Cela fait plus de trois semaines que la région de Hong Kong est secouée par de vives manifestations, entre la jeunesse locale, soucieuse d’entériner le processus démocratique et les autorités chinoises. Or les moyens traditionnels d’affrontement ne se situent plus uniquement dans la rue, mais se sont déplacés vers le web.
Depuis le 28 septembre dernier, Hong Kong traverse un large mouvement de désobéissance civile. Pour comprendre la raison de ces manifestations, il faut se replonger 17 ans en arrière, et plus précisément en 1997.
A cette date, Hong Kong, qui était jusqu’alors une colonie britannique, est rétrocédée à la Chine. Hong Kong devient alors une région administrative spéciale, qui fait partie de la Chine, sans pour autant que les règles applicables au territoire y soient les mêmes.
La Chine avait à l’époque promis au peuple hongkongais que dès 2017, il pourrait élire librement le chef de son exécutif, au suffrage universel.
Pourtant la Chine fait rapidement marche arrière et divulgue un projet de réforme politique permettant certes au peuple d’Hong Kong d’élire le chef de l’exécutif, mais uniquement parmi un choix de candidats préalablement contrôlés et approuvés par le régime chinois. Aujourd’hui, à travers ces manifestations pro démocratiques, la jeunesse de Hong Kong demande que la Chine tienne enfin ses promesses.
La « génération internet » en première ligne de la manifestation
La singularité de cette révolution est à la fois l’utilisation de nouveaux médias par les étudiants, mais aussi de nouveaux outils, dans la mesure où les Smartphones sont véritablement omniprésents. Leur but est de médiatiser leur combat en Chine continentale mais aussi dans le monde entier, minute par minute.
Les étudiants se servent de leurs téléphones afin de photographier et de filmer les scènes de la manifestation ; ils font également l’usage d’appareils encore plus élaborés tels que des drones. Certains étudiants filment même en direct, afin de créer une vidéo en streaming visible en direct sur le web.
Les applications jusqu’alors autorisées en Chine continentale telles que Instagram ou Weibo (la version chinoise de Twitter) prolifèrent d’images et de mots clefs, faisant référence en temps réel au rassemblement.
Les réseaux sociaux servent donc d’armes non seulement pour partager le combat en direct, mais encore pour rassembler, et surtout à éveiller les étudiants d’Hong Kong.
Le durcissement de la politique de censure en réaction aux protestations
Afin de garder la mainmise sur l’information qui circule sur le web, le Parti communiste chinois, qui pratique de façon habituelle la censure des médias, a décidé en urgence de généraliser sa politique.
En effet, depuis la fin du mois de septembre, l’application de partage de photos Instagram est désormais bloquée en Chine continentale, même si elle demeure autorisée à Hong Kong, et ce afin d’éviter à tout prix la propagation du mouvement. L’application Weibo fait quant à elle l’objet d’un contrôle étroit. Tous les mots clefs faisant référence de près ou de loin au mouvement sont minutieusement filtrés, voir supprimés ; et les autorités ne laissent apparaitre que les messages hostiles à la manifestation.
Les autres applications largement utilisées ailleurs dans le monde ainsi qu’à Hong Kong comme Facebook, Youtube ou encore Twitter sont elles bloquées en Chine continentale depuis de nombreuses années.
Une bataille 2.0 entre le pouvoir chinois et les étudiants hongkongais
Les manifestants tentent de contourner la censure en utilisant des nouvelles applications qui elles, y échapperaient. C’est le cas de la toute nouvelle application baptisée « FireChat ». Sa particularité est qu’elle n’a besoin ni d’internet, ni du réseau téléphonique pour fonctionner, et permettre le partage à la fois de texte et de photos. Cette application permet, grâce à un réseau décentralisé, un partage rapide entre utilisateurs par ondes Bluetooth dans un rayon de soixante-dix mètres.
Face aux rumeurs propagées selon lesquelles la censure allait être durcie drastiquement, voire même qu’internet allait être coupé, l’application a été téléchargée plus de 200 000 fois, en l’espace de vingt-quatre heures, et ce rien qu’à Hong Kong.
Pour autant ce subterfuge n’a pas permis de propager les messages dans toute la Chine, puisque les plateformes permettant de télécharger cette application ont immédiatement été bloquées par les autorités chinoises. Néanmoins, ceci illustre parfaitement que l’affrontement ne se joue plus uniquement dans les rues : c’est bien l’espace numérique qui est le nouveau champ de bataille de la manifestation.
