L’INA ne fait pas que se rappeler du passé, il sait aussi s’inscrire dans l’avenir. Le 26 mars dernier l’Institut National de l’Audiovisuel et la plate-forme user generated content Youtube ont signé un accord en application duquel Google ajoute l’INA à la liste déjà colossale de ses partenaires. Ce ne sont pas moins de 57 000 vidéos tirées des fonds documentaires de l’INA qui seront accessibles par les classiques chaînes thématiques Youtube. Les deux entités rangent en effet les fusils ; le partenariat met fin au litige judiciaire qui avait donné lieu à une décision du TGI de Créteil en date du 14 décembre 2010. Rappelons que pour condamner Google la juridiction avait notamment retenu que de nombreuses vidéos qui avaient été retirées suite aux demandes de l’INA, avaient été remise en ligne par la suite. Ceci constituait pour le juge un manquement de la part de Google qui avait par ailleurs la capacité technologique d’empêcher cette remise en ligne mais qui réservait cette faculté aux ayants-droits avec lesquels il avait conclu des partenariat.
Valoriser et monétiser la ressource de l’INA
L’INA bénéficie donc aujourd’hui d’un tel partenariat. Celui-ci présente deux intérêt majeurs. Il s’agit à la fois de diffuser ses ressources vidéos et de monétiser cette diffusion. L’institut qui a en charge la conservation du patrimoine radiophonique et télévisuel français met notamment en œuvre depuis 2001 un plan de sauvegarde et de numérisation d’envergure qui a pour but de facilité et de rendre plus sûr la conservation de ses ressources. Dès 2006 l’INA avait ouvert une partie de ce fonds numérisé au public et le président Hoog disait alors qu’il s’agissait de « la plus grande banque numérisée d’archives en Europe ». L’idée est aujourd’hui la même ; L’INA veut valoriser toute cette ressource numérisée en surfant sur la popularité de Youtube ce qui permettra de toucher une audience internationale et plus jeune.
Cette valorisation intellectuelle en termes d’accès n’est rendue possible que grâce à une seconde valorisation. En effet, le communiqué de presse est explicite ; « cet accord couvre la diffusion et la monétisation sur Youtube de 57.000 vidéos ». Grâce à son financement par la publicité Youtube a su attiré de nombreux acteurs des sphères audiovisuelles et cinématographiques (nous avions déjà fait état de l’accord entre Youtube et Walt Disney). En l’espèce l’INA bénéficie d’une rémunération minimum garantie à laquelle s’ajouteront un supplément tiré des recettes publicitaires générées par les accès à ses vidéos.
Protéger et valoriser les droits d’auteurs
Google sait effectivement faire valoir ses atouts. L’un de ceux-ci fait écho à sa condamnation de 2010 relative au manque de diligence dans la protection des œuvres mise en ligne. L’INA profitera du mécanisme content ID (identification de contenu) créé spécialement pour Youtube. Celui-ci permet de dresser une liste d’identification (vidéo et audio) de tout contenu qui a fait l’objet d’une demande de retrait. Chaque nouvelle contribution sur la plate-forme confrontée à cette liste et la mise en ligne est bloqué en cas d’identité de contenu. Il est ainsi possible d’empêcher qu’un contenu rendu indisponible pour violation des droits d’un auteur ne soit remis en ligne par la suite.
L’INA se range ainsi au côté de quelques autres prédécesseurs (comme Vevo) qui ont compris que pour protéger les droits ses auteurs, mieux vaut tirer partie des utilisations dites « pirates » plutôt que de chercher à centraliser toutes les diffusions sur ses propres serveurs. En effet, en choisissant de venir diffuser ses propres vidéos sur la plate-forme qu’elle attaquait en justice il y a encore quelques mois, l’INA fait preuve de rationalité ; non seulement l’Institut peut contrôler le contenu qui est mis en ligne mais en plus le fait que les vidéos soit directement postées par l’INA assure pour les utilisateurs une meilleure qualité de celles-ci. De plus les sociétés de gestion collective semblent se satisfaire de ce mécanisme de rémunération à en croire la profusion des accords signés entre elles et les plate-formes. L’INA prouve donc que l’on peut avoir la charge du passé et savoir s’inscrire dans une dynamique d’avenir.
Sources :
- Dorothé Deschamps, owni.fr, « L’INA et Youtube range les fusils », 29 mars 2012 http://owni.fr/2012/03/29/lina-et-youtube-rangent-les-fusils/.
- Émilie Leveque, intervew de Emanuel Hoog, journadunet.com, 28 avril 2006, http://www.journaldunet.com/itws/it_hoog.shtml.
- Michèle Batisti, adbs, « Youtube et l’INA ou a vidéo et le redoutable écheveau des droits », 22 décembre 2010, http://www.adbs.fr/youtube-et-l-ina-ou-la-video-et-le-redoutable-echeveau-des-droits-95515.htm.