Le 10 Octobre 2013, la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) a rendu son rapport d’activité portant sur les différentes missions opérées entre le 1 juillet 2012 et le 30 juin 2013.
Autorité administrative indépendante, la HADOPI est en charge depuis sa création en 2009 de protéger les droits d’auteurs dans l’univers de l’internet, ainsi que d’opérer une mission de pédagogie des internautes quant au respect de ces droits et les risques encourus en cas de leur violation.
Présenté lors d’une conférence au palais de Chine, le rapport s’inscrit dans un contexte houleux et incertain quant à l’avenir de la Haute Autorité, dont sa présidente, Marie-Françoise MARAIS, rappelle que la Haute Autorité continuera de « remplir ses missions tant que la loi lui permettra ».
Malgré ces incertitudes quant à 2014, la HADOPI ne semble pas démordre d’une réelle action sur le plan de protection des droits d’auteur sur internet ainsi que de ses missions de pédagogie et de prévention. Des résultats qui ne font pourtant pas l’unanimité pour les professionnels du net et des classes politiques.
L’effectivité du mécanisme de réponse graduée sur le plan pédagogique.
Première arme de la HADOPI en matière de protection des droits d’auteurs sur internet, le mécanisme de réponse graduée a connu des évolutions significatives dans sa finalité depuis sa mise en place. Tantôt vu comme une arme répressive dans la lutte contre l’offre illégale, le Conseil constitutionnel saisit d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité, a par la suite affiné le mécanisme en substituant sa fonction répressive à une simple procédure axée sur la prévention de l’internaute. Dès lors le mécanisme de réponse graduée avait pour finalité de rappeler au client l’obligation de surveillance de sa connexion qui lui incombe pour en éviter un usage illicite. À charge par la suite pour la Commission de Protection des Droits (CPD) de renvoyer les cas qu’elle détermine devant le pouvoir judiciaire, seul compétent pour sanctionner les abus faits par les internautes.
Le rapport annuel a donc fait état du déclenchement de ce mécanisme défini à l’article L331-24 et suivant du Code de la propriété intellectuelle. Ainsi l’autorité a effectué entre juillet 2012 et juin 2013, 759 387 envois de premier mails d’avertissement, portant ainsi le nombre total de déclenchement du premier niveau d’action à 1 912 847 depuis sa mise en place en Septembre 2010.
À cela s’ajoute 83 259 avertissements de second niveau (notification par mail et lettre recommandée avec accusé de réception) au cours de la période visée par le rapport, pour un total de 186 153.
Enfin, l’année 2012-2013 accuse 361 délibérations devant la CPD. Ainsi 663 dossiers ont été délibérés au troisième échelon du mécanisme de réponse graduée depuis sa création.
Il est donc à noter une action significative en matière de réponse graduée par la HADOPI puisqu’en une année, celle-ci a opérée près de la moitié de ses chiffres depuis la mise en place de la procédure.
Selon l’interprétation faite par la HADOPI, il s’agit d’un véritable succès. En effet, la Commission de Renvoi n’a transmis que 51 cas aux autorités judiciaires. Pouvant être interprété comme un résultat peu concluant en matière de lutte contre l’offre illégale et en matière de sanction de violation des droits d’auteur, la HADOPI fait état d’une franche réussite en son sens que « la commission a toujours privilégié la pédagogie et n’a envisagé la sanction pénale qu’en dernier recours, lorsque les avertissements sont restés sans effet ». La Haute Autorité semble donc remplir son rôle pédagogique, dans la mesure où les résultats, selon les degrés de la procédure, chutent de façon significative.
Pour autant, la HADOPI ne nie pas qu’il est nécessaire de sanctionner des abus en matière de violation de droit d’auteur. Ainsi, et pour la première fois depuis sa création, la Commission a adopté, avant le déclenchement de la troisième étape de la procédure ,« une délibération de transmission sur le fondement du délit de contrefaçon ». Un choix de renvoi fondé sur près de 600 actes de mise à disposition d’un très grand nombre d’œuvres sur 9 sites de partage de pair à pair. D’après le rapport « les investigations supplémentaires (qui) ne pouvaient être effectuées par la Commission (et que), l’approche pédagogique n’apparaissait pas adaptée ».
