Le festival de Cannes 2017 a été marqué par l’émotion suscitée par 120 battements par minutes et le succès de The square, distingué par la précieuse Palme d’or. Mais alors que cette célébration annuelle du cinéma dispensait son lot de magie, un mécontentement s’est frayé un chemin jusque dans les conversations poudrées de la Croisette. L’objet du scandale : sept lettres du même rouge que le tapis malmené par les cent pas des grands noms du cinéma.
Si on pouvait espérer qu’Okja, le long-métrage de Bong Joon-Ho, éveille les consciences et ouvre un débat sur la production industrielle de viande à travers le monde, et si on pouvait s’attendre à ce que The Meyerotvitz stories de Noah Baumbach soit commenté pour le duo Dustin Hoffman et Adam Sandler, c’est pour une autre raison que ces œuvres sont entrées dans la lumière. Produites par Netflix, elles n’avaient pas vocation à être distribuées dans les salles françaises et devaient seulement apparaître sur la plateforme de streaming légal lancée en 2014 dans l’hexagone. La présentation de ces films au festival de Cannes, temple du septième art, a été vécue pour beaucoup comme une maladresse provocante de la part des organisateurs. Soucieux d’étouffer la polémique, ces derniers ont tenté de convaincre Netflix de concéder la diffusion en salles des deux œuvres, avant de capituler tout en reconnaissant leur erreur. Si les deux films n’ont pas été exclus de la sélection, le règlement a néanmoins été modifié pour l’avenir : désormais, tout film en compétition à Cannes devra s’engager à être distribué en salles.
Les raisons d’un tel émoi sont à chercher du côté de la chronologie des médias : ce pilier de l’économie de la cinématographie française ne satisfait plus en l’état et divise la profession. Cette règlementation a pour objectif de préserver l’exception culturelle défendue en France, mais l’accord actuel qui en définit les modalités s’avère désuet au regard des nouveaux modes de diffusion et de consommation des contenus qui ont bouleversé le secteur. Alors que le 27 juillet dernier, elle présentait les conclusions relatives aux travaux menés sur la chronologie des médias, Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture du Sénat, a posé un ultimatum à l’attention des acteurs de la filière : à défaut d’accord professionnel d’ici décembre, une action législative sera envisagée. Il semblerait que la chronologie des médias telle que nous la connaissons aujourd’hui n’ait donc plus que quelques mois devant elle avant que ne sonne le glas. Qu’attendre ou envisager de ce renouveau ?
Une chronologie en quête de modernité
La chronologie des médias a pour objectif d’organiser le préfinancement des œuvres et la rencontre entre ces dernières et les spectateurs. Selon la définition proposée dans le rapport d’information du Sénat fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la chronologie des médias, il s’agit d’un « modèle d’exploitation des œuvres par les diffuseurs selon un calendrier correspondant au niveau d’investissement de chacun dans la création desdites œuvres ». Le CSA précise que la chronologie des médias fixe des délais à respecter, une fois l’œuvre sortie en salle, pour son exploitation sur les différents supports et médias (DVD, chaînes de paiement à la séance, chaînes payantes, chaînes gratuites, VàD…). Priorité est donnée aux salles de cinéma pour l’exploitation d’un film, les opérateurs suivants disposent ensuite, selon l’implication et les obligations de chacun dans le préfinancement des œuvres, d’une fenêtre de commercialisation d’une durée d’exclusivité garantie soit par la loi soit par accord professionnel étendu par arrêté.
Ce modèle apparait dans les années 1980 en réaction à l’inquiétude des exploitants de salles de cinéma quant à leur devenir face au développement de la télévision et à l’arrivée des vidéocassettes. A l’époque de l’ORTF, alors que l’audiovisuel faisait l’objet d’un monopole d’Etat, un simple usage déterminait la diffusion des films cinématographiques à la télévision à l’issue d’un délai de cinq ans après leur sortie en salles. C’est par arrêtés ministériels, le 2 avril 1980, qu’un délai pour l’édition vidéographique et la télédiffusion est fixé. La loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle entérine le principe et les délais obligatoires sont établis par son décret d’application du 4 janvier 1983. En décembre 1995, des inquiétudes similaires à celles éprouvées lors de l’arrivée de la VHS sont ressenties avec l’apparition du nouveau support DVD. Ce dernier crée l’événement peu avant Noël, comme en témoigne une archive de l’INA dans laquelle la journaliste annonce que le cinéma à la maison « n’est plus un rêve grâce au lecteur DVD ». Au niveau européen, la directive Télévision Sans Frontière du 3 octobre 1989 marque une étape importante en incitant les Etats à privilégier les accords interprofessionnels pour déterminer la chronologie des médias. Par une loi du 1er août 2000, la France suit ces préconisations. Le premier accord interprofessionnel date du 20 décembre 2005, soit 10 ans après l’apparition du DVD, et s’attarde sur la place à accorder à la VOD. La directive « Services de Médias Audiovisuels » (dite directive SMA), adoptée le 11 décembre 2007 prévoit le même dispositif tant pour les services à la demande que pour les services linéaires en matière de chronologie des médias. Aujourd’hui, les dispositions concernant la chronologie des médias sont essentiellement reprises dans les articles L. 231-1 et suivant du Code du cinéma et de l’image animée, dont le Titre III est consacré à « la chronologie de l’exploitation des œuvres cinématographiques ».
