Alors qu’un vent de polémique soufflait déjà sur les lois anti-piratage américaines SOPA et PIPA, la justice américaine vient de déclencher une guerre du web sans précédent en fermant, jeudi 19 janvier, le site mondialement fréquenté de téléchargement direct, Megaupload. Les réactions ne se sont pas fait attendre.
Megaupload c’est quoi ?
Ce que qualifie la justice américaine de « mafia » n’est autre qu’un hébergeur de milliers de contenus, films, musiques, utilisant le principe du direct download, à savoir un mécanisme ou l’internaute dépose un fichier qu’on peut ensuite télécharger librement.
Créé par « Kim Dotcom », un informaticien allemand, Megaupload (MU) est la plateforme de téléchargement la plus utilisée au monde. Rien qu’en France, Mediamétrie chiffre le nombre de connexions par mois à sept millions !
Une vaste opération policière initiée par la justice américaine pour fermer MU.
Stupeur donc des internautes le jeudi 19 janvier, lorsque la justice américaine faisait tomber ce géant du web. Bilan de la course ? Sept mandats d’arrêt ont été lancés à l’encontre de Kit Dotcom et autres dirigeants de la compagnie. 18 noms de domaines ont été saisis ainsi que de nombreux véhicules et téléviseurs, les comptes bancaires et Paypal des dirigeants du groupe Mega ont été gelés. La justice a également saisi cinquante millions de dollars d’avoirs de la société.
Pour bloquer l’accès aux sites du groupe Mega, le FBI a utilisé la procédure du blocage de DNS qui consiste à bloquer l’adresse informatique d’un site web à un niveau fondamental. Puisque le nom de domaine de Megaupload se termine par .com, la plate forme relève donc du droit américain qui peut en supprimer l’accès en enjoignant à Verysign de couper le nom de domaine.
Cette vaste opération, mise en œuvre par le FBI est le fruit d’une collaboration judiciaire et policière entre plusieurs pays. En effet si la société est basée à Hong Kong, les dirigeants sont eux, établis en Nouvelle Zélande, aux Pays Bas, aux Etats-Unis… Aussi, les serveurs Mega étant, pour une majorité, basés dans l’Etat de Virginie, la tâche du FBI a été grandement facilitée .
Question inculpation, la chambre d’accusation de Virginie a assigné Kim Dotcom et ses partenaires pour piraterie en ligne massive d’œuvres protégées dans le monde entier causant un demi-milliard de dollars de dommages aux ayants droit. Les « sept » de MU sont poursuivis pour violations de droits d’auteur, association de malfaiteurs en vue de commettre du racket et pour blanchiment d’argent. S’ils sont reconnus coupables de ces infractions, la peine encourue est de vingt ans de prison, ce qui est considérable.
Toutefois, certaines ombres procédurales et autres conflits de loi pèsent sur l’action menée par la justice américaine.
En effet, de manière similaire au droit français, le site n’est autre qu’un hébergeur. Or, un hébergeur n’est pas directement responsable des fichiers stockés sur son site. Cependant, il doit prouver qu’il ne stocke pas sciemment des contrefaçons et retirer sous 24 heures, sur demande des ayants droit, tout fichier protégé par le droit d’auteur.
Les représentants de Megaupload se sont basés sur ce principe et déclarent « hors de contrôle » les contenus partagés par les utilisateurs.
Cette défense est mise à mal par le ministère public américain qui accuse Kim Dotcom d’avoir formé une organisation mafieuse. Avec cette qualification, la loi RICO de 1962 entre en jeu. Cette loi, créée pour lutter contre le crime organisé, permettrait de contourner la difficulté que pose le statut d’hébergeur de MU car elle encadre les activités « connexes » au grand banditisme.
Il est à noter que si le site est très controversé, les représentants se sont toujours argués d’être coopératifs avec les autorités américaines et déclaraient être «une société légale » ayant une procédure de « take down » c’est à dire de retrait, très respectée. Là encore, la justice a trouvé une parade puisque le ministère public reproche au site de ne pas respecter la loi DMCA qui encadre la procédure de notification et de retrait des œuvres protégées puisque l’acte d’accusation précise que MU ne supprimait que le lien envoyé par l’ayant droit et non le contenu correspondant qui pouvait être retrouvé sous d’autres liens.