Le mécanisme semble en tout état de cause prendre de l’ampleur. L’autorité a reçu en effet près de 19,8 millions de requêtes de la part des agents chargés de signaler des accès illégaux aux contenus protégés. Ainsi, la CDP a fait près de 7,718 millions de demandes d’identification aux Fournisseurs d’Accès Internet, soit près de 20 000 demandes d’identifications d’adresse IP par jour. Un travail titanesque, mais critiqué notamment par ces mêmes FAI qui demandent rétribution pour le travail effectué.
La difficile labellisation de l’offre légale par la HADOPI
Outre le mécanisme de réponse graduée, la HADOPI a développé un vaste plan de prévention en matière de droit d’auteur, dans des actions de sensibilisation auprès des jeunes internautes (collèges, lycées…) et notamment en développant un label de l’offre légale sur internet. Ainsi, la HADOPI a mis en place le label PUR (Promotion des Usages Responsables) depuis juin 2011. Ce label a pour principal objectif d’être un gage de reconnaissance de l’offre légale des sites internet selon la HADOPI, une sorte de visuel pour l’internaute de se trouver face à une offre légale et reconnue par la Haute Autorité.
Le rapport a ainsi fait état de 71 sites labellisés depuis la création du dispositif. Un résultat assez faible quant aux nombreux sites d’offre légale, et dont on peut remarquer une certaine stagnation, puisque depuis mars dernier aucun site ne s’est porté candidat pour l’obtention du label. HADOPI se contente, en effet, d’uniquement renouveler le label des anciens sites déjà titulaires.
Pire encore, le rapport fait le constat d’une diminution de ce nombre de sites référencés où « au 30 juin 2013, 28 plates-formes titulaires du label n’ont pas engagé de procédure de renouvellement ce qui porte le nombre de labels en cours de validité à 43 services ».
Le rapport d’activité fait d’ailleurs état de ce problème, estimant que les « carences (qui) l’empêchent de fédérer les services les plus populaires et d’apporter une réponse conforme aux attentes des utilisateurs ». Elle va donc soulever certains points à améliorer ; tel que l’augmentation de la durée d’attribution du label, l’allègement des conditions de renouvellement du label, la labellisation du service plutôt que de l’offre ou encore permettre à la HADOPI d’émettre des objections lorsque un site référencé ne rempli plus les conditions d’octroi du label.
Mais la HADOPI reste positive quant au Label PUR en souhaitant le référencement d’une centaine de plates-formes avant fin 2013. Un objectif qui semble irréalisable dans la mesure où, il faudrait plus d’une candidature par jour pour atteindre cet objectif.
À noter que certains n’hésitent pas à critiquer de façon acerbe le label PUR comme étant la labellisation de « la nullité », et ce en raison de l’inaptitude de la Haute Autorité à sélectionner les sites candidats à l’obtention du label ; avec des plates formes qui posent des problèmes quant à l’accès des contenus ou leur paiement. L’action de sensibilisation et de prévention de la HADOPI ne semble donc pas faire l’unanimité dans le milieu de l’internet.
La mise en évidence de solutions en matière de protection des œuvres.
Enfin, le rapport, qui ne se contente pas uniquement de valoriser son travail et son efficacité par des résultats quantitatifs, tente également d’apporter des pistes pour accroître ses compétences en matières de protection des œuvres :
Elle recommande dans un premier temps de permettre aux auteurs de saisir directement la HADOPI. En effet, selon les dispositions de l’article L331-24 du Code de la Propriété Intellectuelle, la possibilité de saisir la HADOPI est réservée uniquement aux agents assermentés et agréées désignés par les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, les sociétés de perception et de répartitions des droits et le CNCIA. Les auteurs, bien que sollicitant constamment l’autorité, ne peuvent la saisir. Il s’agirait alors de modifier l’article L331-24 CPI afin de leur donner droit de saisie de la HADOPI sous constat d’huissier.
