Au cours des derniers mois, les projets français de Cloud Computing n’ont cessé de se multiplier, afin de contrecarrer les offres proposées par les géants du Web (Amazon avec Cloud Drive, Apple avec iCloud et même Google qui ambitionne de lancer son propre service de Cloud à travers Google Drive).
Les options françaises : un trop large catalogue de choix
L’Etat français souhaite créer un service national de Cloud Computing afin de stocker les données stratégiques, commerciales et administratives, destiné aux entreprises et aux administrations. Aussi a-t-il lancé le projet Andromède, projet, sous la forme d’un partenariat public-privé, qui devait initialement comprendre trois sociétés françaises de premier plan : l’entreprise de télécommunications Orange, le groupe d’électronique Thales et l’éditeur de logiciels Dassault Systèmes, le tout géré par la Caisse des Dépôts et Consignations. Orange et Dassault Systèmes apporteraient chacun 60 millions d’euros, Thalès 30 millions d’euros et enfin l’Etat français, via la Caisse des Dépôts et Consignations 135 millions d’euros. Mais, après des distorsions irréfragables entre Orange et Dassault Systèmes, ce dernier s’est retiré du projet, en septembre dernier. Le patron de Dassault Systèmes, Bernard Charlès, a justifié ce retrait par le coût trop élevé de l’opération qui rendrait le projet non rentable.
Dassault Systèmes, ayant la maîtrise de la technologie du Cloud, ne s’est pas totalement retiré du secteur et a déclenché une guerre nationale du Cloud, en développant une solution alternative à Andromède, avec à la clé, la collaboration financière de l’Etat. Bernard Charlès a annoncé sur la radio BFM Business le 9 février 2012, le lancement de ce projet avec l’opérateur Vivendi (SFR). Ce dernier serait performant et compétitif au niveau national, et pourrait ainsi s’exporter à l’international. Chacun aurait « prévu d’apporter 75 millions d’euros avec comme objectif un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros en 2020 ».
L’Etat français s’apprête à choisir un de ces deux projets, pour répondre à cet enjeu stratégique de la maîtrise de la localisation des données.
Le Cloud computing à la française ne s’arrête pas à ces deux projets de grande envergure. En effet, un autre projet dénommé Nuage a vu le jour et regroupe sept petites et moyennes entreprises (PME). L’objectif de ce projet est de mettre en place un Cloud « écologique », ouvert, localisé sur le territoire français.
Les enjeux du Cloud computing
Le Cloud computing soulève, en particulier, deux importantes problématiques qui ont conduit l’Etat français à vouloir imposer sa souveraineté nationale dans l’espace numérique en développant un système français d’informatique dans les nuages.
La première problématique est relative à l’ignorance du pays d’accueil des données. En effet, le principe du Cloud veut que les données soient envoyées dans les nuages et donc que finalement, il ne soit pas possible de déterminer avec précision sur quels serveurs celles-ci seront stockées. Ainsi, l’incapacité de connaître le lieu du stockage implique qu’il soit tout à fait probable que le pays d’accueil, ou tout du moins l’entreprise réceptrice des données, n’offre pas une protection de ces données au moins équivalente à celle prévue par l’Union européenne. Dans ce cas, les demandes de transferts des données dans le Cloud, qui sont par essence transfrontaliers, seront refusées par la Commission nationale de l’informatique et libertés (CNIL). En l’état actuel, les entreprises françaises ne peuvent pas exploiter les services offerts par les entreprises principalement américaines.
La seconde problématique est relative à la protection et à l’exploitation de ces données. Le but de l’Etat français est de proposer une offre plus sécurisée pour les entreprises et administrations françaises. Le Cloud pourra accueillir des données sensibles et stratégiques pour les entreprises. Or, à aujourd’hui, les seules offres viennent des entreprises américaines et possèdent assurément des serveurs sur le territoire américain. La loi américaine et plus précisément le Patriot Act permet aux autorités, initialement en cas de terrorisme, mais en pratique dans toute hypothèse, de contraindre les entreprises qui gèrent les serveurs à leur fournir toutes les données relatives à toute société ou à toute personne, et ce sans que ces dernières ne soient informées de ces demandes. Cela laisse craindre pour les entreprises françaises des risques d’espionnage, d’où la nécessité de développer un Cloud computing français.
Reste désormais à savoir si cette multiplication de projets répond de manière suffisante, dans un délai raisonnable, aux attentes du marché actuel et peut, de manière effective, se substituer aux offres des géants américains (Apple, Amazon, IBM, Microsoft, Google…) qui ont la possibilité de dépenser des milliards annuellement dans l’exploitation et le développement de leurs services de Cloud computing.
Sources
- De MENTHON P-H., « Dassault Systèmes et SFR s’allient dans le cloud computing », www.challenges.fr, mis en ligne le 8 février 2012, consulté le 29 février 2012, URL : http://www.challenges.fr/high-tech/20120208.CHA2070/dassault-systemes-et-sfr-s-allient-dans-le-cloud-computing.html
- MOREL A. et BFMbusiness.com, « Google serait sur le point de lancer un nouveau service de Cloud », www.bfmbusiness.com, mis en ligne le 9 février 2012, consulté le 28 février 2012, URL : http://www.bfmbusiness.com/toute-linfo-eco/nouvelles-techno-internet-telecom/google-serait-sur-le-point-de-lancer-un-nouveau-se
- Interview de B. CHARLES, patron de Dassault Systèmes du 9 février 2012, www.bfmbusiness.com, consultée le 29 février 2012, URL : http://podcast.bfmbusiness.com/channel11/20120209_interview_4.mp3
- L.J., « Cloud computing : les deux projets rivaux connaîtront bientôt leur sort », www.numerama.com, mis en ligne le 10 février 2012, consulté le 29 février 2012, URL : http://www.numerama.com/magazine/21611-cloud-computing-les-deux-projets-rivaux-connaitront-bientot-leur-sort.html