Le débat autour des potentiels dangers de la cigarette électronique semble sans fin. En effet, si certains soutiennent que cet appareil est une alternative imparable à la cigarette en ce qu’il serait moins nocif, d’autres estiment en revanche que ses effets sur la santé sont inquiétants.
Face à de nombreuses polémiques sur les risques pour la santé des utilisateurs, le géant américain Apple, qui avait déjà décidé de ne plus recevoir de nouvelles applications relatives au vapotage, a pris une nouvelle décision ce vendredi 15 novembre 2019 : 181 applications relatives à la cigarette électronique sont supprimées de l’App store, le magasin d’applications distribué par Apple pour ses appareils.
Pourquoi ? Les points inévitables pris en compte par Apple
Si aujourd’hui aucune étude ne prouve avec certitude les dangers de la cigarette électronique sur la santé, le vapotage est tout de même suspecté de présenter de nombreux risques. Plusieurs autorités de santé ont en effet partagé leurs doutes quant aux aléas du dispositif.
Plusieurs enquêtes ont d’ailleurs été publiées aux États-Unis établissant un lien entre l’usage de la cigarette électronique et des risques cardiaques : une nouvelle étude sera notamment prochainement présentée à l’International Stroke Conference par des chercheurs qui ont analysé 400.000 citoyens américains dont 66.800 d’entre eux étaient des utilisateurs de cigarette électronique. Après analyses, les utilisateurs de ces e-cigarettes présenteraient près de 70% de risques d’accident vasculaire cérébral et de crise cardiaque comparés aux autres citoyens, consommateurs de cigarettes classiques.
D’autre part, même si on ignore encore quelles molécules seraient en cause, il semblerait que de nombreuses maladies des poumons se développent par le biais du vapotage. À ce sujet, une étude à paraître dans Environmental Health Perspectives dénonce les contenants de ces e-cigarettes : après analyse de 75 modèles de cigarettes électroniques, certaines contiendraient des toxines bactériennes et fongiques souvent à l’origine de problèmes respiratoires chez l’homme tels que l’asthme et la réduction des fonctions pulmonaires. Le Centers for Desease Control and Prevention a d’ailleurs publié un rapport sur le nombre de décès aux États-Unis : plus de 2000 personnes auraient été hospitalisées pour lésions pulmonaires liées à un épaississant chimique présent dans les liquides de cigarette électronique. Au 13 novembre 2019, 42 de ces personnes étaient décédées.
Le problème qui fausse néanmoins les études est tel que nombreux sont les consommateurs de cigarettes électroniques qui sont également consommateurs de cigarettes classiques. Comment identifier les troubles respectifs de ces consommations ? Quoiqu’il en soit, ces résultats devraient être pris au sérieux : même si la cigarette électronique n’est pas la principale cause menant à ces effets, le facteur « zéro-risque » de ce produit est loin d’être assuré.
Face aux inquiétudes et aux incertitudes sur le sujet, certains pays ont préféré prendre des décisions préventives et radicales concernant la cigarette électronique : l’Inde a interdit la vente et la consommation à ses 1,3 milliard d’habitants tout comme la Chine qui a également suspendu la vente en ligne de ces appareils.
Google quant à lui dénonce le problème majeur de ce sujet : les risques touchent particulièrement les jeunes. Plus qu’une alternative à la cigarette classique, le vapotage est devenu un réel phénomène de mode chez les jeunes : certains ne fumaient pas avant l’apparition de ce gadget « tendance ». L’inconscience est telle qu’à Singapour, l’agence gouvernementale chargée de la santé a réalisé une étude en 2018 qui montrait que 70% des mineurs ne savaient même pas que les recharges de ces appareils contenaient de la nicotine et autres produits chimiques.
Ainsi Apple s’est prononcée en disant qu’en raison « de la crise de santé publique et l’épidémie chez les jeunes » elle a décidé de mettre à jour leurs conditions d’utilisation de sorte que les applications qui encouragent ou banalisent le recours à la cigarette électronique n’apparaissent plus sur leurs appareils. Apple décide par ce geste de prendre parti à la course à la prévention contre la cigarette électronique : « Nous sommes d’accord et nous avons revu notre règlement de l’App Store pour indiquer que les applications qui encouragent ou facilitent l’usage de ces produits ne sont plus autorisées ».
Conscient de son influence, Apple décide d’agir
Les 181 applications concernées comprenaient en particulier des jeux, des applications permettant de contrôler sa consommation personnelle, des sites d’actualités ou encore des vitrines de modèles de cigarette. Même si les applications de vente de e-cigarettes et de recharges étaient déjà interdites sur l’App Store, les applications restantes encourageaient et facilitaient chacune à leur façon l’utilisation du dispositif.