Autre solution pouvant être envisagée, le fait de confier à HADOPI la charge d’envoyer elle même l’avertissement. En effet comme le dispose l’article L331-25 du Code de la propriété intellectuelle, ce sont les fournisseurs d’accès internet qui sont chargés de faire parvenir les premiers avertissements.
La Haute Autorité préconise également, dans son rapport, d’allonger le délai pendant lequel le procureur de la république peut transmettre des faits de contrefaçon à la HADOPI. En effet le procureur ayant eu connaissance de faits de contrefaçon, peut ainsi décider de transmettre le dossier à la Commission de protection des droits pour que celle-ci enclenche une procédure de réponse graduée. Le Code de la propriété intellectuelle fixe ce délai à six mois pour le procureur (comme aux ayant droits), selon l’article L331-24 alinéa 3. La HADOPI recommande, pour une meilleure adaptabilité une augmentation de ce délai à un an.
La HADOPI souhaite également pouvoir communiquer aux FAI le port source de la connexion sur les réseaux de pair à pair. À l’heure actuelle les saisine adressée à la CPD n’incluent que les adresses IP qui ont eu accès à des contenus protégés et l’heure de la consultation des sites. La détermination du terminal ayant eu accès à ces contenus peut alors s’avérer difficile notamment en cas de « nattage » une technique permettant aux FAI d’attribuer une même adresse IP à différents clients notamment en cas de pénurie d’adresse. En indiquant dans la demande adressée au FAI de faire connaître un utilisateur, la signification du port source permettrait ainsi de mieux déterminer quel est l’utilisateur ciblé dans la procédure lancée.
Enfin le rapport recommande de faire figurer les œuvres téléchargées illégalement dans les avertissements. Un mécanisme visant une plus grande clairvoyance et à finalité informative de la personne visée par l’avertissement.
Des résultats se voulant concluants, des pistes d’amélioration pour l’avenir, le rapport HADOPI 2012-2013 ne tarit pas d’éloges sur le travail de l’institution pour garantir le respect des droits d’auteur sur Internet ; et veut prouver aux politiques et citoyens qu’elle effectue un travail concret en la matière. Mais quand bien même le rapport tente d’attester de l’effectivité de la HADOPI sur la dernière année, l’institution est en proie à des menaces extérieures, des critiques émanant de la sphère internet, mais également des classes politiques. Une épée de Damoclès pèse alors sur l’avenir de la HADOPI malgré sa volonté de prouver de son importance et son efficacité dans la pédagogie et la protection des droits d’auteur dans le monde de l’Internet.
Sources :
« Rapport HADOPI 2012-2013 » , hadopi.fr, mis en ligne le 10 Octobre 2013, consulté le 11 Octobre 2013,
CHAMPEAU (G). : « Label PUR : pourquoi la HADOPI labellise aussi la nullité », numérama.com mis en ligne le 10 juin 2013, consulté le 13 Octobre 2013, <http://www.numerama.com/magazine/26200-label-pur-pourquoi-la-hadopi-labellise-aussi-la-nullite.html>
CHAMPEAU (G). : « HADOPI : le test effarant des offres légales PUR ! » numérama.com, mis en ligne le 10 juin 2013, consulté le 13 Octobre 2013, <http://www.numerama.com/magazine/26197-hadopi-le-test-effarant-des-offres-legales-pur.html>
SAMAMA (P). : « L’hadopi publie son bilan 2013 et donne rendez-vous pour 2014 », 01net.com,< http://www.01net.com/editorial/605332/l-hadopi-publie-son-bilan-2013-et-donne-rendez-vous-pour-2014/>