En complément d’un premier décret d’application, publié au Journal Officiel le 13 mai 2011, qui clarifie les missions de l’agent artistique et qui confirme la mise en place d’un registre national géré par le Ministère de la Culture, un second texte, publié au Journal Officiel le 27 Août 2011, est venu préciser les modalités de rémunération des agents.
Pourquoi une réforme soudaine du statut de l’agent artistique ?
Mise en œuvre par le Ministère de Travail et par le Ministère de la Culture, en application de la Directive Services, votée en 2006 par les Etats membres de l’Union Européenne, cette réforme surprend à première vue, puisque le Syndicat Français des Agents Artistiques et Littéraires (SFAAL) n’avait à ce titre formulé aucune demande. En effet, les syndicats des producteurs prétendent avoir interrogé Monsieur François HURARD, spécialiste du secteur cinématographique et proche du Ministre de la Culture, qui nie avoir eu connaissance d’un tel projet. Dès lors, apparaissait une certaine confusion dans les milieux du Cinéma et de l’Audiovisuel.
En réalité, derrière ce décret se cacheraient les managers du secteur du disque qui, désireux d’augmenter leurs gains, auraient sollicité du Ministère de la Culture et du Ministère du Travail un projet de réforme, sans que les autres secteurs culturels concernés n’aient été avisés.
Qu’en est-il sur le fond du décret ?
Le décret maintient la rémunération de l’agent, plafonnée à 10% du montant brut perçu par l’artiste. Toutefois, cette révision prévoit que ce taux de rémunération peut être porté à 15% dès lors que l’agent se voit confier l’organisation et la gestion de la carrière de l’artiste. Cette disposition concerne tout particulièrement les musiques actuelles. Mais cette augmentation du pourcentage ne concerne pas tous les professionnels : englobés depuis peu dans le même statut que les agents artistiques, les managers, habitués en pratique à percevoir parfois jusqu’à 25% pour le management d’un artiste en devenir devront se limiter aux 15% énoncés par ces nouvelles dispositions.
L’autre nouveauté de ce décret consiste à inclure les droits voisins dans l’assiette du pourcentage perçu par l’agent : aux cachets et autres salaires de l’artiste seront pris en compte dorénavant, les revenus liés à l’exploitation de son œuvre, telle que la diffusion ou la reproduction par exemple.
Enfin, s’agissant du contrat de travail signé entre l’agent et l’artiste, ce dernier a l’obligation de prévoir une clause précisant la rémunération de l’agent et selon quel partage (nouvel article L. 7121-13 du Code du Travail).
Quelles sont les réserves pouvant être émises à l’égard du décret ?
Si ce décret a pour but d’encadrer davantage les rapports entre l’agent artistique et ses artistes, il souffre d’une certaine incohérence qui peu pousser à la critique à plusieurs titres.
En effet, notons tout d’abord que le décret, dont l’objectif est d’ouvrir la profession d’agent artistique, notamment aux ressortissants de l’Union Européenne, ne fait pas de distinction entre l’agent artistique et le manager. Ainsi, il met sur le même plan deux professions en pratique distinctes : l’agent artistique qui négocie les cachets des artistes figurant à son catalogue et le manager chargé de gérer la carrière, sur tous ses aspects, de quelques artistes, voire d’un seul. Par conséquent, cet amalgame malheureux ébranle quelque peu le milieu de la production artistique.
Par ailleurs, une incohérence subsiste concernant l’assiette de perception, dans la mesure où le décret prévoit que le taux de 15% sera appliqué sur les rémunérations nettes de l’artiste alors même que les contrats sont négociés sur le montant brut.
En outre, la suppression de la licence d’agent artistique émanant du nouveau décret, au nom de la libre prestation de services, pourrait représenter une menace pour la profession. La simple inscription au registre national des agents artistiques, formalité purement déclarative, sans aucune restriction, ni approbation d’une commission, comme c’était le cas auparavant, n’est pas un gage de qualité dans ce métier déjà bien saturé (surtout depuis la création du métier de directeur de casting, qui a tendance à le concurrencer, voire à le remplacer parfois).
A ce titre le Syndicat Français des Artistes Interprètes (SFA) s’indignait de cette réforme en déclarant : “(…) la suppression de la commission d’attribution des licences supprime tout contrôle quant à la connaissance du futur agent sur l’environnement social des artistes interprètes”.
Il convient d’ajouter que le SFA s’est opposé, avec le soutien de quelques parlementaires, à l’inclusion des droits voisins dans l’assiette de calcul du pourcentage de l’agent, par la rédaction d’un amendement limitant la rémunération de ce dernier aux seules sommes inscrites au contrat de l’artiste. En vain, cette tentative pour la protection des artistes interprètes fut rejetée tant à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat.
A l’inverse du SFA, le syndicat Musique Manager Forum France (MMF), qui espérait que le plafonnement ne serait pas inférieur à 20%, a critiqué le décret, regrettant notamment que les 5% forfaitaires dédiés aux frais supplémentaires, couramment appliqués chez les agents, n’aient pas été prévus. En effet, ce dernier dispose que “ne peuvent être pris en considération pour le calcul de la rémunération de l’agent artistique en application du premier alinéa de l’article D. 7121-7 les remboursements, indemnités et avantages en nature perçus par l’artiste à titre de frais professionnels”.
Le manque de coordination entre les professionnels concernés et la contradiction de leurs réactions a donc instauré un certain malaise quant à l’appréhension de ce texte.
Si le décret est quand même accueilli comme un bienfait par les uns, il est perçu comme un “Cheval de Troie” par les autres. Le “chant des sirènes” de la rue de Valois aura, en tout état de cause, peut-être eu raison de la sagacité de chacun.
Sources :
.http://www.rue89.com/2011/04/10/15-du-cachet-pour-les-agents-dartiste-le-meritent-ils-199024
.http://www.village-justice.com/articles/Agent-Artistique-parution-decret,10789.html