L’accord interprofessionnel sous l’égide duquel la diffusion s’organise encore aujourd’hui date du 6 juillet 2009. Conclu pour trois ans, il a été reconduit tacitement depuis. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine limite désormais à trois ans la validité de l’arrêté ministériel d’extension (article L. 234-1 du Code du cinéma et de l’image animée). Cette limite en tête, le CNC a tenté de relancer les négociations pour moderniser la chronologie actuelle sans qu’il n’y ait eu d’aboutissement. Toutefois, même si la chronologie des médias relève en premier lieu de la compétence des organisations professionnelles qui ont la possibilité d’en définir conjointement les modalités, le législateur peut pallier l’absence d’accord en faisant loi. Or, il semblerait que le temps soit venu : huit années se sont écoulées depuis que l’accord de 2009 a été conclu. Outre le fait que l’année 2009 ait été celle de la première investiture de Barack Obama, ce fut aussi l’année du film Avatar de James Cameron qui fit sensation par son recours à la 3D. Aujourd’hui les spectateurs se sont habitués à avoir accès à des films dans ce format et les technologies Imax et 4DX constituent les nouvelles curiosités. Alors que le monde entier accueillait l’IPhone 10 il y a deux semaines, 2009 marquait la sortie de l’IPhone 3G. Cette année-là, Netflix, aujourd’hui disponible dans plus de 190 pays, ne s’était lancée dans le streaming que depuis deux ans. La firme qui avait débuté dans la location en ligne de DVD avait délaissé ce support pour donner à ses utilisateurs l’accès instantané à des séries TV et à des films sur leur ordinateur, rencontrant le succès que l’on sait avec désormais 125 millions d’heures de programmes visionnées chaque jour sur sa plateforme. Parallèlement, le nombre d’écrans par foyer s’est multiplié (5,5 écrans en moyenne par foyer en métropole selon l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers au 1er semestre 2017) et la frontière entre linéaire et non-linéaire tend à s’estomper. Ce sont autant d’éléments illustrant la nécessité de moderniser la chronologie des médias en l’adaptant aux nouveaux usages et à la demande des spectateurs, tout en protégeant ce qui fait sa préciosité : la protection de l’exception culturelle française et des opérateurs qui soutiennent le financement du cinéma français et sa diversité. Les fenêtres d’exposition d’un film suivant sa sortie en salles sont actuellement de : 4 mois pour la vidéo à la demande à l’acte, 10 mois pour les services de cinéma de premières diffusions qui ont conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma (exemple : Canal + lorsqu’elle elle a préfinancé le film), 36 mois pour les offres de vidéos à la demande par abonnement (exemple : Netflix). [Frise illustrant l’organisation détaillée des fenêtres de diffusion]. Si Netflix avait décidé de diffuser Okja et The Meyerovitz Stories dans les salles de cinéma françaises, il lui aurait fallu attendre trois ans en vertu de la position des offres de vidéos à la demande dans la chronologie, pour pouvoir ensuite les rendre disponibles sur sa plateforme. Netflix a donc tout simplement opté pour une non-distribution de ses films afin d’échapper à ce délai, son intérêt étant de nourrir son catalogue et non de faire vivre les salles françaises. Finalement, ce n’est que grâce au festival SOFILM qu’Okja a rencontré un public chanceux en salles : les Bordelais ont pu le découvrir à l’Utopia (ou en plein air à Darwin), les Nantais au Stéréolux et les Parisiens au Méliès de Montreuil.
