Indéniablement, la publicité télévisée constitue l’une des principales sources financières des chaînes de télévision. Une réalité économique à laquelle les enfants sont confrontés et peuvent être, parfois, moteurs. Afin de concilier les intérêts financiers des chaînes et la protection de la population, notamment des enfants, de la jeunesse, plusieurs textes ont été promulgués à cet effet, aussi bien au niveau européen que national. A ce titre, il peut être cité une loi essentielle, la loi du 5 janvier 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Aujourd’hui un projet de loi a été soumis au vote par le groupe des verts avec à leur tête André Gattolin. Ce projet de loi a été adopté par le Sénat et fait l’objet de controverses en son sein même mais surtout de la part du Gouvernement et de l’Assemblée Nationale qui s’aligne sur ce dernier.
Le nouveau projet de loi du sénateur André Gattolin
Le 24 juillet 2015, le sénateur d’Europe Ecologie-Les Verts des Hauts-de-Seine, André Gattolin avait soumis à la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication un projet de loi relatif à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.
La visée principale de cette loi est de protéger « plus strictement », et ce en s’inspirant de législations étrangères, les enfants et mineurs, et plus particulièrement les moins de 12 ans, des effets néfastes de la publicité à leur encontre, notamment sur leur santé.
En effet, la France est l’un des pays où la jeunesse est la plus exposée aux messages publicitaires et commerciaux, à hauteur de 8,3 millions de jeunes de 4 à 14 ans résidents en France selon André Gattolin. La télévision n’étant pas le seul média massivement accessible par les intéressés, le projet de loi concernerait également internet et tout support multimédia ayant la faculté de reprendre des programmes et des chaînes concernés. Les publicités télévisuelles restent néanmoins le sujet principal du projet de loi.
Le sénateur et le Groupe d’Europe Ecologie-Les verts, ne manque pas de faire rappel de la loi du 5 mars 2009 qui avait malheureusement échouée dans la suppression de toute publicité sur le service public audiovisuel.
Ainsi ce projet de loi a pour ambition d’effacer toutes traces de publicité, à partir de janvier 2018, dans les « programmes destinés à la jeunesse de France Télévisions, lors des quinze minutes qui les précèdent et qui les suivent, ainsi que sur les sites Internet dédiés aux enfants de moins de 12 ans ». Selon André Gattolin, cette suppression serait un excellent moyen pour le service public de respecter son devoir d’exemplarité, de même que celui de la protection des plus fragiles.
Afin de mener à bien ce projet de loi d’André Gattolin, la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, a rencontré plusieurs institutions, telle que l’UNAF (Union nationale des associations familiales). Cette dernière est allée dans le sens du projet de loi, en ce qu’elle a rappelé sa volonté de protéger la jeunesse des messages publicitaires et son attachement pour l’existence d’espace à l’abri de toutes publicités
Il n’en demeure pas moins, que malgré les effets positifs du projet de loi sur la jeunesse celui-ci engendrerait également un grand manque à gagner pour les éditeurs de télévision. En effet, concernant France Télévisions, cela équivaudrait pour la structure à une perte de revenus publicitaires de 10 millions d’euros. Cela étant, les verts ont prévu une contrepartie se traduisant par l’augmentation de 50% de la taxe sur la publicité instaurée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Aujourd’hui cette intervention du projet de loi dans l’environnement économique et financier du secteur public de l’audiovisuel, constitue l’un des points d’opposition du gouvernement.
Un projet de loi au carrefour des controverses
A l’encontre de l’avis du gouvernement, le Sénat a adopté mercredi 21 octobre 2015 la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique et plus particulièrement ceux des moins de 12 ans lors des quinze minutes qui les précèdent et qui les suivent.
Ce texte ne soulève pas que des approbations, le gouvernement exprime une forte opposition à son encontre et l’Assemblée Nationale ne semble pas enclin à aller à l’encontre de ce dernier.
Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication s’est exprimée au nom de ses paires en affirmant, que certes l’objectif du projet de loi est louable mais il ne peut être soutenu à plusieurs niveaux. La ministre et le gouvernement considèrent à juste titre que « nous ne pouvons pas intervenir dans une autorégulation » florissante des chaînes télévisuelles, ni se permettre de fragiliser les finances du secteur public audiovisuel. Les publicités sont pour les éditeurs de télévisions une source importante de financement.
Par ailleurs, plusieurs sénateurs de partis opposés, tel que David Assouline du parti socialiste, affirment leur désapprobation à l’encontre de ce projet en soulignant notamment, leurs interrogations sur le fait de limiter le champ d’application de la loi au service public alors qu’un tiers seulement des enfants français regarde les chaînes publiques. Un phénomène où les nombreuses avancées technologiques sont loin d’être innocentes.
Aussi, si le projet de loi visant l’abandon de toutes publicités commerciales sur les programmes destinés aux moins de 12 ans – lors des quinze minutes qui les précèdent et suivent – est méritant quant à la protection qu’il souhaite offrir à la jeunesse, ses chances d’être promulgué paraissent minces. Une porte pour l’instant fermée alors qu’elle n’est à peine entrouverte car très sensible politiquement, mais également, à l’initiative d’un parti, les verts, possédant peu de voix au Sénat face à une droite majoritaire.
