Se déplacer dans une pharmacie pour retirer un traitement accompagné de conseils d’utilisation par un professionnel de santé n’est plus l’unique comportement du patient, qui se positionne de plus en plus en tant que client. A ce titre, il fait jouer la concurrence afin de se procurer le produit de santé au prix le plus intéressant.
Dans une société numérisée où le e-commerce prend une place majeure et grandissante, il est naturel que certains pensent à faire de la vente de ces traitements médicaux, des produits en vente à bas coût sur internet. Pourtant, l’absorption d’un traitement médical n’est pas un acte anodin, une mauvaise prise peut être constitutive de complication importante pour notre santé et à ce titre l’acheteur-patient doit être tout particulièrement informé.
Une nécessité de légiférer dans un contexte de développement du e-commerce
La nécessité d’encadrer est vite apparue au législateur qui vient fixer des règles en matière de vente en ligne de médicaments en autorisant la pratique par la loi depuis le 2 janvier 2013 aux articles L.5125-33 et suivants du code de la santé publique. Cette autorisation se restreint aux produits ne nécessitant pas d’ordonnance et sur des sites de vente en ligne administrés par un pharmacien.
En effet, le e-commerce de médicaments est soumis aux règles générales du commerce en ligne comportant des obligations telles que celles de se doter de conditions générales de vente, d’une charte de gestion des cookies, d’une politique de confidentialité… ainsi que toutes les autres dispositions contenues dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique et la loi pour une République Numérique.
Mais la santé étant un domaine considéré comme particulièrement sensible, la vente de médicaments est également soumise à des règles spécifiques en la matière afin de protéger au maximum les consommateurs.
Avant tout, la création d’un site de vente de médicaments en ligne par un pharmacien doit faire l’objet d’une autorisation de l’ARS (Agence Régionale de la Santé), à laquelle on doit adresser une demande comportant le nom du pharmacien, le certificat d’inscription, le nom et l’adresse de l’officine ainsi que l’adresse du site internet.
Pour pouvoir être commercialisé en ligne, le traitement ne doit pas être seulement un médicament d’automédication mais doit aussi entrer dans la catégorie “médicament de médication officinale” c’est-à-dire qu’il doit répondre à 4 critères cumulatifs qui sont : la non soumission à une prescription, la présence d’une notice d’information, un volume adapté à la posologie et une absence d’interdiction/de restriction publicitaire en raison du risque de santé publique.
Il est important de souligner que le droit européen est bien plus libéral en la matière, celui-ci se contente de soumettre à la vente uniquement les médicaments d’automédication sans opérer une distinction supplémentaire avec les médicaments de médication officinale.
Le droit européen met en place des règles communes pour ces sites internet, celles-ci, ayant pour but d’aider le public à identifier les sites sécurisés. Il s’agit notamment de la présence d’un logo reconnaissable qui doit satisfaire à des exigences graphiques et techniques telles que la couleur verte, la largeur minimale de 90 pixels, la staticité du logo et le drapeau national de l’État membre. Afin de vérifier l’authenticité du logo et empêcher son utilisation frauduleuse, des liens hypertextes doivent conduire vers le site de l’ordre national des pharmaciens.
Ainsi, c’est le pharmacien qui est responsable de toutes les étapes de la chaine (de la fabrication à la vente en ligne), il détient un monopole qu’il souhaite conserver mais il est aussi la clef de voute en protégeant notre sécurité dans le système de distribution français. La pharmacie en ligne n’est que le prolongement naturel de l’officine traditionnelle.
Des mesures supplémentaires de protection avec l’arrêté du 28 novembre 2016
Le marché de vente de médicaments en ligne représente en France près de 4% du secteur de la parapharmacie et une forte marge de progression est à prévoir (10% en Allemagne).
Le droit français est particulièrement conscient des risques liés à la vente de médicaments avec la problématique de l’information du patient mais également avec le questionnement de la commercialisation de médicaments falsifiés.
Les médicaments contrefaits sont une problématique mondiale touchant toutes les régions du monde, il peut s’agir aussi bien de préparations inefficaces que de mélanges de produits toxiques que l’on retrouve sur des sites internet non réglementés et qui sont difficiles à détecter. C’est pourquoi l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a lancé en 2013 un système mondial de surveillance. De plus, afin de lutter contre ce phénomène, des recommandations ont été créées à destination des consommateurs qui doivent veiller aux spams publicitaires, logos, fautes d’orthographe, contacts (adresse, téléphone…), prix anormalement bas et vente de médicaments habituellement vendus sur ordonnance.
Ces risques persistant, le droit français continue sa politique de protection avec un récent arrêté venant encore renforcer les règles en la matière. Il s’agit de l’arrêté du 28 novembre 2016 à l’initiative du Ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, relatif aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments prévues à l’article L. 5125-39 du code de la santé publique.
De nouvelles consignes sont donc fixées sur le fonctionnement de ces sites. Ainsi, ces derniers doivent être rédigés en français et présenter de façon objective, claire et non trompeuse le produit. Cette dernière obligation est détaillée en présentant les éléments qui doivent figurer sur la présentation du médicament :
- la dénomination de fantaisie du médicament (nom commercial) et sa dénomination commune (nom de la substance)
- la forme galénique (gélule, comprimé…), le nombre d’unités de prise et le prix
- les informations de précautions d’emploi (contre-indications, effets indésirables…) ainsi que la posologie détaillée dans la notice (devant être disponible en format PDF)
- un lien hypertexte vers le résumé des caractéristiques sur la base de données publiques des médicaments ou sur le site de l’Agence européenne des médicaments
- les photos du conditionnement, dans le respect des droits de la propriété intellectuelle.
Un deuxième apport est à pointer du doigt dans cet arrêté, il s’agit d’un volet sur la protection des données personnelles. Les patients doivent avoir connaissance de l’usage qui va être fait de leur données à caractère personnel ainsi que de leur droit d’y accéder et de les corriger. Le pharmacien et responsable de ces données, et à ce titre, il doit s’assurer de les conserver dans un espace sécurisé garantissant la confidentialité.
Cet arrêté entrera en vigueur le 1er février 2017.
En cas de manquement à l’une des obligations, l’ARS (Agence Régionale de Santé) pourra prononcer des sanctions administratives pouvant être une fermeture temporaire ou une amende (ne pouvant pas excéder 30% du chiffre d’affaires).
La France pleinement consciente des enjeux de la question, s’arme de dispositions pour protéger au maximum les consommateurs. Cependant, le numérique offre facilement, hors du cadre législatif français, des produits dont la dangerosité peut être dissimulée. C’est alors au patient-consommateur de se prendre en main et d’avoir connaissance des recommandations formulées pour se préserver. Mais force est de constater que, s’il le souhaite, il peut aisément dépasser ces restrictions et consignes en passant par un site étranger et même d’un pays membre de l’union européenne, car la règlementation y est plus souple.
Mais avec un tel niveau de restriction la France pourra-t-elle réellement perdurer dans le marché du e-commerce de médicaments ?
On peut légitimement se demander si la concurrence commerciale pourrait s’orienter vers une politique plus libérale, au détriment de la qualité de notre santé.
SOURCE :
http://www.legipresse.fr
http://www.legavox.fr
http://www.service-public.fr
http://www.legifrance.fr
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs275/fr/
http://www.haas-avocats.com/ecommerce/pharmacie-ligne-vente-medicament-sur-internet-comment-etre-regle/
LE GOFFIC (C), condamnation de l’exploitant du site www.doctipharma.fr pour vente en ligne illicite de médicaments, Dalloz IP/IT 2016.497p.