La commande vocale « Alexa », de l’enceinte Echo, made in Amazon, enregistrerait-elle les données de ses utilisateurs, en continu ? C’est la question que se posent les autorités en Arkansas, ils souhaitent accéder aux données recueillies par l’enceinte dans la potentialité d’élucider un homicide.
I. La commande vocale de l’enceinte Echo d’Amazon
Amazon commercialise aux Etats-Unis, son enceinte Echo. Cette enceinte a une multitude de fonctionnalités, et propose notamment un service de commande vocale. La commande vocale d’Amazon « Alexa », fonctionne comme Siri chez Apple, Cortana chez Microsoft, et consorts. Leur rôle est de jouer à l’assistant personnel polyvalent. Elle peut répondre à des questions généralistes, diffuser de la musique, lire des livres audio, se charger d’allumer ou d’éteindre les lumières et fournir de informations courantes, comme l’état du trafic ou encore donner les résultats d’une compétition sportive.
Cette enceinte fonctionne grâce à sept micros lui permettant de répondre à une question même lorsque l’individu s’interroge à l’autre bout de la pièce. Elle est connectée aux Amazon web services, et enregistre les données dans le cloud. De cette manière, l’enceinte peut traiter les données de manière intelligente, elle apprend à mesure que de nouvelles requêtes lui sont soumises pour s’adapter aux habitudes de son propriétaire. Ainsi, l’expérience se veut toujours plus personnelle.
Mais, cette enceinte n’est pas censée enregistrer en continu. En effet, elle n’est censée s’activer seulement lorsque l’utilisateur dit « Alexa ». Ainsi, les requêtes doivent être formulées de la sorte pour que l’enceinte soit à l’écoute : « Alexa, en quelle année est sorti le dernier album d’A tribe called quest ? » ou encore, « Alexa, quel temps va-t-il faire aujourd’hui ? ». Une fois cette tâche effectuée, les données sont transférées et enregistrées sur le cloud d’Amazon et grâce à une intelligence artificielle, l’algorithme peut trouver une réponse à la question posée et y répondre. En théorie, l’enceinte n’est pas censée enregistrer en continu. Mais comment peut-elle s’activer à la seule prononciation du mot « Alexa », cela veut dire que l’enceinte écoute en continu. En réalité, rien ne prouve que l’enceinte enregistre en continu, puisqu’elle peut écouter sans enregistrer. Pourtant, les autorités Américaines soupçonnent Amazon d’enregistrer via l’enceinte, les données sur son cloud, en continu.
II. La justice à l’écoute des objets connectés
En effet, l’attention mérite d’être portée sur un point précis. En Arkansas, la justice soupçonne l’enceinte Echo d’avoir été le témoin d’un meurtre. En novembre 2015, Victor Collins, homme âgé de 47 ans a été retrouvé mort noyé dans le spa de la propriété de James Bates à Bentonville en Arkansas. Comme le corps de Victor Collins présentait des traces de luttes alors James Bates a été inculpé pour homicide volontaire. Mais lors de l’audience, le 28 décembre dernier, James Bates a plaidé non coupable.
Lors de l’enquête préliminaire, les enquêteurs avaient pris note du fait que la maison de James Bates était une « smart home » (maison connectée). Et qu’il était l’heureux propriétaire d’une enceinte Echo d’Amazon. Au préalable, les policiers avaient souhaité entendre l’enceinte Echo, puisqu’ils pensaient que cette enceinte avait eu la possibilité de tout enregistrer la nuit du crime et de stocker les données dans le cloud d’Amazon. Mais, Amazon a rétorqué, pour être en adéquation avec la loi, que les données ne pouvaient être stockées sur le cloud à la seule condition que la personne ait au préalable prononcée le mot « Alexa ». Ainsi, dans le cas où la commande vocale n’aurait pas été activée par les individus, l’enceinte Echo n’aurait pas pu enregistrer ce qu’il s’était passé cette nuit de novembre 2015 à Bentonville. Amazon avait expliqué aux policiers, qu’il ne communiquerait les données du client dans le seul cas où les juges leur auraient donné un mandat pour procéder aux écoutes.
