Si l’on connait déjà tous le concept de la publicité ciblée sur le Web, désormais certaines sociétés essayent d’adapter ce modèle publicitaire au petit écran. C’est notamment le cas de Samsung qui, cherchant de nouvelles sources de revenus, a décidé d’utiliser l’ensemble de ses téléviseurs connectés pour y diffuser de la publicité ciblée. Le géant coréen n’entend, en effet, pas s’arrêter à la vente de simples téléviseurs, mais a l’intention de tirer des revenus supplémentaires et récurrents de ces machines sur lesquelles ses clients ont les yeux rivés parfois pendant plusieurs heures par jour.
Un nouveau modèle économique basé sur la publicité ciblée au sein de téléviseurs
Ces téléviseurs ont tout d’abord été équipés par le fabricant de la fonctionnalité « Smart TV » afin de les raccorder à internet et ainsi fournir un ensemble de services supplémentaires aux téléspectateurs. Samsung fait alors des ces derniers ce que l’on nomme aujourd’hui des télévisions connectées ou encore télévisions intelligentes.
Ces téléviseurs sont également dotés de la capacité à collecter les données personnelles de ses téléspectateurs sur les programmes visionnés. C’est grâce à cette technologie que le fabricant a pu, le mois dernier, mener à bien sa campagne de test pour l’affichage de nouvelles publicités sur les écrans.
Ces publicités ont avant tout la particularité d’être basées sur les intérêts des téléspectateurs. Pour Samsung, ce dispositif est l’occasion de d’afficher au public des contenus publicitaires en fonction de leurs goûts respectifs. Un élément crucial lorsque l’on sait que le géant coréen a l’intention de lancer de nouveaux services pour ses télévisions connectés. Les fonctionnalités de la Smart TV Samsung vont, en effet, s’enrichir au profit de trois services de recommandation télévisuels consacrés au sport à la musique et à la VoD.
Ces nouvelles publicités apparaissent en bas de l’écran des téléviseurs et peuvent prendre une grande partie de l’espace disponible. Pour autant, Stuart Mayo, directeur marketing de la branche TV de Samsung, affirme que ces publicités se veulent « non intrusives » et les oppose à des solutions concurrentes « dont les contenus en surimpression interrompent vraiment l’expérience ». Le responsable assure également que l’entreprise ne « partagera ni ne transférera les données de ses clients ».
Télévision connectée : des craintes en matière de protection des données personnelles à relativiser
Aux États-Unis, les autorités commencent à s’émouvoir de ces changements à venir et souhaitent justement clarifier le sort des données personnelles. Jessica Rich, directrice du bureau de protection des consommateurs, fait notamment part de ses inquiétudes et souligne le fait que les consommateurs n’ont pas la même relation vis-à-vis de leur télévision et de leur ordinateur. Beaucoup d’entre eux n’ont alors pas conscience du niveau de collecte de données lorsqu’ils regardent la télévision.
La crainte, ici, est que d’une certaine manière, les télévisions observent le téléspectateur autant qu’il les regardent.
De telles inquiétudes n’auraient peut être pas lieu d’être si le géant Samsung n’avait pas déjà fait l’objet de polémiques. En effet, une controverse datant de début 2015 mettait en cause les téléviseurs connectés Samsung alors accusés « d’espionner les conversations personnelles des utilisateurs ».
Le procédé avait été révélé par l’EFF, une association de défense des libertés sur internet. Cette dernière mettait alors en avant la politique de confidentialité des téléviseurs Samsung qui, par manque de clarté, laissaient transparaitre un défaut dans la sécurité des données personnelles.
Samsung précisait, en effet, que les services de commande à la voix pouvaient être amenés à transmettre des conversations privées à un service tiers : « Nous vous signalons que, si les mots que vous prononcez contiennent des informations privées ou confidentielles, ces informations feront partie des données transmises à un tiers lorsque vous utiliserez le service de reconnaissance vocale. »
En réalité, pour comprendre la portée de ces informations, il faut tout d’abord comprendre le fonctionnement de la reconnaissance vocale. Pour que cette technologie puisse reconnaitre les mots prononcés, ces derniers doivent être transmis à distance à un serveur qui les analyse et renvoie sa conclusion à l’appareil. Pour fonctionner, ces services ont donc besoin de « transmettre des données à un tiers ».
La vraie problématique tenait alors davantage à un manque de clarté de cette clause qu’à un manquement de Samsung en matière de protection des données personnelles.
Dans sa volonté d’instaurer de la publicité ciblée sur ses écrans connectés, Samsung devra donc faire preuve de vigilance dans la rédaction de sa politique de confidentialité. Si la quasi-totalité des constructeurs ont pour habitude de rédiger ses conditions d’utilisation à la fois longues et peu claires, Samsung fait preuve d’un réel défaut de précision. En effet, il ne précise pas clairement quelles données sont collectées et dans quel but, rendant ses condition d’utilisation illégales au regard du droit européen.
De plus, des analyses effectuées sur plusieurs modèles de constructeurs montrent que ces derniers collectent de très nombreuses informations (chaînes regardées, nom du film en cours de diffusion, recherches effectué, etc.). Prises isolément, ces informations peuvent sembler peu dangereuses. Cependant, associées les unes entres elles, elles permettent en définitive d’en savoir beaucoup plus sur l’activité du téléspectateur, sur ses goûts et ses habitudes ; peut être même davantage que dans l’hypothèse où la télévision « espionnerait » véritablement leurs conversations.
En prévision de l’entrée en vigueur du règlement européen au printemps 2018, Samsung devra clarifier l’ensemble de ses conditions d’utilisation et notamment actualiser la finalité de son traitement des données qui aura cette fois-ci vocation à instaurer de la publicité ciblée.
Il serait tout de même intéressant de connaitre la position de la CNIL sur cette question. D’autant que les fournisseurs d’accès à Internet commencent à se mettre d’accord pour exploiter les données géographiques des clients pour cibler la publicité affichée au sein de leur box TV.
Publicité programmatique : un nouveau défit pour à la télévision
Dans ce contexte, se pose également la question du futur de la publicité à la télévision. Celle-ci pourrait éventuellement se tourner vers un procédé déjà très présent dans le cadre de la télévision non linéaire, c’est-à-dire à la demande. Il s’agit de la publicité programmatique.
Cette forme de publicité ciblée a la particularité de s’appuyer, non seulement sur les données personnelles des consommateurs, mais également sur des algorithmes permettant de proposer une publicité adaptée à chaque individu et ce en temps réel.
La publicité programmatique est pour le moment absente du petit écran car la technologie nécessaire n’existe pas encore sur la télévision linéaire. Cependant, au vue de la rapidité des évolutions technologiques et de succès sur le web, un tel changement ne devrait pas se faire attendre très longtemps.
Sources :
HOTTOT (K.), « Samsung veut glisser de la publicité ciblée dans ses TV connectées », nextimpact.com, publié le 7 janvier 2017, consulté le 16 janvier 2017, <https://www.nextinpact.com/news/102782-samsung-veut-glisser-publicite-ciblee-dans-ses-tv-connectees.htm>
LELOUP (D.), « Télés connectées : un espion dans le salon ? », lemonde.fr, publié le 11 février 2015, consulté le 17 janvier 2017, <http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/02/11/teles-connectees-un-espion-dans-le-salon_4573664_4408996.html>