Une adaptation de la chronologie des médias est affaire de négociations entre des opérateurs portant des avis et intérêts plus ou moins divergents. Le rapport d’information du Sénat cité plus haut permet de se faire une idée concrète des positions défendues par les professionnels concernés, entendus le 12 juillet 2017 à l’occasion d’une journée d’auditions. En tête de table, la sénatrice Catherine Morin-Desailly. Autour d’elle, s’installent tour à tour les représentants des producteurs, créateurs, exploitants et distributeurs, les représentants des télévisions gratuites et enfin, les représentants des télévisions payantes. Un couvert est levé : celui des services en ligne dont l’absence est éloquente. La sénatrice en fait l’aveu :
Nous aurions aimé auditionner Netflix ou Amazon, mais nous n’avons pas pu les convaincre.
Au centre de ces auditions s’articulent différentes questions : « comment la réglementation française, qui jusqu’à présent a fait les beaux jours de la création et de l’exception culturelle, peut-elle s’adapter, sans trop se fragiliser, aux nouveaux acteurs du marché comme aux nouveaux usages des consommateurs ? Faut-il envisager d’intervenir autoritairement si un accord entre les professionnels n’était pas prochainement acté ? Quelles solutions devraient être alors privilégiées pour faire cohabiter harmonieusement les différents modes de diffusion et intégrer les nouveaux acteurs au financement de la création ? » La réflexion s’axe autour de plusieurs objectifs qui sont également ceux vers lesquels un futur accord devra tendre : assurer le financement de la création et garantir la diversité culturelle restent les objectifs premiers. A cela s’ajoute la volonté de garantir la disponibilité des œuvres et de maintenir et pérenniser la salle de cinéma dans son rôle social et culturel de proximité comme dans sa mission dans le préfinancement des films. Il s’agit évidemment d’intégrer les nouvelles technologies et les nouveaux usages afin de renouveler la hiérarchie entre le monde traditionnel et les nouveaux entrants, tout en encourageant leur arrivée. Il apparait tout aussi nécessaire de préciser les qualités qui définissent un partenaire ‘vertueux’, notion qui revient souvent dans la comparaison entre les acteurs traditionnels et les nouveaux acteurs tels que Netflix ou Amazon qui ne se plient pas aux règles de la chronologie des médias et n’observent pas d’obligation de financement de la création. Ces objectifs dynamisent les échanges qui s’engagent entre les différents opérateurs réunis autour de la table.
La poursuite d’un nécessaire compromis
A l’issue des discussions, on remarque que deux points font l’objet d’un consensus : au-delà du cadre resserré de la chronologie des médias, une réforme doit intervenir à un niveau plus large visant le cadre légal et réglementaire dans lequel les médias français coexistent. En outre, il est impératif d’accompagner la réforme de la chronologie des médias d’une lutte plus franche contre le piratage audiovisuel.
S’agissant du premier point : certaines contraintes peuvent, de l’avis commun, être levées car elles n’ont plus la légitimité qu’elles ont pu revêtir un autre temps. C’est le cas des jours interdits de diffusion des films. En effet, un décret du 17 janvier 1990 pris pour l’application de la loi du 30 septembre 1986, a fixé des règles relatives à la diffusion des œuvres cinématographiques sur l’ensemble des services linéaires. Parmi les mesures édictées en faveur de la protection des œuvres de longue durée, on trouve : l’interdiction de diffusion des œuvres cinématographiques pour certains jours (grille de programmation disponible sur le site du CNC). Le but de la mesure est de protéger l’exploitation des films en salles sur ces jours particuliers. Cette mesure est peu connue des spectateurs qui se sont habitués à ce qu’il y ait une certaine pauvreté en contenus cinématographiques à la télévision sur ces journées. Alors que Netflix peut diffuser des films à tout moment, la pertinence de ces jours interdits est remise en cause et les avis semblent converger en faveur de leur suppression.
En second lieu, et de l’avis de tous, le piratage constitue l’ennemi commun, contre lequel il convient de lutter pour la survie de chaque acteur. Une étude Médiamétrie commandée par l’ALPA révèle qu’entre 2009 et 2015, la croissance des visiteurs de sites dédiés à la contrefaçon audiovisuelle a progressé de 24,15%. Une réforme de la chronologie des médias ne peut donc pas faire l’économie d’un renforcement des moyens de lutte contre le piratage. M. Frédéric Goldsmith, délégué général de l’Union des producteurs de cinéma (UPC) estime ainsi que :
La lutte contre le piratage est un prérequis absolu, sans quoi toute réflexion sur la chronologie des médias est vaine par essence.
