L’EFFET D’AUBAINE : MYTHE OU RÉALITÉ

Au regard de l’actualité passée, il est facile de trouver une bonne accroche à mon sujet, mais cette facilité devient agaçante tant les des idées plus ou moins ordonnées s’emballent dans ma tête. Ainsi, j’ai d’abord pensé à débuter mon article avec les paroles de Brassens et les copains d’abord mais l’actualité a changé mes plans. Et, c’est en allumant la télévision que je suis tombé sur ma future ex accroche. Elle était là, toute belle, chevelure blonde, gestuelle « présidentielle », vocabulaire habilement choisi, tout y était pour faire un bon petit sujet polémique. J’ai donc sorti ma plus belle plume et laissé mon inspiration écrire ce texte.
Sans doute, j’ai fais naître chez vous une interrogation, pourquoi n’ai-je pas gardé Brassens ?
Tout simplement, parce qu’avant les copains, il y a la famille. Et, ce n’est pas le mini scandale, Jean Sarkozy à la tête de l’Epad qui nous dira le contraire. L’amitié, c’est bien, mais on peut toujours pousser plus loin le concept, comme le souligne l’hebdomadaire Marianne : « Après les copains, son fils… C’est l’esprit des institutions que le président est en train de trahir ». Place au népotisme ! Un mot dont je ne savais même pas la signification, il y a quelques jours. Donc merci Jean !
Mais bon, où est le droit dans tout çà, et notamment la publicité ?
Là, juste à coté, elle vous pend au nez !
L’actualité nous montre bien que la « république monarchique » poursuit des buts qui ne sont pas forcément légitimes. Et c’est là, où je cherche à vous amener. Il y a une dérive présidentielle du pouvoir, et cette dérive se présente sous des formes toutes bien différentes ; de même que l’on peut contester le « pseudo » renforcement des pouvoirs du Parlement, il en va de même en matière d’audiovisuel, comme la nomination par le Président de la République du Président de France Télévisions, la suppression de la publicité…etc.

« Cela ne passe même plus par l’Elysée, il y a un téléphone rouge entre Paolini et quelques députés » disait un lobbyiste adverse après l’annonce de notre président de la République le 8 Janvier 2008 quant à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Aujourd’hui, on peut dire que cet opposant avait raison comme en témoigne le récent amendement de Patrice Martin-Laland datant du 16 Octobre 2009 demandant un moratoire d’un an sur la taxe des revenues publicitaires des chaînes privées.
Noël Mamère parlait « d’inceste entre tf1 et le pouvoir » l’an dernier. Sans doute, n’avait-il pas tord !
Un bref récapitulatif s’impose.

Tout commence fin 2007 avec l’envoie à l’Elysée d’un livre blanc rédigé par TF1 contant les « galères » de la chaîne qui doit faire face à une Laurence Ferrari en perte d’audience, au refus de France 3 de déprogrammer « plus belle la vie », à la concurrence de la TNT… Ainsi, à travers ce livre blanc, des demandes sont faites pour prendre des mesures afin « d’assainir le marché publicitaire soumis enfin aux seules lois de l’offre et de la demande ». Prenant actes des requêtes de la chaîne de son ami, (Martin Bouygues étant propriétaire de TF1), M. Sarkozy décide de réformer le secteur public de l’audiovisuel avec comme mesure phare la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. En attendant une suppression définitive de la publicité sur ces chaînes fin 2011, depuis le 5 Janvier dernier, il n’y a plus de publicité entre 20h et 6h sur les chaînes de télévision publique, France 2, France 3, France 5 entres autres.
Une question simple se pose, n’est-ce pas la meilleure manière de répondre aux demandes de TF1 ?
Bien sûr que oui. Pour renforcer son statut, affaiblir un concurrent direct, c’est le meilleur moyen de renforcer sa position.
Il faut savoir que la suppression de la publicité pour ces chaînes entraîne un manque à gagner conséquent. Sans parler du côté financier car l’Etat s’est engagé à ce qu’il n’y ait aucun affaiblissement des ressources pour le secteur public ; il est important de dire que cette mesure entraîne un effet d’aubaine.

