Aujourd’hui, à moins d’être totalement profane en matière de réseau social, nul n’a pu jamais entendre parler de Twitter, de près ou de loin, que l’on possède ou non un compte.
En France, un sondage de l’institut français IPSOS révèle en effet que, sur l’ensemble de la population âgée de 15 ans et plus, près de 9 Français sur 10 ont déjà entendu parler de Twitter (89%).
Depuis sa création, la petite entreprise californienne fondée par Jack Dorsey a fait du chemin.
Ouverte au public en juillet 2006, celle qui a fait d’un oiseau bleu son emblème en 2010, fait partie actuellement des trois réseaux sociaux les plus utilisés dans le monde, derrière Facebook et Google+.
Force est de constatée l’engouement croissant pour ce réseau social d’informations en temps réel, l’oiseau bleu ne compte pas en rester là et s’apprête dès à présent à déployer ses ailes dans la cour des grands.
L’envol de l’oiseau bleu sur Wall Street
C’est sur son compte Twitter que Jack Dorsey a annoncé, le 12 septembre 2013, la volonté du réseau social d’entrer en bourse.
Depuis, l’entreprise tient le monde de l’économie et des finances en haleine, impatient de voir le projet se concrétiser. D’autant plus qu’il n’est pas sans rappeler l’entrée boursière de Facebook un an auparavant. Entrée qui s’était avérée être un véritable échec…
Mais Twitter est prudent. Il ne souhaite pas se jeter dans l’arène des marchés financiers comme son prédécesseur. Et le contexte législatif actuel l’accompagne dans cette dynamique. En effet, le réseau social a pu faire jouer une loi « Jumpstart Our Business Startups », en vigueur aux États-Unis depuis le 5 avril 2012.
Cette dernière permet aux entreprises ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à un milliard de dollars de ne pas publier ses données financières jusqu’à 21 jours avant le début du « roadshow », la tournée auprès des investisseurs.
Ainsi, ce n’est que le 3 octobre dernier que Twitter a levé la confidentialité sur le prospectus d’introduction en bourse adressé au gendarme financier américain, la Security and Exchange Commission.
Soucieux de ne pas réitérer le scénario catastrophe de son frère ennemi, il adopte une position anti-Facebook dans la réalisation de son introduction en bourse.
Ainsi, on apprend que l’objectif de Twitter est de lever la somme d’un milliard de dollars lors de cette opération. Une ambition plus que raisonnable, contrairement à Facebook qui, à l’époque, désirait lever plus de 16 milliards de dollars, surévaluant pour ce faire le prix de ses actions.
Par ailleurs, un seul type d’actions sera proposé à tous. Il n’existera donc pas de titres « premium » exclusivement attribués aux dirigeants, et qui auront une valeur plus importante.
Par conséquent, les avis de chacun des actionnaires, qu’ils soient dirigeants ou non de la société, auront le même poids lors des décisions.
L’opération séduction continue…
L’oiseau bleu n’a pas encore montré toute l’envergure de ses ailes
L’entreprise a plus d’une corde à son arc, et dispose d’atouts considérables susceptibles d’attirer les futurs investisseurs.
L’avantage de Twitter sur le marché actuel, et qui faisait défaut à Facebook, c’est qu’il est omniprésent sur les produits portables (smartphones et tablettes), constituant le moteur de son business. En effet, 64% du revenu publicitaire est généré par ces derniers, et ils permettent à 75% des utilisateurs d’avoir accès au réseau social.
Dans la mesure où il existe 1,2 billions d’utilisateurs de smartphones dans le monde, ce secteur constitue un marché offrant un potentiel incroyable. Ainsi, l’objectif est de continuer à offrir un réseau social simple d’utilisation et d’accès.
De plus, le site de microblogging a généré depuis le début de l’année 2013 un chiffre d’affaires de 253 millions de dollars. Il a même triplé entre 2011 et 2012, passant de 106 millions de dollars à 317 millions de dollars.
Lorsque l’on sait qu’il tire seulement 25% de ses revenus hors États-Unis, ce nouveau marché constitue une ressource à ne pas négliger. Il a donc tout intérêt à continuer son expansion à l’international afin d’attirer de nouveaux membres, publicitaires et investisseurs.