La publicité « Le piratage, c’est du vol » qui figurait au début de certains DVD ou VHS a marqué les mémoires. Le piratage y était assimilé à un vol de voiture ou de sac à main, le tout rythmé par une musique digne d’un film de grand banditisme. Pourtant, loin d’être prêts à déloger des inconnus de leur voiture ou à pratiquer des vols à l’arraché, la plupart des personnes visionnant des contenus de façon illicite ne se considèrent pas comme des hors-la-loi. Et pour cause, se rendre sur son moteur de recherche habituel, y entrer le nom du film voulu et le visionner ne demande pas à première vue une audace particulière ou une endurance accrue pour fuir la police. Consulter des contenus culturels de manière illicite peut se faire dans le même confort que celui permettant de consulter son compte Facebook. Cette alliance entre la facilité d’accès à ces contenus et l’absence quasi-totale d’une sensibilisation raisonnée aux dommages causés par le piratage à la création, ne contribuent pas à créer un sentiment de culpabilité ou d’illicéité. En outre, la faiblesse d’Hadopi donne davantage l’impression d’une tolérance à l’égard du piratage que d’une réelle répression. Depuis 2007 plus de 10 millions de recommandations ont été envoyées par l’Hadopi en raison de téléchargements et mises en partage illicites constatés à partir de la connexion Internet des titulaires d’abonnements. 2 000 dossiers ont été transmis par l’Autorité aux procureurs de la République sur l’ensemble du territoire national aux fins d’éventuelles poursuites. Seulement 748 suites judiciaires ont été portées à sa connaissance au 31 octobre, dont 583 sont des réponses pénales (189 condamnations et 394 mesures alternatives) [chiffres disponibles sur le site de l’Hadopi]. Un système d’amendes accompagnant la réponse graduée, couplé à une responsabilisation plus forte des intermédiaires techniques (FAI et moteurs de recherche) permettrait de renforcer les dispositifs actuels. Dans ce sens, la décision Allostreaming rendue par le Cour de cassation le 6 juillet 2017 renforce les obligations de ces derniers en leur imputant le coût des mesures de blocage des sites de streaming illicites au nom de leur contribution à la lutte contre le piratage. Il y a donc des moyens à déployer à cette fin. Toutefois, ce combat ne peut se faire sans prendre en compte l’appétence croissante pour les contenus cinématographiques, notamment par les jeunes qui ont une demande forte. Il faut mener les jeunes spectateurs vers le consentement à payer des biens culturels. Si les films sont gelés et qu’il faut attendre 36 mois pour y accéder légalement, le piratage est favorisé, car il n’est plus possible aujourd’hui de demander aux spectateurs d’attendre aussi longtemps pour accéder à cette part importante de la culture. Il est donc nécessaire que la chronologie des médias et la lutte contre le piratage évoluent ensemble. Sur ce point, l’unanimité est acquise et les opérateurs partagent une même vision.
Selon la présidente de la commission et sénatrice, il serait bon « d’inscrire dans la loi les grands principes de la chronologie des médias. Cela dans le but d’encourager les grands acteurs établis en France qui contribuent à la création et de stimuler les nouveaux venus ». Mais d’autres sont hostiles à une inscription dans la loi des détails de la chronologie des médias, comme Xavier Couture, directeur des programmes et de la stratégie à France Télévisions (qui a dernièrement annoncé son départ), selon qui « la modification des usages par l’arrivée de nouveaux outils est si rapide qu’il faut éviter d’être trop rigide, car c’est inefficace ».
La présidente suggère également d’inscrire dans la loi le principe d’une chronologie précoce pour les acteurs vertueux afin « d’encourager les acteurs établis en France qui contribuent à la création et de stimuler les nouveaux entrants ». La loi pourrait ainsi prévoir de traiter différemment les acteurs vertueux respectant des critères déterminés qui seraient fixés avec leurs contreparties dans un accord professionnel. Par exemple, les opérateurs de service de vidéo à la demande (VàD) par abonnement qui investissent dans la création à travers le préfinancement à un niveau significatif, pourraient être considérés comme vertueux et bénéficier d’une fenêtre plus favorable que les 36 mois actuels. Les tensions à propos de la vertu d’un opérateur sont le fait d’une opposition des opérateurs vertueux à voir des opérateurs qui ne supportent pas les mêmes obligations, bénéficier d’avantages sans devoir faire preuve d’efforts aussi conséquents que ceux qu’eux-mêmes fournissent. Cette opposition est principalement exprimée par Maxime Saada, directeur général de Canal Plus : « Canal + est l’opérateur le plus vertueux du secteur car toutes ses opérations sont effectuées depuis la France et il est donc soumis à toutes les obligations d’investissement, de quotas et à toute la règlementation. » Ce qui n’est pas le cas des plateformes américaines Netflix et Amazon, ni d’Altice Studio, la chaîne d’SFR dédiée aux séries et au cinéma. Au cours des discussions menées par la sénatrice Catherine Morin-Desailly, Canal + s’est exprimé avec force sur l’attitude d’Altice : « Une diffusion depuis le Luxembourg pour des raisons techniques ? Nous arrivons bien, tous autant que nous sommes, à diffuser depuis la France ! Altice préachète des films et les diffuse depuis le Luxembourg sur la fenêtre de Canal+ sans n’avoir pris aucun engagement en matière de soutien au cinéma français, tandis que nous consacrons, aux termes de l’accord interprofessionnel que nous avons signé, 12,5 % de notre chiffre d’affaires à l’achat de films français et européens. Pourquoi un acteur dispensé d’un tel effort bénéficierait-il des mêmes avantages que nous ? » La chaîne Canal + voudrait pouvoir diffuser les œuvres six mois après leur sortie au cinéma, contre les dix mois actuels.
