par Jehane HANNOUF, étudiante du Master 2 Droit des communications électroniques
La chaîne CNews, désormais première chaîne d’information de France, est dans le viseur de l’Arcom et ne semble pas prête à limiter sa collection d’avertissements rendus par cette dernière.
L’ancienne iTélé a dévoilé son opinion au fil du temps : aujourd’hui ouvertement sur une ligne très à droite elle a été dénoncée à plusieurs reprises pour des faits xénophobes, homophobes ou diffamants auprès de l’ARCOM, qui en a reconnu et condamné plusieurs.
Le 24 octobre 2024, le parti de La France Insoumise a de nouveau annoncé avoir saisi l’Arcom, afin qu’elle effectue un audit plus approfondi quant au respect des exigences de pluralisme et d’indépendance de l’information. Cette demande intervient au lendemain de l’entrevue que Benjamin Netanyahou, premier ministre israélien, a accordé à CNews. LFI reproche à la chaîne de fonctionner comme une chaîne d’opinion et non d’information en ne respectant pas les règles découlant de ces principes.
Il y a plusieurs mois déjà, le Conseil d’État avait porté son attention sur la question et rendu une décision le 13 février 2024, saisi sur requête d’une association instituée dans le but de défendre la liberté de la presse. Elle considérait que la diversité de points de vu exprimés à l’antenne de CNews n’était pas suffisante, qu’il s’agissent de débats politiques controversés ou non, la désignant de chaîne d’opinion.
Face au refus de l’Arcom de mettre en demeure la chaîne de respecter les exigences d’honnêteté, de pluralisme et d’indépendance de l’information imposées par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication aux chaines de télévision, l’association Reporters sans frontières a sollicité auprès du Conseil d’État, l’annulation de la décision de refus de l’autorité de régulation.
Un strict minimum imposé par le Conseil d’État à l’Arcom pour veiller au respect du principe de pluralisme des programmes et de l’indépendance de l’information au sein d’une chaîne ?
Ce dernier a jugé que l’appréciation du respect du pluralisme de l’information par l’Arcom se limitant au seul critère d’équilibre des temps de paroles accordés aux personnalités politiques, était insuffisant. Il appartient au régulateur de l’audiovisuel de définir des modalités lui permettant « de veiller à ce que les chaînes assurent, dans le respect de leur liberté éditoriale, l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinions en tenant compte des interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités. »
La juridiction a donc ordonné à l’Arcom de réexaminer la demande, ce qui a abouti le 31 juillet dernier a une « mise en garde ». L’autorité de régulation demande à la chaîne « la plus grande vigilance, à l’avenir, quant au respect de l’exigence de pluralisme des courants de pensée et d’opinion ».
En effet, les autorisations d’émettre aux télévisions privées diffusées par voie hertzienne (ou TNT) sont délivrées sous certaines conditions par l’Arcom qui examine notamment comment les éditeurs de programmes audiovisuels s’engagent à mettre en place la garantie du caractère pluraliste de l’expression de courants de pensée et d’opinion, d’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires.
Dans son appréciation du respect de ces principes, l’ARCOM tient compte de la variété des sujets ou thématiques abordés à l’antenne, de la diversité des intervenants dans les programmes, de l’expression d’une pluralité de points de vue dans l’évocation des sujets abordés à l’antenne et enfin du respect de l’obligation d’assurer l’expression des différents points de vue dans la présentation des questions prêtant à controverse.
Le pluralisme de l’information et notamment des courants d’expression est un principe fondamental dont la place comme fondement de la démocratie a été reconnue par le Conseil Constitutionnel dans une décision du 11 janvier 1990.
La presse joue un rôle démocratique important et le pluralisme est le moyen d’assurer un rôle actif dans le jeu de la démocratie pour la presse.
L’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que l’exercice de la liberté de la communication au public par voie électronique ne peut être limité que dans la mesure requise, notamment, par le respect du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion.
Il y a donc une recherche de mise en balance entre plusieurs principes fondamentaux tels que la liberté d’expression ou la liberté d’opinion et le respect du pluralisme de l’information et des opinions notamment.
L’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion est-elle respectée par CNews ?
Selon un communiqué du parti La France Insoumise, les déclarations du premier ministre à l’occasion de l’interview exclusive qu’il a accordé le 23 octobre dernier à la chaîne CNews, avec la journaliste Laurence Ferrari et plus particulièrement les remerciements, manifesteraient la direction que prend la chaîne d’information dans le débat politique concernant le conflit israelo-palestinien. Elle traiterait l’actualité d’une façon déséquilibrée et partiale. Plus encore, en déclarant « J’apprécie que votre chaîne combatte pour la liberté puisque vous combattez pour la civilisation judéo-chrétienne qui a donné tellement au monde et qui est attaquée par le fondamentalisme islamique » l’homme d’Etat témoignerait de sa satisfaction du traitement réservé par la chaine à la situation au Proche-Orient, ce qui constituerait un « indice particulièrement fort du non respect par la chaîne de sa convention. »
Reste à voir si l’Arcom, à qui il appartient désormais d’examiner cette nouvelle demande, en prenant en compte l’ensemble des séquences et des participants aux programmes diffusés par la chaîne, partagera ou non cet avis.