Depuis quelques semaines, un sujet revient beaucoup dans l’actualité française : celui du pluralisme en période électorale.
Entre les mises en demeure par le CSA de plusieurs médias en octobre dernier, la polémique de l’émission « On n’est pas couché » sur France 2 avec Marine Le Pen et l’entrée en vigueur imminente des règles du temps de parole concernant l’élection du Président de la République de 2012, l’actualité portant sur le pluralisme a été chargée en France. La raison en est simple : 2012 est une année d’élection présidentielle.
Mais de l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis, l’année 2012 est, elle aussi, synonyme d’élections présidentielles et, même si l’actualité porte plus à l’heure actuelle sur les campagnes pour les primaires républicaines, certaines grandes différences se font déjà voir par rapport au pluralisme « à la française ».
Les publicités comme temps de parole
Lors des campagnes électorales aux Etats-Unis, les publicités sont un des moyens les plus utilisés par les candidats et leurs soutiens non seulement pour se faire connaître des téléspectateurs ou auditeurs américains, mais aussi (et surtout) pour s’attaquer à leurs adversaires.
La campagne pour les primaires républicaines actuellement en cours en est la preuve vivante : le candidat Newt Gingrich s’est ainsi vu virulemment attaqué à travers des spots télévisés payés par ses opposants. Selon une étude, ces spots télévisés auraient été diffusés plus de 1200 fois par semaine sur les écrans de télévision américains et près de 4 millions de dollars auront été dépensés par les soutiens des opposants républicains. Stratégie payante, tout cet argent dépensé semble porter ses fruits : Newt Gingrich, qui était en tête dans les sondages il y a encore quelques semaines, n’est plus le favori.
Cette tactique est tout à fait légale. En effet, l’Equal Time Rule qui est énoncée dans la section 315 du Communications act de 1934 prévoit qu’aucune publicité ne peut être censurée par la chaîne de télévision ou la station de radio. Cette règle s’applique de façon très stricte, en témoigne cette plainte déposée à l’encontre d’un candidat qui avait tenu des propos péjoratifs à l’égard de la communauté Afro-Américaine, plainte qui fut rejetée par la Federal Electoral Commission.
L’Equal Time Rule fixe plus généralement des règles en matière d’équité de temps de parole. Les chaînes de télévision et les stations de radio doivent traiter équitablement tout candidat politique légalement qualifié pour la campagne en ce qui concerne la vente ou le don de temps d’antenne. En d’autres termes, si un candidat a obtenu un temps « t » d’antenne à la télévision/radio, les autres candidats pourront eux aussi se prévaloir d’obtenir le même temps « t » sur une période touchant la même audience.
Cependant, cette règle comporte quatre exceptions : les journaux télévisés, les reportages, les documentaires et les débats ne sont pas visés.
Cette règle profite donc largement aux candidats pouvant investir des sommes importantes d’argent car cette égalité de temps de parole n’est possible que si le candidat, réclamant application de cette règle, peut s’aligner sur la somme dépensée par l’autre candidat pour le temps d’antenne.
Un décompte des sommes collectées et non pas du temps de parole
L’importance de l’argent dans les campagnes électorales aux Etats-Unis se traduit aussi par le fait que ce sont les sommes collectées (et leur provenance) par les divers candidats qui sont mesurées et non pas le temps de parole comme en France. Dans cette optique, a été créée la Federal Electoral Commission en 1975 afin de mettre en œuvre le Federal Election Campaign Act adopté en 1971.
Le financement des campagnes électorales est soumis à des règles strictes : plusieurs plafonds sont fixés pour les sommes collectées mais cette règle, qui garantissait un certain cadrage et empêchait les candidats de disposer de trop d’argent, semble très affaiblie par l’arrêt Citizens United v. Federal Election Commission rendu par la Cour suprême des Etats-Unis le 21 janvier 2010. Dans cet arrêt, la Cour autorise la participation financière des entreprises, participation qui était exclue dans le Federal Election Campaign Act.
Vers une campagne présidentielle 2012 très déséquilibrée ?
L’importance des fonds pour une campagne électorale américaine n’est pas nouvelle : pour sa campagne présidentielle de 2008 Barack Obama s’était offert un spot télévisé de 30 secondes pour 2,53 millions de dollars pendant la-très regardée-finale du Super Bowl.
Cependant, la campagne présidentielle de 2012 devrait vraisemblablement battre des records en matière de sommes dépensées, conséquence de l’arrêt Citizens United v. Federal Election Commission. Sans nul doute, une bonne nouvelle pour les chaînes de télévision et les stations de radio mais une moins bonne pour le respect du pluralisme aux Etats-Unis.
Sources :
BERRETTA E., « Temps de parole : la leçon américaine », Le Point, mis en ligne le 23 novembre 2011, consulté le 22 décembre 2011, URL : http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/emmanuel-berretta/temps-de-parole-la-lecon-americaine-23-11-2011-1399445_52.php
KLIEMAN H., « Equal Time Rule », consulté le 22 décembre 2011, URL : http://www.museum.tv/eotvsection.php?entrycode=equaltimeru
MULARD C., « A la télévision américaine, priorité à l’argent », Le Monde, mis en ligne le 16 décembre 2011, consulté le 22 décembre 2011, URL : http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2011/12/16/decomptes-de-campagne_1619420_3236.html
RAIM L., « Newt Gingrich dévisse sous le feu des spots télévisés », mis en ligne le 20 décembre 2011, consulté le 22 décembre 2011, URL : http://www.lefigaro.fr/international/2011/12/20/01003-20111220ARTFIG00591-newt-gingrich-devisse-sous-le-feu-des-spots-televises.php
WIKIPEDIA., « Citizens United V. Federal Election Commission », mis en ligne le 8 décembre 2011 consulté le 22 décembre 2011, URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Citizens_United_v._Federal_Election_Commission
Site internet de la Federal Election Commission, consulté le 22 décembre 2011, URL : http://www.fec.gov/