« Les gens sont le cœur de Twitter ». Tel est le leitmotiv de l’entreprise dans son prospectus. En effet, ce sont ses utilisateurs qui font vivre le réseau social. Les commentaires twittés et retwittés sur le site, pour certains lus par des millions de personnes, rendent le site attractif pour les autres utilisateurs, mais également pour les sponsors et les publicitaires.
Aujourd’hui, Twitter compte environ 218 millions de membres à travers le monde. Sa popularité tient du fait qu’il constitue une plate forme où la liberté d’expression est reine, en application du 1er amendement de la Constitution des États-Unis.
Les utilisateurs voient dans le site un moyen de partager leur quotidien, de réagir sur des sujets d’actualités, d’exprimer librement leur avis sur différents thèmes,…
Cette politique libérale a donné des ailes au réseau social, et a indiscutablement contribué à son succès.
Mais à l’heure où Twitter va devenir public et où il entreprend une expansion internationale, une question peut se poser.
Ne va-t-il pas devoir s’abîmer les ailes en freinant sa politique de liberté d’expression ?
La réputation de Twitter en tant que défenseur de la liberté d’expression est acquise.
Elle a même été rappelée en septembre dernier lorsqu’un homme, qui s’est vu refusé l’embarquement à bord d’un avion parce qu’il avait posté des tweets négatifs sur la compagnie aérienne, a invoqué le 1er amendement. Il a alors pu embarqué normalement.
Mais au fil de son expansion, sa politique libérale se heurte de plus en plus aux réglementations nationales, même s’agissant de pays démocratiques. Déjà interdit dans certains États, tels que la Chine ou l’Iran, Twitter réalise des concessions afin de prendre en compte les limites que chaque État accordent à liberté d’expression.
C’est dans cet objectif que, depuis 2012, il se donne le droit de cacher tout commentaire dont le contenu ne serait pas conforme à la législation en vigueur dans un pays donné, tout en le laissant visible dans les autres pays où le commentaire ne pose pas de problème.
Par ailleurs, suite à son introduction en bourse, cette adaptation va peut-être devoir s’intensifier. Puisque si Twitter ne peut pas exister dans certaines zones géographiques, c’est une ressource pécuniaire qui se perd. Et cela ne sera pas apprécié des investisseurs.
Dans un scénario pessimiste, les actionnaires pourraient demander de privilégier l’implantation internationale au détriment de la liberté d’expression. Coupant ainsi les ailes de l’oiseau bleu. A force de restrictions, le site perdrait petit à petit de sa valeur et de son utilité, provoquant une désertion progressive de ces membres et la fin de Twitter.
A l’avenir, le réseau social va sûrement devoir faire une balance entre sa volonté d’expansion, et celle d’offrir une plate-forme totalement libre d’expression.
Aujourd’hui, tout le monde attend l’envol de l’oiseau bleu sur le marché de la bourse. Sous les feux de l’actualité, et bien qu’aux prémices de sa conquête, il va devoir avancer avec prudence afin de ne pas se brûler les ailes…
Sources:
ANONYME, “La liberté d’expression à l’épreuve de l’international”, lesechos.fr, mis en ligne le 8 octobre 2013, consulté le 10 octobre 2013, http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/reuters-00554968-twitter-la-liberte-d-expression-a-l-epreuve-de-l-international-614916.php
GROLL (E.), “Can Twitter go public and still be a champion of free speech?”, blog.foreignpolicy.com, mis en ligne le 13 septembre 2013, consulté le 10 octobre 2013, http://blog.foreignpolicy.com/posts/2013/09/13/can_twitter_go_public_and_still_be_a_champion_of_free_speech
SEIBT (S.), “Entrée en bourse: comment Twitter compte éviter les erreurs de Facebook”, france24.com, mis en ligne le 4 octobre 2013, consulté le 9 octobre 2013, http://www.france24.com/fr/20131004-twitter-ipo-erreurs-facebook-milliard-dollars-entree-bourse-s1-sec-internet?autoplay=1
TWITTER, “Form S-1 – Security and Exchange Commission”, sec.gov, mis en ligne le 3 octobre 2013, consulté le 9 octobre 2013, http://www.sec.gov/Archives/edgar/data/1418091/000119312513390321/d564001ds1.htm