Un monopole sur la réparation du matériel agricole
John Deere est un constructeur américain qui propose aux agriculteurs du matériel agricole connecté. À l’image de 80 % des fabricants de ces machines, John Deere empêche aux agriculteurs d’avoir accès aux logiciels des machines. Lorsqu’un agriculteur achète un tracteur connecté, il signe un contrat avec l’entreprise par lequel il s’engage à recourir au constructeur en cas de panne de l’engin. Les concessionnaires ont des licences avec les grandes marques qui leurs accordent le monopole de la maintenance. Toutefois, la réparation coûte cher et prend du temps, ce qui fait courir le risque à l’agriculteur de perdre ses récoltes. Pour justifier ces procédés, les lobbyistes mettent en avant des risques de sécurité ou des droits de propriété intellectuelle.
Une concurrence déloyale dans le secteur agricole
Ces tracteurs sont équipés d’ordinateurs et de capteurs qui récoltent des données (la durée que le moteur a tourné, le nombre d’hectares coupés en un temps, etc.). Le but étant de collecter des informations sur la production agricole des paysans afin de les revendre aux fermiers concurrents. Ces pratiques créent une concurrence déloyale.
L’utilisation de logiciels pirates afin de contourner le monopole
Certains agriculteurs ont décidé de se soulever contre les géants du logiciel agricole. Pour déverrouiller ce système informatique, des fermiers américains achètent des logiciels pirates afin de diagnostiquer et de réparer eux-mêmes leurs machines. C’est illégal. En théorie, ces agriculteurs pirates pourraient subir des sanctions financières.
Les fermiers souhaitent réparer eux-mêmes leurs machines ou avoir le droit d’aller dans des garages indépendants. Ils ont besoin de logiciels libres et gratuits.
Une loi américaine sur le droit du consommateur à réparer lui-même ?
Lydia Brasch, une sénatrice de l’État du Nebraska, soulevait que « pour faire du numérique un progrès, il était nécessaire d’encourager la croissance, l’entrepreneuriat, l’innovation et l’invention ». C’est ce que Joe Biden a souhaité réaliser dès son élection. Après avoir constaté la concentration de ce petit nombre d’entreprises dans le secteur industriel, le nouveau président des États-Unis a signé un décret sur le droit à la réparation du matériel agricole. De plus, des projets de loi tant au niveau fédéral qu’au niveau des États fédérés pourraient voir le jour. En effet, les membres de la Federal Trade Comission se sont engagés à encourager les lois en ce sens. Des dispositions en la matière pourraient alors voir le jour aux États-Unis.
Des initiatives européennes
Contrairement aux États-Unis, où les législations prises en la matière visent à favoriser la croissance économique, la conception européenne tend à aller plus loin que l’objectif de compétitivité qu’elle s’était fixée. En effet, la transition écologique est au cœur des préoccupations des institutions de Bruxelles. Dans son plan d’action pour l’économie circulaire, la Commission européenne a fait savoir qu’elle consacrerait une loi sur le droit à la réparation des produits électroniques. Cette législation obligerait les fabricants à concevoir des produits plus durables. Durabilité qui fait l’objet du Green Deal européen.
À côté de ces actions prises à l’échelle supranationale, des États européens interviennent à l’échelle nationale et locale.
En France, l’article 16 de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire s’inscrit dans la conception de durabilité des appareils électroniques en Europe. Cette disposition institue l’affichage obligatoire d’un indice de réparabilité. Il prend la forme d’une note sur 10 et informe les consommateurs sur le degré de réparabilité de leurs appareils. Plus récemment, la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France est venue renforcer le dispositif, notamment en interdisant les restrictions à la réparation d’un appareil (art. L 441-4 du Code de la consommation).
En Suède, les consommateurs qui ont recours à des techniciens pour réparer leur matériel à domicile peuvent obtenir des déductions fiscales.
Les résidents de la ville de Graz en Autriche, peuvent se faire rembourser jusqu’à 50 % du prix de leurs réparations.
Malgré des lobbies récalcitrants, le droit à réparation des appareils électriques et électroniques se concrétise peu à peu dans le monde. Par conséquent, les droits des consommateurs deviennent plus fort que jamais.
SOURCES :
Reportage « Etats-Unis : Les agro-hackeurs », L’effet Papillon, 2017.
« Right to repair is about a lot more than what is decided in Brussels », The John Rowley, 2020.