Le magazine Le Point soulève toutefois un problème sérieux, le conflit de juridiction que cause l’opération du FBI. En effet, le retrait des sites litigieux a été possible car les autorités américaines sont compétentes pour agir sur les extensions numériques sont gérés par des prestataires américains ou situés aux Etats-Unis. Loïc Damilaville, DG adjoint de l’Afnic dénonce donc le conflit de juridiction né de la problématique sur le droit applicable des noms de domaine.
Sujet le plus twitté depuis, la fermeture de MU crée la polémique.
Au lendemain du retrait des noms de domaines Mega, les réactions sont diverses.
Les associations d’ayants droit ne sont pas les seuls à s’être réjouis d’une telle nouvelle. Ainsi, Nicolas Sarkozy a offert tout son soutien à l’opération américaine, qualifiant la lutte contre les sites de téléchargement direct « d’impérieuse nécessité pour la préservation de la diversité culturelle et le renouvellement de la création ». Le président a notamment demandé à la Hadopi de trouver un nouveau système de blocage pour le streaming illicite, et ce, d’ici le mois de mars.
Cependant, la mise à mort du téléchargement direct a fait couler beaucoup d’encre. De nombreux artistes, pourtant victimes de piratage, ont exprimé leur soutient à Megaupload. En France, Eva JOLY et Nicolas DUPONT-AIGNAN, tous deux candidats à la présidence de 2012 ont exprimé leur mécontentement. Si E. JOLY préconise la légalisation du partage entre individus associée à la constitution d’une contribution à la création, N. DUPONT-AIGNAN quant à lui s’indigne et souhaite « faire échec au traité liberticide ACTA – la réplique européenne des projets de loi SOPA et PIPA américaines- et assurer la liberté et la neutralité du net ».
Encore plus indignés sont les hackers américains Anonymous. En anéantissant Megaupload la justice américaine vient de déclencher une véritable guerre du web sans précédent dans l’histoire de la toile. Le jour même de la fermeture des sites, Anonymous lançait de multiples attaques en déni de service à l’encontre de sites officiels américains mais également français. Cette opération baptisée « OpMegaupload » aura mobilisé pas moins de 5000 internautes et réussi à surchargé les sites du FBI, de la Maison-Blanche, d’Universal Music, de la Hadopi…
Une interrogation reste cependant encore en suspend, et pas des moindres puisque Megaupload permettait également aux internautes de stocker leurs fichiers personnels, privés ou professionnels. Mais avec la fermeture du site, les fichiers ne sont plus accessibles ! Quid alors des droits de ces utilisateurs qui utilisait MU comme un simple disque dur ?
Enfin, la justice américaine n’aura pas fait qu’une seule victime puisque de nombreux sites de téléchargement direct et de streaming (VideoBB, VideoZer, Filessonic, Fileserve) ont, depuis le 19 janvier, fermé leurs portes ou réduit l’accès à leurs fichiers, par peur de représailles.
Bilan de l’affaire, un point pour la justice américaine, zéro pour la liberté sur internet.
SOURCES :
_ D. LELOUP, « La justice américaine ferme le site de téléchargement Megaupload », www.lemonde.fr, le 19.01.12, URL : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/01/19/la-justice-americaine-ferme-le-site-de-telechargement-megaupload_1632197_651865.html#ens_id=1280818
_ www.pcinpact.com, consulté le 23.01.12, URL : http://www.pcinpact.com/news/68431-megaupload-megavideo-fermes-justeice-americaine.htm
_ « La justice américaine ferme Megaupload », URL : http://tempsreel.nouvelobs.com/high-tech/20120119.OBS9297/la-justice-americaine-ferme-megaupload.html
_ D. LELOUP, « Contre Megaupload, la législation antimafia », le 20.01.12, URL : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/01/20/contre-megaupload-la-legislation-antimafia_1632579_651865.html
_ « Fermeture de Megaupload et Megavideo : toutes les réactions », URL : http://www.pcinpact.com/news/68454-fermeture-megaupload-megavideo-reactions-politiques.htm
_ Jérome. G, « MegaUpload : énormes représailles d’Anonymous », 20.01.12, URL : http://www.generation-nt.com/megaupload-fermeture-represailles-anonymous-actualite-1530021.html
_ M. REES, www.pcimpact.com, le 20.01.12, URL: http://www.pcinpact.com/news/68440-megaupload-saisie-fbi-hadopi-gadaix.htm
_ AFP, « Défense de Megaupload: Anonymous revendique sa “plus vaste” cyber-attaque », URL : http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5iGOrbeHw0Q8FDcZf9Ohoo1wfsCRg?docId=CNG.84ccac216ea198269f1cda0fe8a68eee.401