Avec près de 306 millions de tonnes de CO2 généré uniquement par la vidéo en ligne en 2018, le visionnage de contenus pornographiques représentait plus de 27 % des émissions, se classant en deuxième position après la VOD (34%). Les vidéos pornographiques représentaient en 2018, plus de 16% du flux total des données. Au delà des questions environnementales, la sécurisation de cette masse de données est aujourd’hui un enjeu considérable. Les sites pornographiques gèrent des flux gigantesques de données sensibles, ils sont donc en première ligne à la protection des données. Ce n’était à l’origine pas leur préoccupation première, désormais les principaux sites de streaming pornographiques se saisissent de la problématique de sécurisation des données personnelles de leurs utilisateurs.
L’identité d’internautes mise à nu
Ces sites fonctionnant classiquement, ils permettent de s’enregistrer, de devenir utilisateur premium le plus souvent grâce à un abonnement payant et même d’enregistrer des vidéos favorites ou même commenter. Pour autant, ne sont pas en jeu ici de simples habitudes de consommation mais des informations sensibles car touchant aux préférences sexuelles des internautes. La sécurisation des données se révèle alors primordiale.
En 2012, Youporn, classé parmi les 100 sites les plus visités du web, révélait au grand jour une fuite massive de données via son service « YP chat ». Cette fonctionnalité gérée par une autre entreprise stockait les données non encryptées des utilisateurs sur un serveur accessible au public depuis 2007. De très nombreux utilisateurs avaient vu leur adresse mail et mot de passe dévoilés publiquement.
Bien que circonscrit, un grand nombre d’internautes ont la fâcheuse habitude d’utiliser un même mot de passe pour plusieurs services en ligne comme Paypal, Amazon ou même le site principal de Youporn, cette fuite d’information devenant alors très problématique. Une négligence qui peut coûter cher aux utilisateurs.
La prise de conscience : s’identifier incognito
L’année dernière, Porn Hub a lancé sa propre application de réseau privé virtuel (connu sous le sigle VPN), afin de permette aux utilisateurs de masquer leur géolocalisation et identité.
Youporn avait suivi le mouvement en proposant une application pour iOS et Android permettant à l’utilisateur de ne pas installer physiquement l’application tout en ayant accès au contenu. Le gros avantage de cette nouvelle application, elle ne stocke pas l’historique de recherche et de navigation de l’utilisateur par défaut, plus besoin d’ouvrir une fenêtre de navigation privée pour regarder des vidéos.
Plus encore, il y a quelques semaines, Youporn, lançait assez discrètement une nouvelle fonctionnalité sur son site internet « Your private porn experience », qui édicte un code personnel à plusieurs chiffres pour l’utilisateur qui lui donne le pouvoir de se connecter simplement grâce à ce code, sans l’obliger à transmettre une adresse mail ou des informations personnelles comme le nom ou prénom.
« En accordant la priorité à la sécurité et à la confidentialité de nos utilisateurs, nous avons décidé que la meilleure façon de résoudre ce problème est d’offrir une nouvelle fonction que nous appelons Private Sign In, permettant à nos utilisateurs de créer un compte sans entrer d’informations personnelles identifiables, sauf pour ce qui est absolument nécessaire » Charlie Hughes (Vice président de YouPorn).
Avec près d’1 milliard de visionnages de vidéos par mois, YouPorn est l’un des sites pornographiques les plus visités au monde. C’est donc une petite révolution, car l’utilisateur devait précédemment, s’il voulait conserver un historique, des favoris ou commenter des vidéos, s’identifier de manière classique sur le site et en cela, transmettre une adresse mail.
Pour autant, il est extrêmement facile de regarder un contenu pornographique aujourd’hui et ce, sans aucune identification. En effet, un fois sur le site, afin d’accéder aux vidéos il suffit de cliquer simplement sur une bannière indiquant que vous, utilisateur, avez à plus de 18 ans pour que les vidéos floutées apparaissent sans aucun contrôle.
Cependant, pour une plus grande protection des mineurs, plusieurs gouvernements, tentent de réguler cet accès trop libre à des contenus pornographiques qui peuvent être extrêmement choquants pour un jeune public.
Un accès libre qui ne fait pas l’unanimité
Le Royaume-Uni a abandonné récemment une loi controversée qui aurait obligé les internautes à prouver leur âge à l’aide d’une pièce d’identité pour consulter un site pornographique. Elle devait contraindre Pornhub et autres YouPorn à vérifier l’âge des utilisateurs en réclamant une photo de leur pièce d’identité. Ces derniers auraient pu se rendre chez un marchand de journaux pour obtenir un code d’accès en présentant une preuve de leur âge. Nous sommes bien loin d’une protection de la vie privée des utilisateurs, c’est d’ailleurs sur ce point crucial et sur la difficulté de mise en œuvre que cette loi n’a pas vu le jour.
Aussi, le ministère de l’Intérieur australien travaille sur un projet de vérification de l’âge des visiteurs de sites pornographiques par la reconnaissance faciale, pour lutter une nouvelle fois contre l’accès des mineurs aux contenus pornographiques. Ce projet promet de relancer le débat sur l’intelligence artificielle et l’exploitation massive des données personnelles.
La France n’est pas en reste, il est question de mettre en place une vérification effective de l’âge des internautes qui se rendent sur ces sites. Pour Emmanuel Macron : « on va maintenant, enfin, préciser dans notre code pénal que le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une protection suffisante contre l’accès à la pornographie des mineurs de moins de quinze ans ». Il demande donc une généralisation de « dispositifs de vérificateur d’âge efficaces sur les sites pornographiques », sous peine de blocage sur décision de justice.
Les méthodes de vérification restent à la libre appréciation des sites … Reste à avoir une date de mise en place de ces mesures et les solutions aux techniques de contournement qui apparaitront dans la foulée.
Sources :
M. Efoui-Hess, climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne, Theshiftproject.org
S. Kahn, Le Royaume-Uni ne contrôlera finalement pas l’identité des usagers de sites pornographiques, lefigaro.fr
G. Kallenborn , PornHub lance un VPN gratuit et illimité, 01net.com
N. Morgan, Online harms : written statement, Parliament.uk
YouPorn : les adresses de milliers d’utilisateurs publiées, Leparisien.fr