De plus, le face-à-face est monté d’un cran, lorsque les manifestants ont reçu un message sur l’application de partage de texte « WhatsApp », sur leurs Smartphones, leur indiquant de télécharger une toute nouvelle application permettant elle aussi à son tour de contourner la censure. Or il s’est révélé qu’en réalité, il s’agissait d’une application espionne, qui permettait de surveiller les communications téléphoniques, et de subtiliser les données personnelles à l’insu des manifestants l’ayant téléchargée. Et malgré le fait que la source de cette application soit encore inconnue, les regards se sont rapidement tournés vers le pouvoir en place.
La position ambivalente de la chine
Malgré le recours drastique à la censure, l’article 35 de la Constitution chinoise de 1982 garantit la liberté d’expression. Cet article dispose que « les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté d’expression de la presse, de réunion, d’association, de défiler et de manifestation ».
Parallèlement, la Chine est membre, depuis 2013, du Conseil des droits de l’Homme, qui a pour mission de définir les grandes orientations en matière de politique des droits de l’Homme, d’examiner les problématiques qui se posent dans ce domaine, et d’élaborer de nouvelles normes internationales, dans le but d’assurer l’application de ces règles partout dans le monde. Or ironiquement, en 2012, le Conseil des droits de l’Homme a pour la toute première fois adopté un texte de portée mondiale, qui pose comme principe essentiel la liberté d’expression sur internet.
Des méthodes de censure obsolètes face à la vitesse du web ?
Aujourd’hui force est de constater que les méthodes de censure, bien qu’elles compliquent l’accès à une information libre, ne sont pas pour autant totalement efficaces. Il suffit de prendre exemple sur l’application « FireChat » qui n’a tout simplement pas besoin d’internet pour fonctionner.
D’autre part, des logiciels se développent dans le monde entier, afin de contourner la censure. C’est le cas par exemple du logiciel « Lanterne » développé aux Etats-Unis, qui se donne pour mission de combattre la censure grâce à un mécanisme de « pair à pair » qui permet aux utilisateurs de se connecter entre eux, sans passer par un point central. Autrement dit, les utilisateurs se connectent à différents relais, qui sont moins facilement détectables des censeurs.
Il existe aussi le système des VPN, qui signifie « Virtual Private Network » ou encore le système des serveurs « proxy ». Ces techniques permettent à des utilisateurs qui se trouvent en Chine de se connecter à des intermédiaires, situés dans un pays libre de toute censure, et d’accéder aux sites qui les intéressent.
Malgré la bonne volonté apparente de la chine de faire évoluer sa politique de censure, à la lumière des évènements qui se sont produits à Hong Kong, on comprend que la Chine n’a aucune intention de changer sa position sur la liberté d’expression sur internet, n’hésitant pas à resserrer l’étau de la censure devant les yeux du monde entier.
SOURCES :
– GEVAUDAN (C)., « Hongkong : quand la «révolution des parapluies» contourne la censure numérique », Libération.fr, mis en ligne le 29 septembre 2014, consulté le 13 octobre 2014, <http://ecrans.liberation.fr/ecrans/2014/09/29/hongkong-comment-la-revolution-des-parapluies-contourne-la-censure-numerique_1111115>
– ANONYME « China ”censors Hong Kong protest posts on social media” », bbc.com, mis en ligne le 29 septembre 2014, consulté le 13 octobre 2014, <http://www.bbc.com/news/world-asia-china-29411270>
– PARKER (E)., « social média and the Hong Kong protests », newyorker.com, mis en ligne le 1er octobre 2014, consulté le 13 octobre 2014, <http://www.newyorker.com/tech/elements/social-media-hong-kong-protests>
– MOZUROCT (P)., « Protesters in Hong Kong are targents of scrutiny through their phones », nytimes.com, mis en ligne le 1er octobre 2014, consulté le 13 octobre 2014, <http://www.nytimes.com/2014/10/02/business/protesters-are-targets-of-scrutiny-through-their-phones.html>
– LIH (A)., « In Hong Kong’s protests, technologie is a battlefield », qz.com, mis en ligne le 2 octobre consulté le 13 octobre 2014, <http://qz.com/274973/in-hong-kongs-protests-technology-is-a-battlefield>
– ANONYME « L’ONU reconnaît le droit à la liberté d’expression sur internet », lemonde.fr, mis en ligne le 6 juillet 2012, consulté le 18 octobre 2014 <http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/07/06/l-onu-reconnait-le-droit-a-la-liberte-d-expression-sur-internet_1730303_651865.html>