Le 22 novembre 2017, l’Assemblée plénière du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), a condamné la société NRJ à une amende record d’un million d’euros pour un canular téléphonique portant atteinte à l’image de la femme. L’émission C’Cauet est réputée pour ses canulars téléphoniques et il faut bien admettre que parfois, la maitrise du direct étant plus ou moins bien assurée, il peut arriver que des dérapages surviennent comme ce fut le cas le 9 décembre 2016.
La protection de l’image de la femme au coeur des préoccupations
Avec les mouvements #metoo ou #balancetonporc, la défense des droits des femmes et de la protection de leur image a été plus que unanime non seulement aux Etats-Unis mais aussi en France. Depuis quelques mois maintenant, le gouvernement et principalement Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, mènent des actions de prévention, d’information auprès du public en passant sur les plateaux télévisés ainsi que dans les émissions de radio. Ces interventions visent à informer les Français sur les droits des femmes et surtout à faire comprendre à tous et principalement aux plus jeunes, que l’égalité entre les femmes est un principe inscrit dans la loi dont la dernière en date, celle du 4 aout 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Il faut rappeler que le CSA a, conformément à l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, une obligation d’assurer « le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. À cette fin, il veille (…) à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjuges sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destines à l’enfance et à la jeunesse ».
Dans cette logique de sensibilisation du public et de surveillance des programmes par le CSA, il est normal que des propos ou des actions portant atteinte à l’image de la femme soient sanctionnés comme ce fut le cas de la chaine C8 et de son émission Touche pas à mon poste ! en 2017. Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a estimé le 4 décembre 2017, que « les chaînes sont tenues de maîtriser en permanence leur antenne, la circonstance qu’un programme est diffusée en direct devant conduire, à cet égard, à une vigilance particulière ». Cette décision applicable, en l’espèce, à une émission de télévision pourrait également être applicable à une émission de radio comme C’Cauet où les programmes sont diffusés en direct.
Un autre argument avancé par C8 mais également par NRJ qui a d’ores et déjà annoncé un recours devant le Conseil d’Etat contre la sanction jugée « disproportionnée », est le caractère humoristique de la séquence. Cette sanction du CSA fait renaitre un vieux débat qui est : peut-on rire de tout ?
L’humour et ses limites
Le CSA et le Conseil d’Etat se rejoignent sur ce point : non, on ne peut pas rire de tout. Le CSA rappelle dans sa décision contre NRJ que « le caractère prétendument humoristique de la séquence ne [peut] exonérer l’éditeur de sa responsabilité, pas plus que le consentement de la victime à la diffusion de cette séquence ». La Haute Juridiction administrative considère elle aussi que le caractère humoristique ne peut pas justifier une séquence banalisant manifestement un comportement déplacé.
Une difficulté se pose quant à la nature même d’un canular téléphonique puisque par définition, c’est toute « action, propos qui a pour but d’abuser de la crédulité de quelqu’un […], fausse nouvelle, farce ». Le danger c’est que, dans cette plaisanterie, une personne se fait piéger, ce qui, combiné à un système de direct, peut conduire à des dérives et, le plus souvent à des insultes. Pour le CSA, il ne faut pas simplement prendre en compte l’accord des personnes dont on s’est joué pour pouvoir diffuser la séquence mais prendre en considération l’impact sur l’audience en général.
Il faut également savoir que cette émission de radio est suivie par un jeune public et que le CSA est particulièrement attentif aux programmes destinés à un public jeune et non averti. Elle est, de plus, diffusée de 19h à 22h toute en semaine et est en 2012, la première émission de radio de France pour cette tranche horaire, ce qui fait d’elle une émission diffusée à une heure de grande écoute où la vigilance quant aux contenus diffusés doit être importante. Le problème de ces émissions, quelque soit le moyen de diffusion, c’est qu’elles banalisent un vocabulaire ou des comportements choquants, violents et qui doivent être combattus non seulement par les autorités de contrôle mais également par les parents ou encore l’école dans un objectif éducatif. Il faut également reconnaitre que les animateurs de télévision et de radio ont une influence considérables sur les agissements des plus jeunes puisque ces derniers les idolâtrent et cherchent à leur ressembler. Ils ont, dès lors, des responsabilités vis-à-vis de ce public et donc l’obligation de mettre un terme à des situations qui dégénèrent même si ça doit mettre fin un peu trop tôt à la plaisanterie.
Sources :
- CSA, Ass. Plénière, 22 novembre 2017, “Canular téléphonique dans l’émission “C’Cauet” du 9 décembre 2016″ : amende d’1 million d’euros à l’encontre de la SAS NRJ”, publié le 20 décembre 2017
- HENNI J., “Touche pas à mon poste : la sanction du CSA confirmée”, www.bfmbusiness.bfmtv.com, publié le 04 décembre 2017, http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/touche-pas-a-mon-poste-la-sanction-du-csa-confirmee-1319019.html
- INCONNU, “Cauet, « ONPC » : contre les violences faites aux femmes, le CSA ne rigole pas”, www.lepoint.fr, publié le 2à décembre 2017, mis à jour le 21 décembre 2017, http://www.lepoint.fr/medias/violences-faites-aux-femmes-nrj-et-france-televisions-epingles-par-le-csa-20-12-2017-2181606_260.php