Mardi 15 novembre 2011, France Télécom-Orange et SFR (Vivendi) ont annoncé officiellement la conclusion de leur accord pour le déploiement de la fibre optique en dehors des zones densément peuplées. L’Arcep a qualifié cet accord d’ « avancée décisive » concernant l’installation du très haut débit en France.
Au sujet des zones très denses et denses, le déploiement n’avait posé aucun problème pour les opérateurs. Ce fut même d’avantage la course aux parts de marché et la concurrence fut virulente, entre autre pour la conclusion des contrats avec les immeubles. A l’inverse, pour les zones en dehors des grandes villes, les opérateurs se sont fait très discrets, trop discrets. Cependant, au vu des objectifs fixés par le président de la République Nicolas Sarkozy en février 2010, les opérateurs se devaient de réagir et d’agir rapidement. Ces objectifs prévoient notamment que d’ici 2025 100% des logements français soient câblés au très haut débit ; et pour cela, le gouvernement estime que 70% d’entre eux devront l’être dès 2020.
C’est dans ce contexte plutôt pressant qu’intervient l’accord conclu entre France Télécom-Orange et SFR, qui résonne pour l’Arcep (l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes) comme « une avancée décisive ». C’est en effet ce qu’a publié l’autorité de régulation le 15 novembre 2011, tout en précisant les modalités de l’entente passée entre les deux opérateurs.
Tout d’abord, « 11 millions de logements, situés dans environ 3 500 communes réparties sur l’ensemble du territoire » devraient être ainsi raccordés à la fibre optique. L’accord est d’autant plus intéressant pour les deux opérateurs que sur les 11 millions de logements concernés, 9,8 millions correspondaient à des zones où leurs projets de raccordement se recoupaient. C’est donc au-delà d’une avancée importante pour bon nombre de français, un gain économique ou tout du moins une diminution des dépenses pour les deux fournisseurs d’accès à internet. Pour éviter ces recoupements, ils se sont donc répartis les 9,8 millions de foyers. La répartition s’est faite en fonction de leur budget et de leur place dans le domaine d’internet. En tant qu’opérateur historique, France Télécom-Orange se chargera du déploiement de pas moins de 7,5 millions de logements. Tandis que SFR sera responsable des 2,3 millions restants.
De plus, dans son communiqué de presse, l’Arcep indique qu’Orange et SFR s’engagent à « couvrir chaque commune dans les cinq ans qui suivent l’initialisation des déploiements ». Selon le cadre fixé par l’autorité de régulation, les opérateurs ont jusqu’en 2015 pour débuter leurs déploiements et, une fois ceux-ci lancés, ils devront être terminés dans les cinq ans. Les travaux pourront donc se prolonger au plus tard jusqu’en 2020, date à laquelle le gouvernement a au demeurant fixé un objectif : celui d’atteindre les 70% de foyers connectables au très haut débit.
Toujours selon l’autorité de régulation, les travaux de rattachement « démarreront dans l’ensemble des communes entre 2012 et 2015 et s’achèveront, au plus tard, en 2020. A cette date, si l’on ajoute les déploiements dans les zones très denses, environ 17 millions de logements (soit 60% des foyers français) seront éligibles à la fibre optique ». Avec cet accord, c’est donc une importante partie du travail qui devrait être accompli. Mais qu’en est t-il des 40% de logements restants ? Selon l’Arcep, ils « seront rendus éligibles à la libre optique, à partir de 2012 ». Et les fournisseurs d’accès à internet ne seront pas seuls à œuvrer pour le déploiement au-delà des grandes villes, ils seront accompagnés du travail des collectivités territoriales. En effet, selon la loi du 13 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique et notamment son article 21, les collectivités ont une place prépondérante dans le développement du très haut débit en fibre optique, particulièrement les départements et les régions.
Cependant, ni les opérateurs ni les collectivités territoriales ne suffisent à l’extension du très haut débit. Sont aussi et surtout d’une importance capitale les financements. Pour les zones très denses et denses, les fournisseurs d’accès n’avaient pas hésité à investir massivement au point de souvent financer le déploiement à 100% étant certains des retours sur investissement. Pour le reste, des aides sont nécessaires car aucunes obligations ne pèsent sur eux pour déployer et installer la fibre optique. L’Arcep précise donc que pour les zones non comprises dans l’accord, « ces déploiements nécessiteront des financements publics d’origine locale, nationale ou européenne ». L’installation de la fibre optique sur 98% du territoire est estimée à 23,5 milliards d’euros. Les besoins publics sont de 12,9 milliards, soit en moyenne 860 millions d’euros par an. L’État alimentera un fond tiré du grand emprunt à hauteur de 750 millions. Les collectivités quant à elles prévoient d’apporter 150 millions d’euros par an au minimum. Et l’Europe devrait ajouter 50 millions. Il manque donc 660 millions d’euros par an à recueillir.
