La mise en place efficace d’une charte sur le droit à l’oubli numérique en l’absence des deux géants du net est-elle possible?
Aujourd’hui nous avons presque tous une existence numérique. Il suffit de taper son nom sur un moteur de recherche pour voir ce qu’il en sort : une de conversation vieille de plusieurs mois sur Facebook, un ancien CV, ou une vidéo mise en ligne pour les moins chanceux.
En effet, si internet demeure un média de flux c’est aussi un média de stock, les informations sur la toile demeurent visibles de façon permanente. Et ceci alors que chaque internaute laisse des traces sur le net dont il n’a pas conscience. Des traces accessibles à tous car tout le monde “googlise” tout le monde: un nouveau client, un candidat potentiel… Et certaines « casseroles » virtuelles (frasques judiciaires mentionnées dans la presse, insultes sur un blog, vidéos intimes sur certains sites) peuvent rapidement ternir une réputation.
Certains n’hésitent d’ailleurs pas à faire appel à des entreprises spécialisées afin d’effacer ces contenus. En effet, ces entreprises spécialisées dans l’« e-réputation » ou le contrôle de l’image sur le net se développent de plus en plus dans l’hexagone et connaissent un certain succès.
Face à ces nouvelles tendances émerge l’idée d’instaurer un « droit à l’oubli numérique» mais dont la conception et l’application se révèle d’ores et déjà complexe.
C’est pour résoudre ce problème que deux sénateurs, Yves Détraigne (MoDem) et Anne-Marie Escoffier (Parti Radical de Gauche), ont déposé au Sénat une proposition de loi en novembre 2009.
De son coté, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique a opté pour la charte. Il s’agit d’un texte sur la protection des données personnelles numériques intitulée Charte du droit à l’oubli dans les sites collaboratifs et les moteurs de recherche.
Une consultation publique a donc été lancée en mai 2010 dans tout la France afin de mieux cerner l’attente des internautes. Pour la secrétaire d’Etat, cette charte devait se concentrer sur 3 objectifs principaux: améliorer l’information au public et sa connaissance des risques ; mobiliser les acteurs autour de la mise en place des bonnes pratiques et d’outils nécessaires à une protection efficace de la vie privée ; et enfin instaurer un droit à l’oubli numérique auprès des instances européennes et internationales.
Cette charte permettrait aux internautes de protéger leur vie privée quitte à ce qu’ils puissent “effacer” des données mises en ligne. Les signataires de la charte s’engagent ainsi à fournir des dispositifs pour garantir la protection des données de leurs utilisateurs. Ainsi du côté des signataires serait créé une sorte de « bureau des réclamations virtuel» permettant aux internautes de déposer des demandes pour modifier ou supprimer des données.
Les moteurs de recherche devront, quant à eux, supprimer rapidement les pages mises en cache qui peuvent survenir même après la suppression du contenu initial.
La charte sur le droit à l’oubli numérique a été signée le 13 octobre 2010 par NKM et ses partenaires. Microsoft, Pagesjaunes, Copains d’avant, Skyrock, Viadeo, Trombi.com ont signé cette charte ainsi que des associations familiales (AFC, CNAFC) et de protection de l’enfance (Action Innocence et e-Enfance).
En revanche, deux des plus grands acteurs du net ont refusé de participer à cette initiative: Google et Facebook. Cela constitue une proportion très importante du net car en France Google occupe environ 90% du marché et Facebook compte 19 millions de comptes (sur les 500 millions dans le monde).
Google justifie sa position sur le terrain de la liberté d’expression, « La protection des données personnelles est un droit fondamental qui doit être défendu mais il est important pour nous de le faire en respectant d’autres droits fondamentaux tels que la liberté d’expression », a déclaré Peter Fleischer, juriste chez Google, selon des propos cités par La Tribune.
Ainsi l’efficacité d’une telle charte en l’absence des deux géants de l’internet s’avère extrêmement compromise. Ceci d’autant plus qu’il s’agit d’une charte « déontologique », qui n’a pas d’effet contraignants. En effet selon les responsables il n’est pas possible de mettre en place des mesures coercitives à des entreprises qui sont situées pour la plupart à l’étranger et qui sont soumises de ce fait à une législation internationale.
Si l’on peut douter de son efficacité, cette charte constitue néanmoins pour Nathalie Kosciusko Morisset, une base pour des discussions futures tant pour le niveau international que pour l’approfondissement des engagements qu’elle contient.
http://www.ecrans.fr/Le-droit-a-l-oubli-numerique-les,11078.html
http://www.silicon.fr/google-et-facebook-oublient-la-charte-du-droit-a-loubli-numerique-42481.html
http://www.rue89.com/explicateur/2009/11/11/le-droit-a-loubli-numerique-un-casse-tete-jurididique