LA REMISE EN QUESTION DU PRIX UNIQUE DU LIVRE

Bouleversement dans le projet de loi sur la modernisation économique : un député du nouveau centre, Jean Dionis du Séjour, a l’intention de demander de réduire de deux à un an le délai durant lequel les soldes de livres sont interdites. À préciser que les rabais concernés sont ceux supérieurs à 5%.
Cette tentative est la seconde, après l’amendement qui avait été déposé au projet LME, qui prévoyait alors de limiter à six mois l’interdiction des soldes des livres, et qui a été rejeté par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Le rapport Attali, sur lequel est basée la loi, était d’ailleurs favorable au maintien de la loi Lang.

La loi mise en cause est donc la loi sur le prix unique du livre votée le 10 août 1981, à l’initiative de Jack Lang, alors ministre de la Culture. Cette loi prévoit que l’éditeur fixe le prix de son livre et le marque au dos de l’ouvrage. Elle précise, ensuite, que les points de vente – librairie, surface spécialisée ou grande surface – ne peuvent vendre le livre à prix différent ; toutefois, une remise maximum de 5% est autorisée.
Le prix fixé s’impose alors comme un minimum à toutes les éditions ultérieures de l’ouvrage dans un délai de neuf mois. Par ailleurs, ce prix unique ne s’applique pas aux livres importés ou à ceux édités depuis plus de deux ans et dont la dernière commande date de plus de six mois.

Pour Antoine Gallimard, « la loi Lang est la pierre angulaire de la vie éditoriale. Elle n’empêche pas la concurrence et ne lèse pas les consommateurs ». Cette loi est, d’ailleurs, bien souvent qualifiée de « première loi de développement durable », car elle a contribué au maintien d’un tissu de librairies indépendantes et d’une grande production éditoriale.

La semaine précédent l’ouverture des travaux parlementaires, la Société des gens de lettres (SGL), le Syndicat national de l’édition (SNE), ainsi que le Syndicat de la librairie française (SLF) se sont levés contre « la fin du prix unique du livre ». Dans une lettre commune adressée à Christine Albanel, actuel ministre de la Culture, les trois syndicats précisent qu’un tel dispositif « amorcerait un bouleversement total du marché du livre, dont les seuls bénéficiaires seraient quelques grands acteurs de la distribution ».
Selon les syndicats, les librairies indépendantes, déjà fragiles économiquement, résisteraient difficilement à l’émergence d’un marché des soldes dans les grandes surfaces et sur Internet. Les éditeurs, eux, pâtiraient directement d’un report des achats des nouveautés dans l’attente des soldes. Concernant les écrivains, le système envisagé par le député ne profiterait qu’aux auteurs de best-sellers. Enfin, les lecteurs souffriraient d’un appauvrissement de l’offre éditoriale et surtout d’une augmentation du prix du livre ; les éditeurs compensant ainsi le manque de recettes liés aux soldes par une augmentation globale de leurs prix.

À l’inverse, Xavier Garambois, le directeur général d’Amazon France (librairie sur Internet), qui déclare que ses clients trouvent que les livres sont chers, juge donc « très positive » l’initiative du député : « cela stimulerait le marché du livre, qui est moins dynamique en France qu’en Grande-Bretagne et où les nouveautés sont moins chères ».
Cependant et contrairement aux apparences, le système britannique n’est pas à envisager car la suppression du prix unique – en 1995 – a entraîné le constat de livres en moins grand nombre, plus chers et moins accessibles. D’après le ministère français de la Culture, la suppression du prix unique en Grande-Bretagne a « accéléré le développement des grandes enseignes de distributions et fragilisé le réseau des libraires indépendants ».

Si la proposition du député Dionis du Séjour irrite la majorité des acteurs du marché, sa préoccupation est, en réalité, avant tout écologique. Il souhaiterait, en effet, réduire le nombre de livres invendus, qui sont détruits chaque année, c’est-à-dire entre 80 à 100 millions sur un total de 400 millions d’exemplaires.

Les débats parlementaires ont commencé le 29 mai, nous connaîtrons dans quelques semaines l’issue de cette demande.
Sources :
Le Monde, 28 mai 2008
Le Figaro, 30 mai 2008
Wikipedia
Marion PAZZONI