« Les cas de cyberharcèlement, d’apologies du viol, de violations de la vie privée par la publication de photos et vidéos destinées à un usage privé gangrènent la toile depuis plusieurs mois ». C’est ainsi que le collectif Feminism vs Bully dénonce les récents agissements qui ont eu lieu sur les réseaux sociaux.
Deux affaires aux répercussions impressionnantes voient malheureusement le jour sur les réseaux sociaux. A l’origine, la diffusion sur Snapchat – ce réseau social principalement utilisé par les jeunes permettant d’envoyer des images pour une durée maximum de dix secondes à ses contacts – d’une photo montrant deux adolescents lors d’un acte sexuel dont le visage de la demoiselle est clairement identifiable puis, deux jours plus tard, une courte vidéo de ce qui semble être un viol. Ces images sont ensuite reprises et diffusées en masse sur Twitter et Facebook : voilà la triste actualité de ce début d’année 2016.
Les risques encourus par les utilisateurs ayant diffusé ces images illicites
En 2014 les études prouvaient que huit internautes sur dix âgés de 15 à 24 ans étaient en possession d’un smartphone, lui même équipé d’un appareil photo intégré. Et tout est sujet à photographie : son repas, ses sorties, ses voyages, soi-même… pour ensuite les poster, presque naturellement, sur les réseaux sociaux dont nous sommes membres. Mais il semble important de préciser que la diffusion d’images d’autrui est normalement soumise à conditions.
L’article 226-1 du Code Pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende « le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui : en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».
Dans le cadre de la vidéo de viol, il s’agit d’une diffusion d’images illicites puisque prises sans l’autorisation manifeste de la victime. Les agresseurs ont été mis en examen pour viol en réunion et diffusion d’images pornographiques sur les réseaux sociaux. La personne qui filme la scène peut être considérée comme complice d’atteinte volontaire à l’intégrité de la personne ; comme le précise l’article 222-33-3 du Code Pénal, le fait de diffuser l’enregistrement de telles images est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Pour autant, plus de 340 000 internautes, en quelques heures à peine, ont partagé ces images. Il serait donc logique de croire que toutes les personnes ayant diffusé cette vidéo aient engagé leur responsabilité et risquent, bien qu’elles n’aient fait que « partager » ou « retweeter », d’être poursuivies. Par ailleurs, certains utilisateurs, en plus de leur partage, jugeaient nécessaire d’y ajouter leur opinion parfois très virulente. Si ces messages incitent à commettre des violences, des actes terroristes ou tout autre acte malveillant, le Code Pénal prévoit, là encore, une amende de 1 500 euros au regard de son article R625-7.
Pour autant, dans le cadre de cette affaire, il semblerait que le partage massif des images joue en faveur des internautes puisque chercher à poursuivre des milliers de personnes semble bien trop fastidieux.
La montée en puissance du cyberharcèlement et la difficulté à le combattre
Le cyberharcèlement semble se développer de plus en plus face à l’expansion des réseaux sociaux, notamment chez les jeunes. Véritable arme psychologique, l’Internet permet de déverser gratuitement de nombreuses insultes et des menaces. Loin des attaques purement physique, l’on se retrouve avec une démultiplication parfois impressionnante du nombre de harceleurs. Dans l’affaire de la photographie des deux jeunes adolescents, la jeune fille voit son nom et prénom révélés : son identité fait l’objet d’un « hashtag » sur Twitter, un « mot-clef » utilisé plus de 100 000 fois. Naturellement, la quasi-totalité de ces utilisateurs ne connaissent pas personnellement la victime mais, pour autant, chacun y va de son avis personnel, parfois très cru, blessant et insultant. Il s’agit là d’un véritable lynchage public.
La dichotomie entre le réel et le virtuel semble être le problème majeur ; cachés derrière leurs écrans, les utilisateurs pensent toujours bénéficier d’un véritable anonymat. Cependant, la simple utilisation d’un pseudo ne permet pas d’être protégé : une personne peut être facilement identifiable grâce au contenu de ses conversations, les photos qu’elle publie, ou même par ses amis virtuels avec qui elle communique.
