Suite à la fermeture du site Megaupload , les sites de contenus générés par les utilisateurs tels Dailymotion ou Youtube voient en masse arriver séries , films , spectacles et concerts mis en ligne en version intégrale et de bonne qualité, accessibles par tous, dans une totale gratuité(pour l’utilisateur) .
Les droits de propriété intellectuelle sont alors mis a mal et les ayants droit réagissent contre les sites hébergeurs, mais sur quels fondements ?
Deux voies sont tentées. Ces nouveaux intermédiaires voient mises en cause leurs responsabilités pénale et civile par les parties lésées.D’abord sur le fondement de la contrefaçon puis pour ne pas avoir répondu assez vite aux sollicitations de retraits des contenus illicites.
Les sites hébergeurs ne sont pas responsables sur le fondement de la contrefaçon.
Est constitutif du délit de contrefaçon sanctionné par les dispositions de l’article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle : tout usage ou utilisation d’une œuvre protégée non expressément autorisée par son auteur ou par ses ayants droit (éditeur par exemple), violant ainsi les droits d’auteur. Mais il a d’abord fallu qualifier ces sites pour répondre à la question première de savoir s’ils pouvaient être reconnus responsables de la mise en ligne des contenus litigieux.
En effet, seuls les sites éditeurs connaissent de cette responsabilité (art L 335-2-1 cpi). C’est à dire des sites qui publient, mettent à disposition du public, des contenus qu’ils sélectionnent et hiérarchisent mais aussi qu’ils mettent en forme sur un support de communication en ligne. De ce fait, ils sont responsables de tous les contenus y figurant.
Cette question a été tranchée par différents arrêts d’instances juridictionnelles dont le jugement de la 3e chambre du Tribunal de Grande Instance, le 13 septembre 2012 .La réponse est constante : les sites sont hébergeurs, non éditeurs.
Or, ces sites ne publient pas d’eux mêmes ces contenus puisqu’ils sont, par principe de fonctionnement, générés par les utilisateurs. Bien que pouvant retirer ou modérer certains contenus qu’ils jugent d’eux mêmes « contraire à leur ligne éditoriale », ils ne sont donc pas responsables de ce que poste l’utilisateur, faisant utilité d’un moyen pour commettre le délit dont il est seul responsable. Dailymotion et autres défendent donc leur statut d’hébergeurs du fait que la plateforme n’est qu’un outil au service de l’internaute qui met en ligne, et retire les vidéos de son choix. Leur étant de plus impossible d’exercer un contrôle généralisé a priori de ces données, ils peuvent légitimement revendiquer le statut d’hébergeurs. La présence d’un moteur et d’un système de mots-clefs suggérés ne permet pas non plus de modifier la qualification d’hébergeur.
Les sites ne sont donc pas éditeurs et la qualification de ces sites ne laisse donc à la justice que leur responsabilité civile à mettre en cause.
Le fondement de la responsabilité civile : le non retrait « prompt » des données après notification
Bien que ne possédant pas les moyens d’un contrôle a priori sur ce qui est posté, les sites hébergeurs disposent des moyens de retirer les contenus illicites a posteriori.
Ce sont aux parties lésées qu’incombe ce contrôle a posteriori. L’article 6-I-7 de la LCEN (Loi pour la confiance dans l’économie numérique) précise que les personnes visées aux 1 et 2, c’est-à-dire tant les fournisseurs d’accès que les fournisseurs d’hébergement, ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.
Etant aussi a leur charge, conformément à la procédure en vigueur, de demander le retrait de ces contenus : par ordonnance sur requête comprenant tous les éléments exigés par l’article 6-I-5 de la LCEN, valant notification d’un contenu illicite.
C’est sur leur manque de réactivité que les sites hébergeurs répondent de leur responsabilité civile et se voient infliger une amende conformément à ce qui est prévu
En effet la signification de l’ordonnance sur requête vaut notification et tient donc lieu de mise en demeure de retirer.
Il incombe donc au site en cause de retirer le contenu illicite. L’article 6.I.2 LCEN disposant qu’à partir du moment où un contenu illicite est porté à sa connaissance, le fournisseur d’hébergement doit agir promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.Le prompt délai est objet d’interprétation des juges au cas par cas. Seront pris en compte la gravité du caractère illicite, les possibilités de l’hébergeur parmi un faisceau d’indices.Cette obligation de retrait est assortie d’une obligation de surveillance : veiller à ce que les contenus en question ne réapparaissent pas.
Cette responsabilité est complétée par la mise en place de moyens légaux : création de chaine Youtube et autres permettant, par la publicité, d’avoir une source de revenus, en toute légalité, autant pour les ayants droit des contenus que pour la plateforme en question. Bien que susceptible de contrevenir à la chaine de diffusion, l’offre légale en ligne émergeante ferait perdre de leur attrait aux plateformes de streaming.
Le parlement européen, s’étant posé sur le sujet, a adopté le 11 septembre 2012 une résolution concernant la distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles.
SOURCES :
STOWEL (A.) et TRIAILLE (J-P.) : Google et les nouveaux services en ligne , ed. : larcier , 2008
CASTETS-RENARD (C.) :Droit de l’internet , LMD , Monchrestien , 2008
REES(M.) :«Hébergeur condamné, Dailymotion ne doit plus suggérer “TF1” ou “LCI” » http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=3433
http://www.zdnet.fr/actualites/contrefacon-tf1-fait-lourdement-condamner-dailymotion-39782516.htm