LA COURSE A LA NUMERISATION DES ARCHIVES AUDIOVISUELLES

Il existe un principe de rentabilité dans la production audiovisuelle et il doit réapparaître jusque dans l’utilisation, la réutilisation de produits audiovisuels qui sont loin d’être périssables dans leur valeur mais le sont bien dans leur matérialité. Un réel patrimoine mérite d’être valorisé. L’Histoire vue par la télévision, dans l’actualité ou la fiction audiovisuelle, voilà ce qui ne doit pas être perdue. Depuis le 27 avril 2006 les archives audiovisuelles de l’INA sont disponibles auprès du grand public.

« Nous construisons l’avenir de votre mémoire » proclame l’INA. Depuis 1976, cet établissement public à caractère industriel et commercial a pour mission de conserver le patrimoine audiovisuel national. Pour cela, l’Institut national de l’audiovisuel doit assurer la collecte des programmes audiovisuels, en préserver et restaurer les fonds, offrir des services documentaires et renforcer l’accessibilité aux images et aux sons dans l’environnement Internet. En outre, l’INA doit développer l’exploitation commerciale des fonds et la valorisation des archives à des fins scientifiques, éducatives et culturelles. Ces missions vont être pleinement effectuées à travers les plans d’action pour la numérisation des archives audiovisuelles. La numérisation met en jeu la sauvegarde du patrimoine face aux multiples dégradations qui attaquent les archives, la prise de conscience européenne sur la nécessité de conserver ces données. L’INA a du faire face aux questions juridiques relatives à l’exploitation d’œuvres d’opérateurs privés.

Rien n’est éternel, la numérisation non plus n’est pas le support pérenne par excellence mais il éradique certains problèmes chimiques auxquels ont du faire face les supports traditionnels. La France est une de plus importante source d’archive de par son intérêt très tôt pour la matière et une situation géographique privilégiée. Avant toute « autodestruction » des archives se sont les climats difficiles (les zones tropicales), les catastrophes en tout genre (incendie des laboratoires Henderson en Grande-Bretagne) et les guerres qui ont eu raison des stocks audiovisuels. A la fin de l’année 2000, l’INA a créé un observatoire de la conservation des supports physiques afin de déterminer les priorités d’action dans la sauvegarde des programmes audiovisuels. L’ennemi interne des archives est nommé le syndrome du vinaigre. C’est contre la dégradation chimique que doit lutter le personnel employé à la sauvegarde. Les films nitrate s’enflamment spontanément, la cellulose se transforme en gélatine, l’acidification du support implique des déformations. Le début de l’altération arrive après vingt ans de stockage. La vidéo n’a pas révolutionné les modes de conservation, le mode de stockage, le poids des bandes entraînent une déformation des images aussi, les couleurs palissent, l’exemple est donné par Les nouveaux dossiers de l’audiovisuel, la rose de François Mitterrand en 1981 est devenue au fil du temps rose pâle. De plus le danger provient également et tout simplement de l’obsolescence des formats et des machines de lecture des bandes vidéo 2 pouces, 1 pouce et des cassettes vidéo 3⁄4 pouce. La sauvegarde des archives anciennes dépend du degré de dégradation déjà constaté, aux conditions de stockage (problématiques compte rendu de l’accroissement numéraire des archives) et de la durée de maintenance des machines reliant le support ancien au nouveau. Le travail de l’INA se déroule en trois étapes. La première est la sauvegarde, il s’agit de transférer un enregistrement d’un support physique dégradé ou menacé sur un support neuf. La deuxième étape est la restauration afin d’améliorer la qualité technique du programme en vue de son exploitation. Enfin, la dernière étape consiste en la numérisation du programme par la fabrication de copies d’exploitation compatibles avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la perspective du visionnage et de l’exploitation professionnelle en ligne.

