Le 4 janvier le site l’Express.fr a publié un article dont le titre évocateur : « Patrick Plagiat d’Arvor » accuse l’ancien présentateur du 20h, d’avoir plagié une biographie américaine sur Ernest Hemingway, signée par Peter Griffin. A l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort d’Hemingway une biographie écrite par PPDA devait paraitre le 19 janvier. Selon l’Express, l’ouvrage de PPDA Hemingway, la vie jusqu’à l’excès, a repris sur près de cent pages le livre de Griffin, il s’agit pour le journal « d’emprunts », « manifestes, massifs et comme portés par un étonnant sentiment d’impunité. » Afin de prouver le plagiat, l’article de l’Express publie même des extraits des deux œuvres en parallèle.
La première réponse à cette accusation vient de la maison d’édition Arthaud, du livre de PPDA : « le texte imprimé, qui a été diffusé par erreur à la presse en décembre, était une version de travail provisoire. Elle ne correspond pas à la version définitive validée par l’auteur, dont la commercialisation en librairie est prévue fin janvier. Les éditions Arthaud présentent leurs excuses à l’auteur ainsi qu’aux journalistes destinataires de l’ouvrage. »
Le plagiat est en matière de biographie délicat à identifier, puisqu’il est difficile de relater la vie d’un personnage notable de manière différente de ce qui existe déjà, sans en déformer les faits. Il existe en France afin de protéger les œuvres de l’esprit, le droit d’auteur. De nombreuses règles juridiques ont alors pour vocation la protection d’œuvres originales, permettant d’assurer les droits moraux et patrimoniaux des véritables auteurs, et leur ouvrant des actions en justice comme l’action en contrefaçon. L’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle dispose alors : « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. » L’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit la protection des droits moraux des auteurs : « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. »
PPDA va alors se baser sur l’utilisation des faits de la vie d’Hemingway pour sa défense dans l’Express : « J’ai passé un an et demi à écrire ce livre et trouve très désobligeant ce soupçon de plagiat. Je me suis naturellement documenté auprès des nombreuses biographies existantes, au nombre desquelles celle de Griffin me semble la meilleure sur le jeune Hemingway. Mais je n’allais pas lui réinventer une vie !” Pour le journal accusateur cet argument n’est pas valable. Il relève de plus que l’œuvre de PPDA est écrite à « l’américaine ». PPDA a également assuré sa défense par un communiqué adressé à l’AFP : « Je suis sidéré par ce que j’ai pu lire ou entendre depuis quarante-huit heures. Je suis soupçonné de plagiat pour mon prochain livre, qui ne sortira en librairie que fin janvier, sur la base d’une version qui n’est pas la bonne, ni la définitive. » Or il est possible de s’interroger sur la véracité de cette affirmation, sur le fait que la version de l’œuvre n’était pas la version définitive, puisque celle-ci avait une couverture cartonnée, des codes barres et une dédicace de PPDA.
L’Express s’appuie sur un autre argument pour avancer le plagiat, il remarque que l’œuvre de Griffin est simplement mentionnée parmi une centaine d’autres références. A cela PPDA répondra : « Contrairement à ce qu’ont affirmé certains, je l’ai cité dix-huit fois dans les notes figurant à la fin de la version provisoire incriminée. Cela eût été une étrange de façon de procéder si j’avais réellement voulu occulter l’existence de ce livre. » Cependant, dans la première version et la version définitive, une différence notable apparait puisque le livre de Griffin est cité dans la bibliographie de la seconde version. De plus, de nombreuses pages considérées comme plagiées, concernant la jeunesse d’Hemingway ont été supprimées dans la deuxième version, mais il est du ressort de la volonté de PPDA de faire ce choix, il précise d’ailleurs que c’est « une vision très personnelle » de la vie d’Hemingway.
En dehors du problème du plagiat que soulève Hemingway, la vie jusqu’à l’excès, une autre interrogation apparait quant à la rédaction de l’œuvre ou un nègre aurait pu intervenir. Cette question a été suscitée par l’Express à l’occasion des remerciements fait à Bernard Mark ancien rédacteur en chef d’Aéroports Magazine, rédigés de cette façon : « Remerciements à Bernard Marck, grand spécialiste du Paris de l’entre-deux-guerres ». En effet, Bernard Mark a rédigé de nombreux ouvrages concernant l’aviation mais aucun concernant le « Paris de l’entre-deux-guerres. » Il est alors possible d’émettre l’hypothèse d’une collaboration de Bernard Mark ou d’un autre collaborateur ayant utilisée l’œuvre de Griffin sans mettre PPDA au courant. Cette hypothèse est mise en interaction par l’Express, avec l’emploi du temps chargé de PPDA, lui laissant peu de temps à l’écriture. Ce dernier répondra alors lors de sa participation à l’émission le Grand journal sur Canal plus qu’il est en droit de faire l’une des choses qui lui plait le plus, à savoir l’écriture.
Face aux accusations concernant le plagiat et l’existence d’un nègre, PPDA s’est exprimé dans le Monde, le 26 janvier. C’est ainsi qu’il évoque l’erreur de son éditeur qui a communiqué une version ancienne de l’ouvrage, le fait qu’il écrive à la main d’où la possibilité « des risques de confusions entre fichiers », le fait enfin qu’il ait signé l’accord pour éditer l’ancienne version sans la relire. Mais ce que PPDA dénonce principalement dans le Monde, c’est le problème que représente internet. Malgré l’incroyable chance qu’offre cette technologie, permettant à chacun d’accéder à des informations, le problème pour PPDA est l’ampleur médiatique que prend une rumeur, lancée dans un seul journal, en l’occurrence l’Express, qui va alors être reprise par de nombreuses autres personnes sans que celles-ci n’en vérifient l’exactitude. C’est alors qu’un problème important est soulevé, problème en lien à notre temps, comment faire la part du vrai et du faux des informations qui circulent librement sur la toile ? Comment concilier cette liberté d’expression, largement accrue ces dernières années, avec une protection et une assurance de la fiabilité des informations ? Cette nouvelle forme d’information n’aboutirait-elle pas à la désinformation ?
Clémentine Lafon