Sur l’internet, l’usage d’un pseudonyme par tout un chacun est pratique courante. Il suffit pour cela de parcourir notamment les réseaux sociaux Twitter, Instagram ou encore les forums consacrés aux jeux videos ou autre, type Doctissimo. Les motivations des individus sont multiples, outre le fait de leur permettre de se réinventer c’est principalement la protection de la vie privée qui est en jeu. En effet, l’usage d’un pseudo peut permettre notamment de protéger son entourage, sa vie professionnelle ou publique. Cependant, bien qu’existante, la pratique était interdite sur le réseau social de Mark Zuckerberg. Cela vient de changer, et ce suite à la pression exercée par la communauté LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Trans) aux Etats Unis.
LA POLITIQUE DU « REAL NAME » POUR CRÉER UN « ENVIRONNEMENT PLUS SÛR”
Celle-ci est inscrite sur Facebook dans les « Standards de la communautés ». Ils correspondent aux conditions d’utilisations du site. Ainsi, à la rubrique « Protéger vos informations personnelles » est inscrite la règle du « vrai nom ». Il y est indiqué que « En vous inscrivant à Facebook, vous acceptez d’utiliser votre vrai nom et votre véritable identité ». La motivation de cette règle est la suivante : les individus agissant non pas sous le couvert de l’anonymat seraient sujet à plus de vigilance et d’auto censure de leurs comportements. Cette règle est censée rendre « la communauté » plus responsable.
Facebook pouvait ainsi bloquer un compte ou demander à un utilisateur de fournir une copie de sa carte d’identité.
UNE RÉSISTANCE VENUE D’ALLEMAGNE
La Hamburg Data Protection Authority, autorité de protection de la vie privée du land du Schleswig-Holstein, a ordonné le 17 décembre à Facebook d’assouplir cette règle et de permettre aux internautes d’utiliser une identité autre que celle figurant sur leur carte d’identité.
C’est en tout cas chose faite aux Etats-Unis et ce depuis le 15 décembre mais cela n’est pas encore étendu au reste du monde.
DES PROTESTATIONS DE LA COMMUNAUTÉ LGBT
Les protestations les plus vives aux Etats Unis furent celles en provenance des drag-queens. Ces dernières, utilisant un pseudonyme correspondant le plus souvent à leur nom de scène, ce dernier n’ayant rien à voir avec leur identité nationale. Elles pouvaient ainsi voir clôturer leur compte à tout moment, ce dernier pouvant être alors considéré comme « faux ». Cependant bien d’autres personnes étaient concernées, notamment les victimes d’agression, les travailleurs sociaux, les juges ou encore les enseignants. Un assouplissement des règles en la matière était inévitable.
UNE MODERNISATION QUI N’EST PAS UNE RÉVOLUTION MAIS PLUS UN ASSOUPLISSEMENT DE LA RÈGLE
Il est désormais possible d’adjoindre au profil Facebook « surnom », « titre ou nom professionnel » ou encore « nom de jeune fille ». Facebook peut désormais procédé à d’autres vérifications que la carte d’identité et ainsi étudier le contexte entourant une personne. Cependant, le vrai nom de l’utilisateur reste visible. Des efforts restent donc encore à faire. Le surnom devient donc licite mais l’exposition de la véritable identité reste toujours aussi présente.
POURQUOI C’EST INUTILE EN DROIT INTERNE
La loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse, prévoit un certain nombre de sanctions relatives aux infractions de presse. Il s’agit ici d’encadrer la liberté d’expression, particulièrement les abus qui pourraient être commis dans ce cadre (telle l’injure ou la diffamation).
Néanmoins, ce n’est pas seulement le support physique qui va entrer dans le champ d’application de cette loi mais notamment les services de communication au public en ligne. En effet l’article 6-V de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 dispose que « Les dispositions des chapitres IV et V de la loi du 29 juillet 1881 précitée sont applicables aux services de communication au public en ligne et la prescription acquise dans les conditions prévues par l’article 65 de ladite loi ».
L’article 1 de la LCEN, dispose que l’on entend par communication au public par voie électronique « toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ». Ainsi l’internet, et plus encore les personnes agissant sur les réseaux sociaux tel que Facebook, ne sont pas irresponsables.
De plus, l’article 1382 du code civil dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Pour appliquer la responsabilité pour faute, on va appliquer le régime de la responsabilité en cascade issue du droit de la presse (article 42 et 43 de la loi de 1881). Se posera alors la question de connaitre l’identité du directeur de publication, à défaut de l’éditeur, ou enfin à défaut de l’auteur.
Cette question de la responsabilité se posera notamment dans le cadre de commentaire fautif. En effet, l’éditeur qui n’a pas connaissance du contenu illicite pourra se voir qualifié de simple « hébergeur de contenu ».
L’EMPLOI D’UN SURNOM FAIT-IL ALORS OBSTACLE À CETTE RESPONSABILITÉ ?
L’article 6 de la LCEN, fait référence dans sa partie III aux éléments obligatoires devant être communiqués au public par un éditeur professionnel ou non professionnel. La majorité des utilisateurs sur Facebook agissant à titre non professionnel qu’en est-il alors ?
L’article 6-III dispose alors que « Les personnes éditant à titre non professionnel un service de communication au public en ligne peuvent ne tenir à la disposition du public, pour préserver leur anonymat, que le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse du prestataire mentionné au 2 du I, sous réserve de lui avoir communiqué les éléments d’identification personnelle prévus au 1 ». Ainsi Facebook, personne morale agissant comme fournisseur du service et assurant le stockage des communications au public doit être normalement informé des éléments d’identification personnelle du destinataire du service qu’il fournit. Ainsi, rien ne s’oppose à l’anonymat rendu possible par le surnom.
Selon le Professeur Valérie-Laure BENABOU, « pour la vie privée le droit est un parasol ». On peut alors dans la même idée, imaginer que le relatif anonymat sur internet permis par le surnom est une bouteille d’eau fraiche.
SOURCES :
ANONYME, “Facebook attaqué pour l’obligation de fournir sa véritable identité”, lemonde.fr, mis en ligne le 19 décembre 2015, consulté le 29 décembre 2015, <http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/12/18/facebook-attaque-pour-l-obligation-de-fournir-sa-veritable-identite_1808088_651865.html>.
Elodie, “Facebook autorise désormais les pseudos”, journaldugeek.com, mis en ligne le 17 décembre 2015, consulté le 29 décembre 2015, <http://www.journaldugeek.com/2015/12/17/facebook-autorise-pseudos/>.
FACEBOOK, “Standards de la communauté”, mis en ligne en 2015, consulté le 29 décembre 2015, <https://www.facebook.com/communitystandards#>.
FACEBOOK, “Standards de la communauté”, mis en ligne en 2015, consulté le 29 décembre 2015, <https://www.facebook.com/help/229715077154790>