UNE SUITE POSSIBLE DES « MISERABLES » DE VICTOR HUGO

Dans un arrêt du 30 janvier 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation a précisé dans quelles conditions la suite du roman de Victor Hugo, « Les Misérables », pouvait être possible.

En l’espèce, l’auteur de deux romans présentés comme les suites des « Misérables » ainsi que son éditeur avaient été poursuivis par l’un des héritiers de Victor Hugo pour atteinte au respect de ladite œuvre. La Société des gens de lettres, association reconnue d’utilité publique, était intervenus volontairement dans la procédure afin de soutenir le demandeur et pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

Ainsi, par un arrêt du 31 mars 2004, la Cour d’appel avait fait droit à la demande et considéré qu’il y avait eu atteinte au droit moral de Victor Hugo puisque celui-ci n’aurait jamais accepté qu’une suite soit donnée au roman « Les misérables » par un auteur autre que lui-même.
Si les défendeurs ont avancé le fait que le refus d’une suite constituait une atteinte au principe de la libre création, cet argument n’a pas été retenu par les juges d’appel.
En effet, selon eux l’œuvre litigieuse était achevée et se trouvait être « un véritable monument de la littérature mondiale » procédant d’une « démarche politique et philosophique », et non un simple roman. Une suite ne pouvait donc être écrite.

Or au vu des articles L. 121-1 et L. 123-1 du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la suite d’une oeuvre littéraire se rattache au droit d’adaptation.
L’auteur d’une œuvre ou ses héritiers ne peuvent donc interdire qu’une suite en soit donnée dès lors que leur monopole d’exploitation est éteint et que les prérogatives de droit au nom et à l’intégrité de l’œuvre adaptée soient respectés.
En l’espèce, la Cour d’appel n’a nullement pris en considération le fait que l’œuvre de Victor Hugo ait pu être altérée ou que la suite litigieuse ait pu faire naître une confusion sur la paternité de l’œuvre première. Elle s’est essentiellement fondée sur des motifs tirés du genre et du mérite de l’œuvre et sur son caractère achevé, critères indifférents en matière de droit d’auteur (Article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle). La Cour n’a donc pas caractérisé l’atteinte au droit moral et s’est déterminée en méconnaissance de la liberté de création.

C’est pourquoi la Cour de cassation a cassé et annulé le jugement de la Cour d’appel.
Les juges de renvoi devront quant à eux se fonder se fonder sur ces critères.

Source :
www.legifrance.gouv.fr (Cass. Civ.1, 30 janv. 2007, Sté Plon et autres c/ Hugo et autres)

Angélique COUTANT