Le 23 mai 2017, un accord sur la révision de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) a été conclu entre les ministres européens de la Culture. Parmi les propositions nouvelles intéressant ce sujet, la directive précise que les États membres pourront demander aux services à la demande disponibles sur leur territoire de contribuer financièrement à la production d’œuvres européennes. Mis en œuvre dès 2018, le texte réformé obligera les plateformes de VOD et SVOD comme Netflix à proposer au moins 30 % d’œuvres européennes dans leurs catalogues. L’accord assouplit la répartition de la durée maximale de publicité autorisée : les chaînes pourront diffuser 20 % de publicité entre 6h et 18h, puis 20 % entre 18h et minuit. L’instauration d’un minimum obligatoire de 20% d’œuvres européennes dans les catalogues de ces services et la possibilité donnée aux Etats membres d’appliquer leurs dispositifs de financement de la création aux services ciblant leur territoire tout en étant établis dans un autre pays de l’Union européenne, sont des dispositions qui permettront de rendre plus vertueux des acteurs qui, jusqu’ici ne l’étaient pas.
Il faudra forcément que tous acceptent un compromis, quitte à y perdre parfois un peu, pour avancer collectivement.
C’est par ces mots que la présidente a clôturé les auditions. Un accord global est possible, telle est la conclusion à l’issue de cette journée d’étude. L’enjeu est clair, il s’agit de faire évoluer les obligations de chacun des professionnels afin de les conformer davantage aux nouveaux usages et de leur permettre d’être plus concurrentiels. La chronologie des médias doit par ailleurs faire l’objet de réformes plus régulières pour rester en phase avec les évolutions rapides qui la touchent. Un nouvel accord est parfaitement envisageable, reste à savoir si les acteurs s’étant mis à table parviendront à le conclure, ou s’il faudra pour y parvenir, l’intervention du législateur. Le 14 novembre 2017, la réforme de la chronologie des médias a fait l’objet d’une question parlementaire de la part du député Stéphane Testé. La ministre de la culture Françoise Nyssen a, à cette occasion, précisé certaines des propositions envisagées : placer la VOD à l’acte à 3 mois et aligner la fenêtre de VOD par abonnement sur celle de la télévision payante. Il est également envisagé de consacrer un principe général prévoyant un traitement différencié des acteurs en fonction de leur contribution au financement et à la diversité de la création cinématographique. La ministre a réaffirmé qu’une intervention législative palliant l’éventuelle absence d’accord sera recommandée d’ici la fin de l’année 2017. Le temps est désormais compté et les prochaines semaines seront sans doute déterminantes dans le devenir de la chronologie des médias.
SOURCES
- Conférence « La chronologie des médias : quelles fenêtres, quelles valeurs ? », Jeudi 9 novembre 2017, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
- L’ARP, Les rencontres cinématographiques de Dijon, « Quelles fenêtres ? Quelles valeurs ? Quelle chronologie ? », Vendredi 13 octobre 2017, retransmission sur Dailymotion <http://www.dailymotion.com/video/x64lm90>
- Rapport d’information fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la chronologie des médias, par Mme Catherine MORIN-DESAILLY, n°688, 26 juillet 2017.
- TREPPOZ (E.), « La chronologie des médias : quelles fenêtres, quelles valeurs ? », Juris art etc., 2013, n°1, p.38
- LE ROY (M.), « La chronologie des médias à la croisée des chemins », Inaglobal, 2012 http://www.inaglobal.fr/cinema/article/la-chronologie-des-medias-la-croisee-des-chemins
- POURTAU (S.) « Chronologie des médias : bientôt une réforme législative ? », Actualités du droit, 27 juillet 2017 https://www.actualitesdudroit.fr/browse/affaires/immateriel/8330/chronologie-des-medias-bientot-une-reforme-legislative