En décembre 2011 va être lancé un nouveau logiciel par le Gouvernement Russe afin, officiellement, de lutter contre l’extrémisme en ligne.
Le lancement de ce logiciel de recherche n’est que la suite logique de l’appel d’offre qu’avait lancé courant mars 2011 le service fédéral russe de surveillance dans le domaine des communications, des technologies de l’information et des communications de masse : le Roskomnadzor. Cet appel d’offre, qui courrait jusqu’au 15 août 2011, a conduit à la création du logiciel qui est actuellement dans ses dernières semaines d’expérimentation et qui devrait, selon toute vraisemblance, être mis en place durant le mois de décembre 2011 par le Gouvernement russe.
En quoi va consister ce logiciel ?
Ce logiciel va être chargé de contrôler tout contenu posté sur le Web russe et ce par n’importe quel internaute, la presse n’étant pas la seule visée. Plus précisément, seront contrôlés tous les textes, images ainsi que les contenus audios et vidéos.
Un logiciel de lutte contre l’extrémisme
Officiellement, c’est l’objectif premier de ce logiciel. Cependant, dans un rapport publié par Reporters Sans Frontières (RSF) ces derniers s’inquiètent de « la définition très large des propos extrémistes ». En effet, non seulement le logiciel est chargé de surveiller et de repérer tous propos extrémistes, dans lesquels le pouvoir russe englobe les propos liés « au terrorisme, au nazisme, ainsi que ceux incitant à la haine nationale, raciale, sociale ou religieuse » ; mais il est aussi chargé de traquer tous propos pouvant constituer en la violation de l‘unité de la Russie ou encore, plus surprenant, « tous contenus cachés et autres moyens techniques de diffusion d’informations agissant sur l’inconscient des personnes, ou ayant une mauvaise influence sur leur santé ».
Autant dire que la sphère d’intervention de ce logiciel semble relativement grande et floue.
Plus encore, c’est le « caractère arbitraire et disproportionné de la sanction » qui inquiète RSF. En effet, c’est tout simplement la censure qui attend le site incriminé par le logiciel : si le contenu mis en cause n’est pas supprimé sous trois jours, après deux autres avertissements, le site encourt tout simplement sa fermeture.
Il est bon de noter aussi que la justice russe tend à être de plus en plus sévère concernant tout abus commis sur Internet, en témoigne cette affaire récente dans laquelle un couple russe fut poursuivi pour avoir diffusé illégalement 30 films russes et étrangers sur deux sites différents pendant moins de 2 ans. Le préjudice théorique fut estimé à environ 885 millions d’euros par le parquet russe.
Il ne fait donc guère de doute que la justice russe sera tout aussi sévère concernant les abus relevés par le logiciel de surveillance.
Vers une dérive potentielle de la surveillance ?
RSF affirme que « ce dispositif ne peut qu’être que liberticide pour la circulation de l‘information » et il est vrai que l’on peut craindre un musellement de la liberté d’expression sur Internet dans un pays qui est classé à la 140ème place sur 178 dans le classement de la liberté de la presse établi par RSF.
Internet inquiète à raison certains pays: il peut se révéler comme un véritable outil démocratique en permettant à toutes les voix et opinions de s’exprimer librement, en témoignent les révolutions du Printemps arabe. Dans un pays comme la Russie qui pratique une surveillance accrue de ses citoyens et plus particulièrement de ses journalistes, Internet se révèle être pour beaucoup le seul moyen de faire entendre leur voix et ce, d’autant plus à l’approche de l’élection présidentielle russe.
D’ailleurs, c’est toujours selon cette même volonté de surveiller le Net que la Russie, avec la Chine, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan, avait proposé en septembre 2011 lors de la 66ème session de l’Assemblée générale des Nations-Unies le principe d’un code de bonne conduite à respecter sur Internet. Ce code, que l’on peut même qualifier de charte, visait à « réduire la dissémination de l’information qui incite au terrorisme, à la sécession, à l’extrémisme ou qui nuit à la stabilité politique, économique et sociale ainsi qu’à l’environnement spirituel et culturel ». Il a été rejeté par l’ONU en raison de son objectif inavoué qui aurait entraîné un contrôle gouvernemental d’Internet justifié par un texte international.
La Russie, même sans instrument juridique international, a donc décidé d’appliquer ce contrôle gouvernemental d’Internet. Il ne reste donc plus qu’à attendre pour voir comment va s’effectuer le contrôle du Web russe. Fort heureusement, pour la liberté d’expression, seul le Web russe est concerné et il sera toujours possible pour les internautes russes de communiquer sur le reste du Web mondial, qui lui, reste en majeure partie libre, en contournant ainsi cette surveillance et cette censure potentielle.
Sources :
ISAKOV V., « Russia: Bots To Look For Extremism Online », mis en ligne le 22 Mars 2011, consulté le 14 Novembre 2011, URL : http://globalvoicesonline.org/2011/03/22/russia-bots-to-looks-for-extremism-online/
L. J., « La Russie compte durcir la surveillance d’Internet », Numerama, mis en ligne le 12 Novembre 2011, consulté le 14 Novembre 2011, URL : http://www.numerama.com/magazine/20549-la-russie-compte-durcir-la-surveillance-d-internet.html
L. J., « La Chine et la Russie réclament un “code de bonne conduite” sur le net », Numerama, mis en ligne le 23 Septembre 2011, consulté le 14 Novembre 2011, URL : http://www.numerama.com/magazine/19924-la-chine-et-la-russie-reclament-un-code-de-bonne-conduite-sur-le-net.html
L. J., « Les États-Unis hostiles à un code de bonne conduite sur Internet», Numerama, mis en ligne le 2 Novembre 2011, consulté le 14 Novembre 2011, URL : http://www.numerama.com/magazine/20408-les-eacutetats-unis-hostiles-a-un-code-de-bonne-conduite-sur-internet.html
LELIEF J.-P., « La censure vouée à l’échec sur internet, selon William Hague », Nouvel Observateur, mis en ligne le 3 Novembre 2011, consulté le 14 Novembre 2011, URL : http://tempsreel.nouvelobs.com/high-tech/20111103.REU1865/la-censure-vouee-a-l-echec-sur-internet-selon-william-hague.html
RSF., « Un logiciel de surveillance du Net en phase de test, le Gouvernement désireux de l’exploiter », mis en ligne le 28 Octobre 2011, consulté le 14 Novembre 2011, URL : http://fr.rsf.org/russie-un-logiciel-de-surveillance-du-net-28-10-2011,41308.html
RSF., « Danger de généralisation de la surveillance en ligne et de la censure », mis en ligne le 30 mars 2011, consulté le 14 Novembre 2011, URL : http://fr.rsf.org/russie-danger-de-generalisation-de-la-30-03-2011,39909.html
SAGET J., « En Russie, trente films piratés valent 885 millions d’euros », Next Libération, mis en ligne le 24 Octobre 2011, consulté le 14 novembre 2011, URL : http://next.liberation.fr/cinema/01012367521-en-russie-trente-films-pirates-valent-885-millions-d-euros