GOOGLE AUX PORTES DE PEKIN

L’année 2010 semble marquer un tournant dans les rapports entre la société américaine Google et la Chine. Le moteur de recherche a en effet déclaré qu’il refuse depuis le mois de janvier la répression du gouvernement en matière d’Internet.
Leurs relations ont débuté durant l’année 2006 où le gouvernement Chinois a accepté l’arrivée du moteur de recherche américain. Ceci n’est pas sans conditions : l’entreprise s’oblige à supprimer de son moteur de recherche plusieurs sujets jugés indésirables par Pékin. Il s’agira essentiellement de toute mention de manifestations de la place Tian’anmen, les contenus « vulgaires » de pornographie, la critique de la politique chinoise et toutes informations non officiellement approuvées.

Google a assumé ce compromis pendant plus de 3 ans, « convaincu que les bénéfices d’un meilleur accès à l’information pour le peuple chinois surpassaient l’inconfort de censurer certains résultats ». Cet accord passé va cependant suscité la critique de nombreux activistes opposés au régime chinois reprochant à Google d’accepter la censure et les filtrages des contenus.
Pendant ces trois années, la Chine ne va pas hésiter à contrôler le moteur de recherche via le Centre de dénonciation des informations illégales et malsaines (CIIRC). Ce contrôle est même allé jusqu’au blocage temporaire tous les services web de Google de façon arbitraire, prétextant que le moteur de recherche introduirait des contenus pornographiques et obscènes, violant les lois et règlements concernés, nuisant aux intérêts publics.
L’année 2009 est particulièrement répressive : La Chine a bloqué de nombreux sites tel Youtube, Flickr, Twitter, Facebook . L’objectif est d’empêcher tout site permettant la mobilisation des internautes ; afin de prévenir tout conflit sur les forums autorisés, ils posent des obligations de s’inscrire sous son vrai nom. Autre manifestation de leur répression, l’installation d’un logiciel de contrôle Green Dam sur tous les ordinateurs achetés depuis juin, filtrant les contenus pornographiques.
Face à cette censure de plus en plus accrue du gouvernement chinois, Google a décidé que si le groupe n’était plus capable d’atteindre ses objectifs, il n’hésitera pas à remettre en cause l’accord passé en 2006 concernant les règles de censure.

La découverte d’un attaque informatique contre Google en décembre a mis le feu aux poudres. L’investigation menée par la société a permis de constater la violation de dizaines de boites aux lettres d’internautes américains, européens et chinois militant pour les droits de l’homme en Chine.
Prenant position, Google a annoncé refuser de se soumettre à la censure et autres exigences du gouvernement chinois. Exemple de cette rébellion, la photo de l’homme qui se dresse face un char sur la pace de tiananmen était visible sur google.cn après l’annonce officielle pendant plusieurs heures. Le géant de l’internet américain a également menacé de fermer son portail en Chine.

L’action de Google dispose de nombreux soutiens dans le monde. D’abord par les internautes chinois pour qui Google offre un véritable pouvoir de contestation face au gouvernement. Ensuite par l’ensemble des organisations des droits de l’homme telle Human Rights Watch, qui félicitent la première multinationale à contester le contrôle gouvernemental et saluent la rupture du principe de neutralité politique de Google. Enfin Hillary Clinton, puis le président Barack Obama ont défendu l’idée d’ « un internet libre et sans censure ». D’autres personnes voient dans la prise de position de Google une autre raison : la dissimulation d’un échec commercial de Google en Chine qui n’a réussi qu’à occuper que 30 % du marché face au concurrent Baidu.
Cette décision difficile va avoir de lourdes conséquences au plan international. En effet, cette situation demeure très embarrassante pour Pékin, qui multiplie les communiqués prônant l’ouverture et les négociations tout en défendant l’obligation des entreprises étrangères de « respect les lois, l’intérêt public, la culture et les traditions des pays hôtes ». Si l’entreprise s’en va, ce sera un coup très rude pour l’image du pays et du gouvernement.

Reste à savoir quel impact va avoir Google sur les autres multinationales du Web présent en Chine à commencer par Microsoft et Yahoo qui ont accepté de se plier aux règles édictées par le gouvernement chinois.

Sources:

Le Figaro n°20 358 jeudi 14 janvier 2010
Le Monde n°20210 vendredi 15 janvier 2010

Pierre Xavier Chomiac de Sas