Le 11 octobre 2012 une nouvelle audience a eu lieu dans le procès entre différents moteurs de recherche dont yahoo et les ayants droits du cinéma et de l’audiovisuel. Ces derniers souhaitaient le blocage de différents sites hébergeant des œuvres piratés dont ils n’avaient pas les droits d’auteurs. En début d’année, après la fermeture des principaux sites de vidéos en ligne tels que « mégaupload » et « alloshowtv », et pour éviter toute réapparition de sites similaires, les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel avaient appelés les moteurs de recherche (yahoo, google, bing etc) à bloquer l’accès et le référencement de ces sites.
Le cas particulier du streaming dans la lutte contre le téléchargement illégal
Le téléchargement illégal consiste à télécharger puis stocker les données piratés dans son ordinateur, cela reviens à avoir accès et à conserver une œuvre sans n’avoir rien déboursé tandis que le streaming (en français lecture en continu) consiste à visionner une œuvre à mesure qu’elle se télécharge mais sans la stocker. La reproduction et la diffusion d’œuvre ne sont possibles qu’après autorisation de son auteur, y compris sur internet.
S’agissant du streaming, les règles sont les mêmes mais le cadre juridique est flou. Néanmoins la jurisprudence semble se positionner contre le streaming. Ainsi, le site Radio blog club a été condamné par la cour d’appel en mars 2011 car il mettait à la disposition du public « sans autorisation de l’artiste interprète (…) un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public, non autorisé, d’œuvres protégées. »
Les ayants-droits du cinéma, de l’audiovisuel ou encore de la musique souhaitent, au-delà du blocage et déréférencement de ces sites, éviter les sites dits miroirs des sites déjà bloqués, en passant un accord avec les moteurs de recherche. Les sites miroirs reproduisent à l’identique le contenu d’autres sites. Ils servent principalement à télécharger des fichiers importants plus rapidement car répartis sur différentes bandes passantes. Mais ils peuvent également être utilisés pour contourner la fermeture ou le blocage d’un site en répliquant son contenu sur un autre.
Ainsi, cela reviendrait à éviter une procédure longue et couteuse et par un logiciel spécifique (logiciel TMG ALPA) supprimer préalablement l’accès et le référencement des sites miroirs. « Le juge interviendrait seulement lors du premier round (reconnaissance du caractère illicite d’un site), en cas de miroirs, le logiciel prend le relai. »
Mais cela pose différents problèmes : cela signifie que pour ce « deuxième round », il n’y aura aucune intervention du juge et se pose le problème de l’intérêt à agir inhérent à toute procédure (intérêt né et actuel). Ce blocage préventif comporte également un problème quant à la subsidiarité, condition de recevabilité de l’action.
Les moteurs de recherche peu enclins aux solutions proposées
Le moteur de recherche Yahoo a ainsi réclamé une question préjudicielle sur cette possibilité du blocage préalable qui semble contourner la procédure légale à suivre dans ce cas. Il estime en effet que les moteurs de recherche n’ont pas à prévenir des éventuelles atteintes au droit d’auteur et ne peuvent, par accord, bloquer des sites. Une autre solution possible a été évoquée: la médiation. Mais cela ne semble pas correspondre à tous. Parmi les défenseurs également présents, les représentants d’Orange qui ont ainsi déclaré lors de l’audience : « un tiers n’a pas à nous expliquer quoi faire, c’est à vous, Madame la présidente, de le faire ».
Le refus du blocage préalable et de la médiation par les différents moteurs de recherche pourrait laisser penser que quelque soit l’issue de ces discussions, l’intervention du juge sera considéré comme inévitable. Intervention par ailleurs stipulée dans l’article 336-2 du code de la propriété intellectuelle, article central pour ce type de problème.
Mais il semble que le blocage préventif ait de fortes chances d’aboutir, malgré le manque d’enthousiasme de certains, et que cette intervention du juge soit écartée. En effet, la mission Lescure, actuellement en cours, souhaite doter la HADOPI d’une capacité de déréférencement. Si les juges reconnaissent ce logiciel et acceptent son autorité, les ayants-droits auraient donc à formuler leur demande à la HADOPI qui se chargera de les répercuter auprès des moteurs de recherche aux fins de déréférencement. Réponse dans deux mois, lors de la reprise des débats.
Sources :
CA Paris, 22 mars 2011, affaire radioblog club, La quadrature du net, CA_Paris.2C_22_mars_2011.2C_SPPF.2C_SCPP_c.2F_Mubility_et_autres_.28aff._Radioblogclub.29″>http://www.laquadrature.net/wiki/Jurisprudence_sur_la_communication_en_ligne
REES (M), « Le SNEP veut armer la Hadopi d’une capacité de déréférencement massif », PCinpact, mis en ligne le 11 octobre 2012, consulté le 23 octobre 2012, http://www.pcinpact.com/news/74412-le-snep-veut-armer-hadopi-d-une-capacite-dereferencement-massif.htm
REES (M), « Allostreaming, des grains de sable dans le logiciel TMG ALPA », PCinpact, mis en ligne le 12 octobre 2012, consulté le 23 octobre 2012, http://www.pcinpact.com/news/74497-allostreaming-grains-sable-dans-logiciel-tmg-alpa.htm
PEPIN (G), « Deux ans après sa création, la HADOPI veut recentrer ses missions », Lemonde.fr, mis en ligne le 17 octobre 2012, consulté le 24 octobre 2012, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/10/17/deux-ans-apres-sa-creation-la-hadopi-veut-recentrer-ses-missions_1776914_651865.html