Le Ministre du redressement productif a été assigné en justice par Jean Ristat, l’exécuteur testamentaire de Louis Aragon, ainsi que par les éditions Robert Laffont devant le Tribunal de Grande Instance de Paris le mercredi 10 octobre 2012, ces derniers lui réclamant 90 000 euros de dommages et intérêts. Il a été reproché à Arnaud Montebourg d’avoir repris le titre d’un des poèmes d’Aragon « La Rose et le réséda » dans le but de nommer son courant au sein du parti socialiste.
Dans un premier temps paru en 1943, « La Rose et le réséda » a été repris dans un recueil en 1944 par Pierre Seghers, La Diane française. Aragon avait dédicacé son poème à quatre hommes, deux communistes et deux catholiques, tous résistants fusillés par les nazis allemands.
Louis Aragon, ayant déjà combattu durant la première guerre mondiale, voulait rendre hommage aux combattants et ce poème représentait alors un appel à la liberté et au rassemblement.
« Rose et réséda », nom du courant d’Arnaud Montebourg
Début février 2012, lors des primaires du parti socialiste, Arnaud Montebourg avait lancé son propre mouvement nommé « Rose – Réséda », appellation alors tirée du titre du célèbre poème.
Selon ces propos, cela ne représentait pas « un énième parti politique, un énième courant, une énième chapelle ». Il avait également ajouté qu’il agissait « autour, avec, derrière, au côté, ensemble avec François Hollande pour l’emporter » aux élections présidentielles de mai 2012.
Il est sans doute intéressant de noter qu’Arnaud Montebourg est un ancien avocat à la Cour d’Appel de Paris qui n’a débuté sa carrière politique qu’en 1997 lorsqu’il a été élu député de Saône-et-Loire pour le parti socialiste.
Ce n’est qu’en mai 2012 qu’Arnaud Montebourg sera nommé Ministre du Redressement Productif aux attributions déterminées par le décret n° 2012-773 du 24 mai 2012.
La contrefaçon du titre revendiquée par les ayants droits
Les éditions Laffont, possédant les fonds poétiques de Pierre Seghers, ainsi que Jean Ristat, exécuteur testamentaire du poète, ont estimé que le fait d’avoir repris le titre d’un poème, n’étant pas tombé dans le domaine public, pour nommer un courant politique représente une contrefaçon.
L’article L. 112-4 du code de la propriété intellectuelle énonce que « le titre d’une œuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’œuvre elle-même. Nul ne peut, même si l’œuvre n’est plus protégée dans les termes des articles L. 123-1 à L. 123-3, utiliser ce titre pour individualiser une œuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion ».
Il s’agit en l’espèce d’une reprise du titre mais non pas pour l’utiliser dans le but de caractériser une œuvre du même genre, mais uniquement pour nommer un courant au sein du parti socialiste.
Une confusion ne peut alors s’opérer entre le courant politique et le poème, ce dernier n’étant alors pas dénaturé. En effet, l’utilisation d’un titre d’une œuvre comme une marque ne dénature pas l’œuvre en elle-même.
Un éventuel dépôt de la marque
Jean Ristat s’est indigné et a énoncé qu’ « il est scandaleux de déposer ce nom comme celui d’une marque du type Coca-Cola ». Mais ce nom a-t-il réellement été déposé ? Après vérification, aucune marque du nom de « rose et réséda » n’a été déposé dans les registre du l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). En déposant un tel nom, Arnaud Montebourg s’assurait simplement qu’aucun autre parti ne pourrait être dénommé ainsi.
Il est possible de s’interroger quant à la suite de l’affaire qui risque encore de faire débat car adoptant une position très ferme, les éditeurs et cessionnaires des droits des œuvres d’Aragon entendent bien, selon leurs propos, « défendre cette protection et éviter que ne soit utilisée cette autre œuvre autrement que selon les consignes de M. Ristat. », et cela est d’autant plus captivant lorsque cela concerne une personne politique, par surcroît au pouvoir, qui avait déjà été condamné par la justice (TGI Paris, 23 mai 2012, Arnaud Montebourg c/ SeaFrance).
Sources :
AFP, « Les ayants droit d’Aragon poursuivent Montebourg pour contrefaçon », mis en ligne le 11 octobre 2012, consulté le 16 octobre 2012, http://www.lepoint.fr/culture/les-ayants-droit-d-aragon-poursuivent-montebourg-pour-contrefacon-11-10-2012-1515905_3.php
ANONYME, « Arnaud Montebourg condamné pour injure », RLDI, juin 2012, n°83, p.57.
ASSOULINE P., « Moi rose, toi réséda », mis en ligne le 13 octobre 2012, consulté le 16 octobre 2012, http://passouline.blog.lemonde.fr/
CACTUS, « Montebourg enjoy La rose et le réséda », mis en ligne le 11 octobre 2012, consulté le 16 octobre 2012, http://www.humanite.fr/politique/montebourg-enjoy-la-rose-et-le-reseda-505970
CEAUX P. et PONTAUT J.M., « Montebourg assigné en justice pour plagiat… d’Aragon », mis en ligne le 10 octobre 2012, consulté le 15 octobre 2012, http://www.lexpress.fr/actualite/politique/montebourg-assigne-en-justice-pour-plagiat-d-aragon_1172582.html
GARY N., « Montebourg contrefait Aragon : “Que serai-je sans toi ?” », mis en ligne le 10 octobre, consulté le 16 octobre, http://www.actualitte.com/justice/montebourg-contrefait-aragon-que-serai-je-sans-toi-37368.htm
LeMonde.fr avec AFP, « Arnaud Montebourg lance son mouvement La Rose et le réséda », mis en ligne le 17 janvier 2012, consulté le 16 octobre 2012, http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/01/17/arnaud-montebourg-lance-son-mouvement-la-rose-et-le-reseda_1630649_1471069.html
LEXPRESS.fr, « Montebourg lance son propre courant, Rose-Réséda », mis en ligne le 04 février 2012, consulté le 16 octobre 2012, http://www.lexpress.fr/actualite/politique/montebourg-lance-son-propre-courant-rose-reseda_1079022.html