reconnaissait, devant l’AFP deux jours après la diffusion du reportage, que « le son d’origine a été maladroitement décalé de 4 secondes très exactement ». Selon elle, il s’agissait « d’une erreur regrettable, mais en aucun cas il n’y a eu d’ajout de son, ni de volonté de déformation de la réalité ».
Mais la mise en évidence par l’équipe de Yann BARTHÈS de cette erreur a conduit le gendarme de l’audiovisuel à se pencher sur l’affaire et de déterminer si oui ou non TF1 devait être sanctionnée. Les excuses de la chaîne par l’intermédiaire de sa directrice de l’information n’ont pas suffi à écarter toute investigation par le CSA, qui annonçait le mercredi 13 novembre qu’il allait étudier l’affaire dans un groupe de travail « déontologie ».
La reconnaissance d’une faute dans les obligations de déontologie fixées par la convention de la chaîne.
Le CSA a ainsi constaté que le reportage concernant la venue du Président de la République à Oyonax « dans le cadre d’une cérémonie de commémoration du 11 novembre, au cours duquel des manifestations bruyantes d’opposition, exprimées en réalité quelques instants plus tôt, ont été décalées de quelques secondes lors du montage de cette séquence ». Selon le Conseil, le montage laissait alors à penser que les manifestations d’opposition avaient eu lieu exactement au moment où le Chef de l’État sortait de son véhicule.
L’assemblée plénière a donc rendu sa décision le 27 Novembre 2013 en usant du pouvoir qui lui est conféré par l’article 42 de la loi Léotard du 30 Septembre 1986, à savoir une mise en demeure à l’encontre de la chaîne. Le CSA a en effet reconnu que la société TF1 avait manqué à ses obligations déontologiques prévues dans la convention passée entre elle et le Conseil. En effet, l’article 22 de la convention prévoyait que « la Société (TF1) fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. Elle veille à l’adéquation entre le contexte dans lequel des images ont été recueillies et le sujet qu’elles viennent illustrer. (…) Les images produites pour une reconstitution ou scénarisation des faits réels, ou supposés tels, doivent être présentées comme telles aux téléspectateurs ».
En effet, il semble opportun pour le CSA d’avoir prononcé une telle décision à l’encontre de la chaîne pour non-respect des obligations prévues dans la convention. Car, comme le dispose l’article 28 de la loi Léotard et plus précisément son alinéa 2 « Dans le respect de l’honnêteté et du pluralisme de l’information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service (…) ».
L’obligation d’honnêteté de l’information est donc un principe que la chaîne TF1 se devait de respecter en raison de son engagement conventionnel avec le CSA. Une obligation tout à fait logique, en ce que ce principe d’honnêteté est spécifiquement rattaché à la liberté d’expression prévue à l’article 10 CESDH et 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. C’est ce qu’il ressort notamment de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 Septembre 1986, liant pluralisme et principe d’honnêteté de l’information comme corollaire à la liberté d’expression. Un principe constitutionnel dont le CSA est le garant en matière audiovisuelle.
Le CSA, il est vrai, semble avoir usé de son pouvoir de contrôle de manière assez stricte, préférant, à une simple mise en garde, une mise en demeure, préalable à toute sanction pouvant être opérée par l’Autorité. À titre d’exemple, le CSA n’avait opéré qu’une simple intervention auprès de la chaîne M6 concernant un reportage intitulé « Impôts locaux, quand la facture explose » diffusé le 17 mars 2013 dans le magazine Reportage. Pour autant le Conseil avait reconnu un manquement à l’obligation du respect de l’article 22 de la convention qui prévoyait que « la société doit faire preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information ».
Le CSA a donc demandé à la chaîne TF1 de respecter à l’avenir les obligations mentionnées à l’article 22 de la convention. Une solution qui ne sanctionne pas TF1 d’un point de vue financier, mais qui lui vaut sa première mise en demeure pour l’année 2013 et portant ainsi à une quinzaine de décisions de la sorte par le CSA pour les chaînes de télévision ou de radio diffusion.
SOURCES :
(ANONYME), « Magazine Capital : intervention auprès de M6 », CSA.fr, date de publication le 07/10/2013, consulté le 29/11/2013, disponible sur : http://www.csa.fr/Television/Magazine-Capital-intervention-aupres-de-M6
(ANONYME), « reportage consacré à la visite du Président de la République à Oyonnax : TF1 mise en demeure », CSA.fr, publication de la décision le 28/11/2013, consulté le 29/11/2013, disponible sur : http://www.csa.fr/Espace-juridique/Decisions-du-CSA/Reportage-consacre-a-la-visite-du-President-de-la-Republique-a-Oyonnax-TF1-mise-en-demeure
(ANONYME), « Mise en demeure du CSA à Tf1 pour un reportage sur François Hollande », lemonde.fr, mise en ligne le 29/11/2013, consulté le 29/11/2013, disponible sur : http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2013/11/29/mise-en-demeure-du-csa-a-tf1-pour-un-reportage-sur-francois-hollande_3522825_3236.html
(A.L.D), « Hollande à Oyonnax : le CSA examinera le JT de TF1 », teleobs.nouvelobs.com, mis en ligne le 13/11/2013, consulté le 29/11/2013, disponible sur : http://teleobs.nouvelobs.com/polemique/20131113.OBS5122/hollande-a-oyonnax-le-petit-journal-epingle-le-jt-de-tf1.html
(A.L.D.), « Hollande à Oyonnax : le CSA met TF1 en demeure », teleobs.nouvelobs.com, mis en ligne le 29/11/2013, consulté le 29/11/2013, disponible sur : http://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20131129.OBS7565/hollande-a-oyonnax-le-csa-met-tf1-en-demeure.html
BOUCHER (K.), « François Hollande hué à Oyonnax : TF1 mise en demeure par le CSA », ozap.com, mis en ligne le 29/11/2013, consulté le 29/11/2013, disponible sur : http://www.ozap.com/actu/francois-hollande-hue-a-oyonnax-tf1-mise-en-demeure-par-le-csa/450357