LES MÉDIAS FACE AU FAIT DIVERS : UN AVANT ET UN APRÈS OUTREAU?

Les faits divers ont toujours été aimés du public. Crimes passionnels, tueries, affaires d’abus sexuels sur mineurs déchaînent depuis toujours les passions et suscitent une vive émotion auprès de l’opinion publique. Les médias le savent bien et c’est dans une certaine optique commerciale que certains en font leurs choux gras voire leur fonds de commerce. Ils vont relayer ce type d’informations au détriment parfois de l’actualité politique ou internationale. La question qui se pose alors est de savoir jusqu’où les médias peuvent-ils aller ? Car des dérapages ont existé et sont souvent lourds de conséquences.

En 1972, une jeune adolescente est assassinée à Bruay-en-artois. L’opinion publique s’empresse d’accuser le notaire de la ville et sa compagne et les médias se chargent de diffuser plus que largement l’information. Le juge d’instruction, certainement sous la pression, inculpe le couple qui sera innocentée deux ans plus tard.
On peut douter de la leçon qu’ont pu tirer les médias de cette affaire au vu de l’affaire du Petit Grégory qui captiva l’opinion publique au cours des années 80. En effet, après le meurtre de Grégory Villemin alors âgé de quatre ans, une véritable saga judicaire est lancée. La rumeur selon laquelle la mère de l’enfant serait également sa meurtrière est reprise avec effroi mais néanmoins sans aucune précaution dans les médias. Là aussi le juge inculpe la maman qui sera innocentée.

On se rend compte dès lors de l’importance du poids médiatique dans ce type d’affaires. Les pouvoirs publics votent en janvier 1993 la première loi sur la présomption d’innocence et les médias prennent conscience des écueils possibles dans le traitement des faits divers.
Pour autant, l’histoire comme souvent se reproduit et c’est ce qui se passe avec le drame d’Outreau.
Selon Corinne Péhaut, journaliste judiciaire à France 3 Nord-Pas-de-Calais, il n’y a pas tellement eu de changement après ces dérapages, on ne peut pas vraiment parler d’un « avant » et d’un « après ». Mais après l’affaire Outreau les choses sont peut-être sur le point de changer : France 3 a mis au point le logiciel « Mona Lisa » dans le but de permettre la traçabilité des images sur le plan national: lorsque une image, diffusée sur une des stations de France 3 est transmise à une autre station elle est accompagnée d’un certain nombre d’informations : date, contexte, conditions de diffusion…Cela a son importance « car les rédactions d’origine peuvent préciser si les images peuvent être réutilisées, si l’on peut ou non donner le nom de telle ou telle personne », précise Hervé Brusini, directeur délégué de l’information à France 3. Une « cellule police-justice » va également être mise en place, toujours au sein de France 3, pour former les journalistes au traitement du fait divers.
A La Voix du Nord, les faits divers sont confiés à une seule personne et non pas à un rédacteur polyvalent.
Ouest France a écrit une chartre sur les faits divers dans les années 90 dont le leitmotiv consiste à “Dire sans nuire, montrer sans choquer, témoigner sans agresser, dénoncer sans condamner.
Moins de précipitations, plus de professionnalisme, de conscience professionnelle et de vérification des informations sont les maîtres mots de la nouvelle manière de traiter les faits divers dans les médias.
Reste à savoir si cette fois les médias tireront des leçons de l’expérience et des dérapages passés et que l’on comptera sur un « après » Outreau.

Source :
– Le Monde.fr, 18 mars 2006, « Après Outreau, le fait divers en question », Guillaume FRAISSARD, Pascale SANTI et Philippe ALIENNE

Aurélie GIOIA