Pour autant on se croit intouchable et impossible à retrouver. En 2012, deux applications ont vu le jour et ont fait de l’anonymat leur leitmotiv principal. « Whisper » et « Secret » sont des réseaux sociaux qui permettent d’échanger des messages et des photos sans jamais dévoiler son identité ; ces applications ne dérogent pas à la règle et doivent très vite gérer une liberté d’expression acerbe mêlant cyberharcèlement et rumeurs infondées.
L’article 222-33-2-2 du Code Pénal précise qu’est punit d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie […] lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne. »
L’après « diffusion en masse » pour les victimes présentes sur les images
En France, la Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Regroupement et d’Orientation des Signalement (PHAROS) permet de signaler les comportements illicites sur internet. Sur le site officiel de la police nationale, quelques précisions sont données sur les contenus qui peuvent être signalés : ils doivent faire l’objet d’un comportement illicite c’est-à-dire qui est punit par la loi française et il doit s’agir d’un contenu public de l’Internet auquel tout internaute peut avoir accès et non pas une affaire privée, quand bien même il nous serait nuisible. En 2014, PHAROS prouve son efficacité en traitant plus de 138 000 dossiers : escroqueries, atteintes aux mineurs, contenus racistes, mais plus encore en 2015, les messages liés au terrorisme. C’est notamment grâce à cette plateforme que la police nationale a été informée des faits et a pu intervenir rapidement dans les deux affaires.
Pour autant, cette plateforme n’a aucune autorité sur les géants américains Facebook, Twitter, Instagram ou encore Snapchat. De plus, la vitesse de propagation de ce genre d’images est telle qu’il semble impossible pour les sites de réagir instantanément. Selon la mère de la victime des photographies diffusées, il a fallut près de huit heures pour obtenir la fermeture des fausses pages qui avaient été créés sur sa fille. Dans cette affaire, la jeune fille voit son nom et prénom diffusés très largement : cette jeune adolescente a de forte chance de retomber sur cette histoire tout au long de sa vie lorsqu’elle fera des recherches, notamment sur Google, sur son identité.
Fort heureusement, le droit à l’oubli – ou plutôt le droit au déréférencement – permet de demander la suppression de contenus liés à la vie privée dans les résultats de recherche dans l’Union Européenne. Ce droit fait suite à la décision rendue en mai 2014 lors du procès « Google Espagne contre l’AEPD et Mario Costeja Gonzalez ». Néanmoins cela risque d’être un travail titanesque au vu du nombre impressionnant d’utilisateurs ayant diffusé les vidéos et photographies.
Cependant, Google a annoncé son refus d’étendre ce droit au reste du monde, se cantonnant qu’à un déréférencement européen ; si la situation reste la même, les images en question peuvent rester éternellement sur Internet. Le mal est donc déjà fait, il ne reste qu’à espérer que les autorités compétentes fourniront un travail irréprochable et que les victimes pourront se reconstruire après cette exposition impressionnante non souhaitée…
SOURCES
ANONYME, « Ces réseaux sociaux qui misent tout sur l’anonymat », lesechos.fr, mis en ligne le 20 août 2014, consulté le 11 janvier 2016,
ANONYME, « Vidéo de viol présumé sur les réseaux sociaux : “la situation est complexe” », sudouest.fr, mis en ligne le 4 janvier 2016, consulté le 10 janvier 2016,
BEM (A.), « Droit à l’image et respect de la vie privée sur internet : retrait de photos et vidéos X », legavox.fr, mis en ligne le 6 Juin 2011, consulté le 11 janvier 2016,
BEUNAICHE (N.), « Photos et vidéos volées : les réseaux sociaux dépassés par les ados », 20minutes.fr, mis en ligne le 7 janvier 2016, consulté le 10 janvier 2016,
CUNY (D.) « #TwitterAgainstWomen : des féministes contre le cyberharcèlement », rue89.nouvelobs.com, mis en ligne le 3 janvier 2016, consulté le 10 janvier 2016,