En ce début de mois de Février 2014, la SPEDIDAM (Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes) a dévoilé son Livre blanc 2014. Intitulé « Musique, Internet et partage de la valeur : 8 propositions pour les artistes-interprètes », ce rapport est l’occasion pour la société de perception de lancer un appel aux législateurs afin de voir réviser certains articles du code de la propriété intellectuelle (CPI) dans le but d’apporter une solution à la problématique récurrente de la rémunération des artistes interprètes.
Appel à une mise aux normes européennes du CPI
La SPEDIDAM l’affirme très clairement, « ce n’est qu’avec l’adaptation du droit existant au sein du Code de la Propriété Intellectuelle, en conformité avec les normes européennes et internationales, que les artistes-interprètes pourront obtenir, dans un contexte de développement accéléré d’exploitations nouvelles, une contrepartie décente à leur contribution artistique qui fait vivre les œuvres sonores et audiovisuelles ». Dès lors, c’est en s’appuyant sur ces textes européens et internationaux, que les huit propositions ont été formulées.
Tout d’abord, la SPEDIDAM rappelle aux législateurs l’absence de transposition au sein d’un texte normatif français du droit de distribution pourtant accordé dans l’article 9 de la directive 2006/115. De même, le rapport souligne le manque de transposition des droits de prêt et de location, eux aussi consacrés par cette même directive (articles 2 et 9). Enfin, est ajouté à cette liste de droits non encore transposés, le droit de mise à disposition du public à la demande posé par l’article 3 de la directive 2001/29. Un droit également reconnu dans le traité de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle de 1996. Une absence jugée préjudiciable pour les artistes-interprètes à l’heure où « l’essentiel des nouvelles offres dans le domaine musical et audiovisuel s’inscrit dans le cadre d’accès à la demande, soit par téléchargement, soit en flux interactif, avec paiement à l’acte ou par abonnement ».
Pour remédier à cette situation, la SPEDIDAM propose donc en page 15 de son rapport une nouvelle rédaction de l’article L 212-3 du CPI.
L’indispensable prise en compte des revenus issus du numérique
S’en suivent des propositions principalement axées sur les revenus provenant des offres légales en ligne.
Dans un premier temps, le livre blanc suggère que les webradio paient elles aussi, à l’instar de leurs grandes sœurs Hertziennes, la rémunération équitable. Se fondant là encore sur les dispositions européennes, il relève le fait que l’article 8 paragraphe 2 de la directive 2006/115 précitée, prévoit une rémunération équitable payée par l’utilisateur au profit de l’artiste interprète procédant à la radiodiffusion ou à la communication au public de phonogramme de commerce sans autre précision ; alors que l’article L.214-1 du CPI limite cette garantie à deux cas : la radiodiffusion et la communication dans un lieu public. Excluant de son champs d’application le webcasting musical qui est pourtant bien selon la SPEDIDAM « une communication au public ».
Par ailleurs, la SPEDIDAM préconise également, comme nous avons pu le voir, d’ajouter aux droits exclusifs des artistes-interprètes celui de la « mise à disposition du public à la demande ». Celui-ci permettrait selon elle de faire face aux usages contractuels de la profession n’offrant des revenus sur cette mise à disposition qu’aux seuls « artistes vedettes » et mettrait fin à la jurisprudence selon laquelle « l’autorisation donnée par les artistes pour la vente de disques couvrirait également le téléchargement à la demande » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 11 septembre 2013, 12-17.794).
Enfin, est à noter la volonté réitérée d’assujettir le cloud à la rémunération pour copie privée. Ainsi, la société de perception souligne dans son rapport que « de nouveaux services commerciaux fournissent maintenant la possibilité pour les consommateurs de stocker, sur des serveurs distants, l’ensemble de leurs fichiers, et tout particulièrement leurs enregistrements sonores et audiovisuels, afin d’y accéder à la demande en se connectant à ces services, constituant ainsi un nouveau mode de copie privée ». Un point qui reste néanmoins sujet à de nombreux débats, notamment quant à la nature même de ce procédé.
Par ailleurs, afin de faciliter la gestion de ces nouvelles ressources issues du numérique, le rapport propose la mise en place d’une gestion collective obligatoire des droits exclusifs des artistes-interprètes et des producteurs. Ce « guichet unique » permettrait une meilleure harmonisation dans le secteur de la musique et éviterait tout rapport contractuel imposé par certaines majors.
Cette lutte contre les inégalités apparaît être un point clé pour la SPEDIDAM qui entend représenter l’intégralité des artistes-interprètes et non les seuls « artistes vedettes ».
La lutte contre le « star system »
Afin de lutter contre cette différence de traitement fonction de la popularité de l’artiste, il est préconisé dans la proposition n°4 d’ajouter un nouvel alinéa à l‘article 212-3 du CPI afin de mettre en place une rémunération proportionnelle plutôt que forfaitaire. L’objectif étant une fois de plus de gommer les écarts entre les artistes-interprètes connus qui peuvent obtenir des royalties et ceux qui ne le sont pas.
Par ailleurs, sur cette question des rapports entre producteurs et artistes-interprètes, la SPEDIDAM souhaiterait voir inséré un quatrième alinéa à l’article L 212-3 du CPI posant certaines règles à respecter lors de la conclusion de ces contrats afin d’éviter toutes dérives ou abus. Pour exemples, devront obligatoirement être insérées dans le contrat une clause portant sur la date ultime de sortie de l’album, le nombre minimum d’exemplaire, les moyens mis en œuvre par le producteur pour promouvoir et exploiter l’oeuvre ou encore la liberté pour l’artiste interprète de promouvoir par ses propres moyens son œuvre. Sont notamment pointés du doigt dans cette 5ème proposition les très répandus « contrats 360° », décris ici comme des contrats « par lesquels le producteur prétend contrôler directement ou indirectement les revenus générés par la totalité des activités de l’artiste, y compris l’exploitation de ses prestations audiovisuelles, de ses prestations scéniques, de ses droits d’auteur et de son image, alors que ledit producteur ne s’engage qu’à produire et vendre des phonogrammes ».
Il est à noter l’absence de proposition, pourtant longtemps portée par la SPEDIDAM, de mise en place d’une licence globale. Néanmoins, il ne s’agit en rien pour elle d’une remise en cause de cette solution, puisque son directeur des affaires juridiques, Xavier Blanc, a estimé dans une interview donnée à PC IMPACT au lendemain de la publication de son livre blanc, qu’il s’agit encore aujourd’hui de la « meilleure solution », bien que n’étant malheureusement pas à l’ordre du jour de la future loi sur la création, actuellement à l’étude Rue de Valois.
Sources:
BERNE (X.),«Revenus du streaming pour les artistes: les propositions de la SPEDIDAM», pcinpact.com, mis en ligne le 5.02.2014, consulté le 13.02.2014.
Disponible sur : http://www.pcinpact.com/news/85700-revenus-streaming-pour-artistes-propositions-spedidam.htm
Livre Blanc SPEDIDAM 2014: « Musique ,Internet et partage de la valeur : 8 propositions pour une meilleure rémunération des artistes interpètes » , consulté le 13.02.2014.
Disponible sur : http://www.spedidam.fr/