Dans la tourmente des révélations scandaleuses visant certains membres du Gouvernement, Le Canard enchaîné a décidé d’apporter sa pierre à l’édifice. En novembre dernier, le journal a en effet accusé le Président de la République en personne de superviser “personnellement” l’espionnage de certains journalistes chargés de la couverture d’affaires sensibles.
Dans un article signé de son rédacteur en chef Claude Angeli, le journal assure que “dès qu’un journaliste se livre à une enquête gênante pour lui ou pour les siens”, le chef de l’Etat “demande” au patron de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) Bernard Squarcini de “le mettre sous surveillance”.
Le célèbre hebdomadaire, qui n’a jamais hésité à dénoncer les dérives politiques, s’est appuyé sur des sources anonymes au sein de la DCRI. Une équipe aurait même été montée à cette fin, composée de “plusieurs anciens policiers des RG”, qui “se procurent les factures détaillées du poste fixe et du portable du journaliste à espionner”.
Sans surprise, l’Elysée a aussitôt démenti ces accusations, qualifiées de « totalement farfelues », sans autre commentaire. Pour le président du groupe UMP à l’Assemblée, il ne s’agit que « d’allégations ». Dans l’entourage de Bernard Squarcini, on affirme que le directeur de la DCRI n’a «jamais eu d’instruction de Nicolas Sarkozy depuis que celui-ci est président de la République».
«La DCRI ne s’occupe pas des journalistes, mais, éventuellement, de leurs sources», a-t-on toutefois poursuivi. Elle est «chargée, notamment, de la lutte contre le terrorisme, mais aussi de celle contre la compromission, ainsi que de la défense des intérêts de l’Etat. Lorsque des fuites interviennent à haut niveau dans un cabinet ministériel, il est de son devoir de s’en saisir. Elle a une structure hiérarchique (directeur général de la police nationale, directeur du cabinet du ministre) et lui rend compte de ses saisies d’initiative».
L’hebdomadaire maintient toutefois ses affirmations, appuyées par le Syndicat national des journalistes (SNJ), qui dénonce une « affaire d’Etat ». La conjoncture n’est pas favorable au pouvoir exécutif, qui a déjà été accusé auparavant par le journal Le Monde d’avoir violé la protection des sources des journalistes. Le vol d’ordinateurs commis au sein de certaines rédactions travaillant sur des sujets sensibles ne fait qu’alimenter les soupçons.
Le 4 novembre, la Délégation parlementaire aux Renseignements a auditionné deux responsables de la police et du contre-espionnage, tandis que la Garde des Sceaux qualifiait de « fantasme » ces accusations d’espionnage. Espérons qu’il ne s’agisse effectivement que d’un fantasme et non de la réalité, bien que les derniers évènements laissent penser le contraire. La liberté d’informer est l’un des piliers essentiels de toutes démocratie qui se respecte. Sans elle, la confiance des citoyens envers leurs institutions disparaît…
La France est classée à la 44e place en matière de liberté de la presse selon un rapport de Reporters sans frontière.
Cédric BERGER
SOURCES :
http://info.france2.fr/medias/espionnage-de-journalistes-auditions-au-parlement-65683143.html