Pour accélérer la sauvegarde des archives audiovisuelles, l’INA s’est associé avec des entreprises privées de l’industrie audiovisuelle et notamment avec des réseaux européens car le patrimoine n’est pas seulement national mais européen. Améliorer la collaboration européenne dans la numérisation, tel est le nouvel objectif édicté par le Ministre de la Culture et de la Communication Renaud Donnedieu de Vabres. L’INA a alors un rôle important dans la coopération internationale dans cette discipline. C’est « l’espace culturel européen » qui est visé. La numérisation permet d’obtenir une norme d’échange unique qui par le plan d’action Lund de l’Union européenne va faciliter la protection des archives au niveau de l’Union. En 2005, le projet Michael a été lancé et réuni la France, l’Italie et le Royaume-Uni, avec pour objectif la création d’un portail culturel multilingue dans le domaine audiovisuel notamment. Le plan de coopération européen met en œuvre la restauration numérique à grande échelle avec le soutien de la Commission européenne (projet BRAVA) et l’amélioration des coûts de sauvegarde (plan PRESTO). Au-delà de l’Union européenne, Monsieur Hoog, président directeur général de l’INA, espère une prise de position de l’ONU pour que celle-ci inscrive dans son agenda « un projet de résolution pour la sauvegarde mondiale des archives » et le développement de la coopération internationale à travers la Fédération Internationale des archives de télévision pour prendre en considération les archives en danger des pays du sud. La France au niveau européen et international a un rôle de meneuse à tenir car elle est le pays qui a le plus tenu compte de l’importance des archives audiovisuelles. L’Espagne et l’Italie ont à plusieurs reprises fait appel aux archives de l’INA pour revivre leur Histoire.

« Un accès nouveau au savoir » proclame Monsieur Hoog, l’INA a désormais une nouvelle mission de service public qui répond au contra d’objectifs et de moyens signé avec l’Etat en novembre 2005 pour la période 2000-2005. Le contrat prévoit le développement d’une offre payante et gratuite sur Internet des collections de l’INA pour le grand public. L’exécution de ce contrat fut possible grâce à l’augmentation du haut débit et à la stabilisation de la norme de numérisation. 80% de l’offre du site de l’INA est gratuite avec un catalogue de près de 100 000 émissions radio et télévision. La priorité a été donnée dans la sauvegarde aux archives en fonction de leur intérêt patrimonial et de l’actualité. La BBC n’anticipe pas sur la potentielle valeur des archives et emploie la même volonté de protection pour touts ses archives. Car « Choisir c’est anticiper l’avenir » selon Pierre Nora, historien. Monsieur Hoog envisage plusieurs types de sélection : la sélection naturelle par l’élimination des archives qu’il est impossible de restaurer, la sélection économique au regard du coût de la sauvegarde, la sélection technique qui comprend la possibilité pour un pays de réaliser la sauvegarde, la sélection juridique lorsque aucun accord avec les ayants droits n’a été trouvé, la sélection par le marché dans un archivage à but commercial et enfin la sélection politique dans un Etat non démocratique.

Le facteur juridique a dores et déjà trouvé une solution à l’INA. L’Institut ne possède pas automatiquement les droits de diffusion des productions des opérateurs privés. En 2005, des négociations ont été lancées en vue d’accords généraux avec les représentants des différentes catégories d’ayants droits. Le 16 juin 2005, deux accords ont été conclus pour l’édition de contenus sur des réseaux numériques. Les accords concernent les auteurs ayant fait apport de leurs droits à une société d’auteur et les artistes-interprétes engagés pour les émissions. Les ayants droits bénéficient de 46% du chiffre d’affaire de ina.fr et 20% des archives sont payantes. Les fichiers non libres de droits sont protégés par deux systèmes. Chaque image est tatouée et contient des informations non visibles garantissant leur origine au cas où elles seraient mises à disposition sur des réseaux d’échanges illégaux. Des DRM assurent également la gestion des droits électroniques pour les droits d’auteurs en constituant un cryptage des fichiers.

En outre, l’INA doit assurer la sauvegarde de 10% des sites web français relatifs à la radio et à la télévision. Internet est pris en compte comme réel vecteur d’information et créateur d’actualité.
Sources :
http://:www.ina.fr
http://www.zdnet.fr
http://www.vds.cnes.fr
HELIOT A., Le Figaro, 27 avril 2004
SERY M., Le Monde, 13 juin 2006
Les Nouveaux dossiers de l’audiovisuel, septembre-octobre 2005, pp. 20-68.

Bénédicte COUSSON