Dans le but de préciser la véracité des propos tenus pas James Bates, le tribunal a accordé un mandat de perquisition des données de l’enceinte Echo en question, aux policiers. Nous saurons donc, si l’enceinte Echo fait de l’enregistrement et du stockage de données en continu, ou alors si elle fait simplement de l’écoute en continu, mais que les écoutes ne sont enregistrées sur le Cloud seulement dans le cas où la commande vocale a été activée par son propriétaire. De son côté, James Bates sera jugé courant 2017.
III. Les points positifs et les dérives face au respect de la vie privée
Malgré tous les aspects positifs que peut présenter cette enceinte au quotidien, il n’en reste rien que si elle enregistre réellement en continu tout ce qu’il se passe dans une maison, elle devient intrusive.
Le droit au respect de la vie privée protégé par l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations unies, comprend à la fois, le secret des correspondances, la protection des données personnelles et l’inviolabilité du domicile. Toutefois, comme toutes les libertés, celle-ci est encadrée et réglementé. Dans une société démocratique, la loi s’occupe de fixer un cadre de compromis entre sécurité physique et vie privée.
En assimilant une écoute de commande vocal à une écoute téléphonique, il est prévu que les techniques de recueil de renseignement ne peuvent être décidées que si elles procèdent, par exemple d’une autorité ayant légalement compétence pour le faire et seulement dans le cas où ce serait justifié par une menace. En conséquence, en France, il est possible d’enfreindre le principe de protection de la vie privée, pour procéder à des écoutes mais seulement lorsque l’écoute a été autorisée par une personne légalement assermentée et qu’elles sont proportionnée au but poursuivi.
Dans l’affaire en cause, aux Etats Unis, les écoutes ont été autorisées par un juge, de ce point de vu là, il n’y a donc pas de problème à soulever. Toutefois, le doute pèse sur la proportionnalité de l’utilisation des écoutes quant à l’objectif poursuivi. En effet, le législateur pose en France le principe de proportionnalité, mais le juge interprète la loi, et peut ainsi fixer le curseur où bon lui semble. S’il juge que les écoutes en continu sont alors proportionnées aux but poursuivi, alors peut importe que cela soit intrusif. Le droit peut évoluer, et le curseur de la proportionnalité également. L’absence d’une législation claire sur ce qui est autorisé de faire avec les données des assistants personnels ouvrira certainement la porte à de nouvelles questions de ce genre.
Et il convient de noter, que dans cette affaire, la police de l’Arkansas a tout de même réussi à capter des données, pas celles détenues par Amazon mais celles des pouvoirs publics locaux, qui gèrent le système des compteurs intelligents de Bentonville. Ainsi, la nuit du meurtre de Victor Collins, le système de gestion de l’eau a relevé une consommation anormale. Comme si le suspect dans l’affaire avait essayé de nettoyer ses traces. De fait, l’écoute de l’enceinte Echo était elle nécessaire par les magistrats ?
Cela deviendrait alors assez effrayant, de vivre avec un robot qui enregistre tout ce qu’il se passe dans une maison, et relèverait de la science fiction. Amazon is watching you ! Cette histoire risque de déplaire à certains, mais suite à ce scandale il convient de se poser une question : Avons-nous vraiment besoin d’utiliser ce genre d’objet ?
AMSON (C.), « Protection pénale de la vie privée », JCC, Fasc. 3400, publié le 06.05.2016, consulté le 24.01.17
ANONYME, « Dans l’Arkansas, la police veut entendre « Alexa », l’assistant à commande vocale d’Amazon », lemonde.fr, publié le 30.12.2016, consulté le 15.01.17
BOUVIER (V.), « Test du Amazon Echo », stuffi.fr, publié le 27.02.2016, consulté le 15.01.17