Concernant la régulation de la publicité, il existe deux autorités aux rôles majeurs, qui agissent également en faveur de la jeunesse, l’Agence de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et le Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA).
La régulation de la publicité par deux autorités incontournables : L’ARPP et le CSA.
Si il est d’avantage retenu les nombreux désagréments que la publicité peut causer sur la jeunesse, il ne peut être nié ses aspects positifs et moralisateurs. A titre d’exemple, il existe des mises en garde « face à certains dangers » ou des publicités qui démontrent ceux de l’alcool. Toutefois ce sont les périls de la publicité eux mêmes sur la jeunesse qu’il convient de traiter et d’empêcher.
Les méfaits de la publicité à l’égard du jeune public, sont indéniables. Ce dernier représente la parfaite cible des personnes morales, entreprises ou enseignes, souhaitant vendre leurs services et produits. En effet, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (l’ARPP) déplore que l’enfant soit l’un des moyens idéals pour toucher un large panel de la population, en les faisant, s’identifier à l’enfant au cœur de la publicité, admirer le héros représenté. Les publicités usent de techniques censées mener une jeunesse, susceptible d’être crédule, à entreprendre divers moyens de persuasion auprès de leurs parents afin de les pousser à l’achat. Selon, l’ARPP, l’enfant est ainsi l’objet d’ « identification et de sensibilisation, parfois trop exagérées, qui permettent d’accroître de façon démesurée l’achat d’un produit ». Les dangers de la publicité sont d’une part que les enfants et mineurs peuvent être poussés à la consommation mais également que certains messages publicitaires sont susceptibles de les choquer. Des messages publicitaires incitent parfois, indirectement, à la violence ou font la promotion d’objets et ou services qui ne leurs sont pas destinés.
L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, tout comme le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, met un point d’honneur à protéger le jeune public. L’autorité a adopté une myriade de recommandations à l’égard des enfants et mineurs afin de leur garantir une certaine protection et sécurité. L’importante recommandation de 2004 par exemple, qui pose plusieurs principes selon lesquels la « publicité ne doit pas suggérer que la seule possession ou l’utilisation d’un produit donne à l’enfant un avantage physique, etc », ni entrainer chez lui un phénomène de dévalorisation. Une recommandation du 28 janvier 2014 relative à la publicité des produits financiers et d’investissement et services liés, précise que « la représentation directe ou suggérée de mineurs en situation d’utilisation de ces produits ou services, fussent-ils accompagnés d’adulte(s), ou témoignant sur ces produits est en outre exclue, lorsqu’il existe, pour les mineurs, une incapacité légale à détenir et à souscrire seuls à ces produits ou services ».
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) quant à lui, veille au respect des modalités d’identification et d’insertion des écrans publicitaires au sein des programmes. D’autre part, au titre de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986, il exerce un contrôle a posteriori sur le contenu et les modalités des messages publicitaires diffusés sur antenne. Il peut être amené à sanctionner les éditeurs s’il considère la publicité non conforme aux textes en vigueur et notamment aux articles 27 et 33 du décret du 27 mars 1992 qui posent les principes généraux encadrant la publicité télévisuelle.
Par ailleurs, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est l’un des piliers majeurs de lutte contre les méfaits de la télévision et de son contenu. Il a à ce titre établi plusieurs règles visant à protéger la jeunesse contre la pression publicitaire. Ainsi selon lui, «les publicités pour des produits dérivés de programmes pour enfants ne doivent pas être diffusées à l’antenne durant un laps de temps de 45 minutes, postérieur et antérieur, à ces programmes».
Enfin, le projet d’André Gattolin, visant la suppression des publicités au cœur des programmes destinés au moins de 12 ans durant les 15 minutes qui les précèdent et qui les suivent, viendrait modifier l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986. En effet, il incomberait dès lors au CSA de remettre un rapport, au Parlement, évaluant les diverses actions menées par les chaînes afin de respecter les objectifs de santé publique, notamment dans le cadre du respect de la charte alimentaire. Il pourrait de même formuler des recommandations visant à améliorer le secteur de la publicité vis à vis du secteur de la jeunesse.
Aujourd’hui, le texte fait encore débat. Il reste à savoir si le gouvernement va camper définitivement sur ses positions d’opposition entrainant l’absence de volonté de l’Assemblée nationale de suivre le Sénat, ou si au contraire ce projet de loi aux conséquences politiques, économiques, morales et de protection de la jeunesse, sera promulgué.
SOURCES :
ANONYME, SENAT, «Suppression de la publicité pour les programmes jeunesse à la télévision publique», publié le 21 octobre 2015, <http://www.senat.fr>
ANONYME, CSA, «La publicité», <http://www.csa.fr/Television/Le-suivi-des-programmes/Les-communications-commerciales/La-publicite>
BOUNIOL (B.), « Le Sénat veut supprimer la publicité visant le jeune publique sur France télévision», publié le 22 octobre 2015 <http://www.la-croix.com/Culture/Television/Le-Senat-veut-supprimer-la-publicite-visant-le-jeune-public-sur-France-Televisions-2015-10-22-1371612>
ANONYME, ARPP, « L’ARPP publie une nouvelle Recommandation «Publicité des produits financiers et d’investissement, et services liés»», publié le 28 janvier 2014 <http://www.arpp-pub.org/reco_pub_produits_financiers.html>