L’effet d’aubaine désigne un profit inattendu. Ce n’est donc pas par hasard, qu’au jour de l’annonce de la réforme du secteur de l’audiovisuel, les actions de TF1 et M6 ont fait des bonds considérables. La suppression de la publicité les place en situation de position dominante, car elles pourront saisir les ressources publicitaires qui étaient auparavant destinées à France Télévisions.
Et bien non ! Détrompez-vous, il n’y a pas eu d’effet d’aubaine. C’est un mythe que de croire ca.
C’est même l’inverse qui s’est produit selon les chaînes privées, victime d’une crise financière qui a bouleversé les comportements des annonceurs.

Conscient du risque de placer les chaînes privées et notamment TF1, M6 et Canal+ en situation de position dominante (au sens d’accumulation de ressources financières), il a été décidé de prélever 3% du chiffre d’affaire (tiré de la réclame) des chaînes privées afin de compenser l’effet d’aubaine. Après rapport du député UMP des Bouches du Rhône, Christian Kert, ce chiffre a été abaissé à 1,5% (à une précision près, concernant Canal+ ce chiffre reste à 3%), précisant que si les chaînes privées ne bénéficient pas des ressources supplémentaires (effet report voire effet d’aubaine), on ne pourrait leur imposer le paiement de cette taxe.
Et aujourd’hui, nous sommes dans cette situation. Regroupées au sein de l’Association des Chaînes Privées (TF1, M6 et Canal+), par la voix de leur président Bertrand Méheut (Président du directoire de Canal+), l’ACP demande « un moratoire sur l’établissement de cette taxe et le décalage de sa mise en place à la fin 2011 ». Une demande qui apparaît légitime au vue de l’excédent publicitaire dont jouit France Télévisions. En effet, par rapport à son objectif initial de 2009, France Télévisions a dégagé un surplus de 100 millions d’euros. Une situation qui remet en question le paiement de cette taxe par les chaînes privées, car les chiffres affirment que ce « fameux » effet d’aubaine tant décrié n’a pas eu lieu ; au cours du 1er semestre TF1 a vu ses revenus publicitaires chuter de 23% et M6 de 14% soit un manque à gagner respectivement de 205 et 50 millions d’euros.
Soutenus par des députés de droite qui avait pourtant appuyé la réforme, ce projet de voir une suspension du paiement de la taxe a trouvé un récepteur au Parlement en la personne de Patrice Martin-Lalande qui a ainsi déposer un amendement au projet de loi de finances de 2010 qui propose un moratoire d’un an sur cette nouvelle contribution, censée s’appliquer dès le 1er janvier 2010.
Cet amendement devait être soutenu jeudi 12 Novembre 2009 à l’Assemblée nationale, mais finalement il ne l’a pas été.

Affaire à suivre…
Sources :

Amendement de Patrice Marin-Lalande datant du 16 Octobre 2009, n° I-90

http://www.lefigaro.fr/medias/2009/10/07/04002-20091007ARTFIG00067-la-taxe-audiovisuelle-doit-etre-decalee-a-fin-2011-.php

http://teleobs.nouvelobs.com/rubriques/business/articles/taxe-audiovisuelle-meheut-demande-un-moratoire-jusqu-a-2011

http://www.e24.fr/hightech/mediapub/article142261.ece/Ce-que-paient-TF1-M6-et-Canal.html

http://www.latribune.fr/entreprises/communication/publicite-medias/20091007trib000430695/les-chaines-privees-reclament-le-report-de-la-taxe-sur-la-publicite.html

http://www.mediapart.fr/club/blog/mathilde-mathieu/081009/un-amendement-pour-reporter-la-taxe-sur-les-teles-privees

Madjer ZOUAGHI