Cet entente n’est donc qu’un début car compte aussi pour beaucoup les moyens dont vont bénéficier les opérateurs. Cependant, cet accord ne semble pas réellement satisfaire les collectivités. L’Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l’Audiovisuel (l’Avicca) dénonce cet accord pour plusieurs motifs et notamment car il a été effectué sans aucune concertation avec les collectivités locales concernés. Les collectivités, à l’accoutumé très actives dans le déploiement du très haut débit, regrettent leur exclusion. Pour Jean-Michel Soulier, président de Covage (société qui propose une large gamme de services dans le secteur des réseaux de télécommunication en fibre optique), cette décision va peut être même retarder l’installation du très haut débit en France. Selon lui, comme : « cet accord court sur 10 ans, il peut se passer des choses d’ici là. Le risque, que certaines collectivités attendent et mettent leurs projets en « stand-by » vu qu’elles sont exclues du processus. Elles reprendront la main dans les cas où les opérateurs ne déploient pas. Mais une chose est sûre, dans certains cas, cet accord provoquera finalement des retards ». De plus, l’association regrette « que l’encadrement de l’initiative privée par l’État se relâche ». Mais avant tout, ce qui est reproché à cet accord, c’est l’absence de toutes contraintes pour les deux opérateurs, ni même de calendrier.
Cette absence d’obligation c’est d’ailleurs ce que reproche Hervé Maurey, sénateur du Nouveau Centre de l’Eure chargé de mission à ce sujet par l’actuel président de la République en Février 2010. Car en effet, l’absence d’obligation est aussi générale; rien ne contraint les opérateurs a déployer la fibre optique dans toutes les zones. Selon lui, plusieurs solutions sont envisageables, le but étant de contraindre les fournisseurs d’accès à internet de financer et mettre en place le très haut débit partout en France. Parmi les propositions qu’il avait déjà faite en 2010 et qu’il soutenait toujours avant la conclusion de l’accord, figurait entre autre : « exploiter une partie de la hausse de la TVA sur les abonnements triple play, augmenter légèrement les abonnements, utiliser les fonds destinés au renouvellement du réseau cuivré… ». Une autre éventualité serait de s’inspirer du modèle Australien et ainsi réunir dans une même société publique les opérateurs, les collectivités et les financiers ; ou bien encore confier le déploiement à des entreprises de BTP comme pour le système des autoroutes. Enfin, si l’on veut conserver le système actuel, il faudrait d’après M. Maurey au minimum, « obliger les opérateurs à prendre des engagements, établir des contractualisations par département. Et, dans le même temps, élargir le pouvoir de sanction du régulateur (l’Arcep) en cas de manquements ». Il argua même dans un rapport d’information que « La France est en train de rater le virage du très haut débit. Si on ne fait rien, ce retard sera irréversible ».
A l’instar de cette constatation, une étude affirme en outre que la France serait, au niveau européen, l’un des plus piètre pays concernant le déploiement du très haut débit. En effet, une étude publiée en octobre 2010, réalisée par le FTTH (Fiber To The Home qui signifie « fibre optique jusqu’à la maison ») Council Europe et de l’institut IDATE, précise que la France serait même classé quinzième sur les dix-sept nations concernant le raccordement du très haut débit. Qui plus est, la France n’a commencé que tardivement à déployer le très haut débit. Les conditions techniques et juridiques favorables à l’installation de celui-ci n’ont été réunies que début 2009. C’est en effet le 15 janvier 2009 qu’on été promulgués trois décrets d’application de la loi de modernisation de l’économie n°2008-776 du 4 novembre 2008. Le premier porte sur l’installation de lignes de communications électroniques a très haut débit en fibre optique dans les bâtiments neufs ; le second est relatif aux droits au très haut débit ; et le dernier concerne la convention entre opérateur et propriétaire portant sur l’installation, la gestion, l’entretien et le remplacement de lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans un immeuble.
Et en 2009, le gouvernement avait d’ores et déjà retenu un projet fort audacieux : qu’il y ait 4 millions d’abonnés au très haut débit d’ici à 2012. Cependant, au 30 septembre 2011, 1 210 000 de logements sont éligibles au FTTH, et uniquement 155 000 sont abonnés.
Ainsi pour l’Arcep, cet accord sonne comme un revif des fournisseurs d’accès à internet dans le déploiement de la fibre optique qui avait tendance à languir ces dernières années. Mais, pour Orange et SFR, tout reste à prouver à l’heure ou les moyens risquent de manquer et où le nombre d’abonnement peine à décoller.
Sources :
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ARCEP, “France Télécom – Orange et SFR annoncent un accord pour le déploiement de la fibre optique au delà des zones très denses”, arcep.fr, mis en ligne le 15 novembre 2011, consulté le 20 novembre 2011, http://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/communiques/communiques/2011/20111115_cp_sfr_orange_fibre.pdf
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CHICHEPORTICHE O., “Jean-Michel Soulier, Covage: “l’accord entre orange et SFR dans la fibre va générer de grandes incertitudes pour les collectivités””, zdnet.fr, mis en ligne le 18 novembre 2011, consulté le 20 novembre 2011, http://www.zdnet.fr/actualites/jean-michel-soulier-covage-l-accord-entre-orange-et-sfr-dans-la-fibre-va-generer-de-grandes-incertitudes-pour-les-collectivites-39765769.htm
CHICHEPORTICHE O., “Fibre optique: l’accord Orange-SFR en zones peu denses est décisif pour l’Arcep”, zdnet.fr, mis en ligne le 15 novembre 2011, consulté le 15 novembre 2011, http://www.zdnet.fr/actualites/fibre-optique-l-accord-orange-sfr-en-zone-peu-dense-est-decisif-pour-l-arcep-39765612.htm
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