Si en apparence le fait de supprimer ces applications ne semble pas changer fondamentalement les choses pour l’avenir de la cigarette électronique, Apple cherche à taper du poing sur la table avec cette décision radicale et souhaite montrer à tous ses utilisateurs son point de vue sur la question. Conscient de son influence, notamment chez les jeunes, Apple a voulu protéger ses utilisateurs de cet objet potentiellement dangereux :
« Nous veillons à ce que l’App Store soit un lieu de confiance où les clients, en particulier les jeunes, puissent télécharger des applications. Nous évaluons en permanence les applications et consultons les dernières données factuelles afin de déterminer les risques pour la santé et le bien-être des utilisateurs ».
Si à ses débuts la cigarette électronique est apparue comme un gadget tout à fait innocent, elle est devenue un réel objet de mode sociale et les applications de smartphones en ont fait un objet connecté incontournable. En effet, sans le vouloir, ces applications concernant la cigarette électronique pouvaient attirer et rendre très commune l’utilisation de ces e-cigarettes en proposant par exemple de changer la couleur ou la température de son appareil via son smartphone alors que c’est probablement un dispositif nocif pour l’homme. Apple a certainement voulu limiter ces comportements et n’a pas voulu se rendre responsable d’un tel phénomène de banalisation.
Que va-t-il se passer par la suite ?
Le geste d’Apple est salué par de nombreuses associations américaines, perçu comme un choix raisonnable puisque le retrait de ces applications va réduire le marketing autour de la cigarette électronique et ainsi décourager l’utilisation de ces produits. La multinationale américaine s’est rendu compte de sa responsabilité sur la question et donne l’exemple à suivre pour dé-singulariser la cigarette électronique.
Si pour le moment les risques liés à la cigarette électronique sont encore méconnus à cause du manque d’études sur le long terme, de nombreuses enquêtes dénoncent les maladies graves qui pourraient être causées par les contenants de ces appareils. Ces cas ne sont pas anodins et ne peuvent laisser indifférent les politiques sur le sujet.
Il y a encore quelques semaines, Donald TRUMP voulait encore interdire à la vente les recharges aromatisées de cigarette électronique expliquant que ces goûts attiraient et rendaient le produit plaisant. Mais il semblerait que le président des États-Unis soit pour l’instant revenu sur sa décision, par crainte de perdre trop de votes à cause d’une telle répression. Néanmoins, une dizaine d’États américains comme Washington, New York ou le Michigan ont d’ores et déjà annoncé la suppression des produits aromatisés de cigarettes électroniques ces dernières semaines. Quant à San Francisco, elle est devenue la première ville américaine à interdire complètement la vente de cigarettes électroniques.
Mais qu’en est-il en France ? Plus de 3 millions de personnes utilisent la cigarette électronique mais aucune interdiction de vente n’est à l’ordre du jour. Encore en phase d’observation, la France a pour l’instant encadré l’utilisation du dispositif par un décret du 25 avril 2017 : il est ainsi interdit d’utiliser la cigarette électronique dans les établissements scolaires, dans les transports en commun ou encore au travail. La France applique également un principe de transparence sur la composition des liquides, sous contrôle de la DGCCRG (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes). De plus, tout comme la cigarette classique, la publicité pour les cigarettes électroniques est interdite en France depuis une ordonnance du 19 mai 2016.
Plus attractive que la cigarette classique, la e-cigarette dérange les autorités car son image incite à la consommation. Si elle est peut-être moins nocive que la cigarette classique, les risques ne sont pas considérés comme étant nuls : dès lors l’appareil se doit d’être encadré. On devrait ainsi voir apparaitre prochainement de nouvelles règlementations pour rendre l’appareil moins tendance et moins attractif, comme semble le préconiser Apple.
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SOURCES
AUGUSTO H., « iPhone et cigarette électronique ne font pas bon ménage », Presse Citron, novembre 2019, accessible via www.presse-citron.net.
FOSSAT M., « Cigarettes électroniques : où en est la législation en France ? », L’express – Société, septembre 2019, accessible via www.lexpress.fr.
LOUVET B.,
- « Apple supprime de son Store toutes les applications de cigarettes électroniques », Science Post – Santé, novembre 2019, accessible via sciencepost.fr.
- « Un lien entre cigarettes électroniques, AVC et crises cardiaques ? », Science Post – Santé, février 2019, accessible via sciencepost.fr.
SIGNORET P.,
- « Apple supprime toutes les applications dédiées au vapotage de l’App Store », Numerama-Société, novembre 2019, accessible via numerama.com.
- « Cigarette électronique : pour être réélu, Donald Trump serait prêt à ne plus bannir les arômes sucrés », Numerama-Société, novembre 2019, accessible via numerama.com.