Le gouvernement iranien a fait part de sa volonté politique d’augmenter le prix de l’essence de plus de 50% et de diminuer les subventions liées au pétrole. Ce choix n’a pas été compris par la population iranienne, du fait que l’Iran est considéré comme la quatrième plus grande réserve de pétrole au monde. Le peuple iranien a donc décidé de montrer son mécontentement en manifestant. Pour mettre fin à cette manifestation le gouvernement Iranien a opté pour une stratégie plus que radicale, puisqu’il a coupé le pays tout entier du réseaux internet. Une coupure qui a duré une dizaine de jours et selon l’ONG Amnesty international, durant cette période, les répressions auraient causé le décès de plus de 143 personnes.
Les danger d’un réseau centralisé
Beaucoup de personnes se sont demandées comment l’État iranien a-t-il pu, si rapidement, exercer une telle influence sur le réseau internet sur son territoire. Alors que jusque-là on n’imaginait pas l’État iranien capable d’une telle prouesse. A vrai dire ce contrôle est notamment possible du fait de l’infrastructure du réseau iranien. Le réseau iranien est lié à l’internet mondial par seulement trois point d’entrée. Il s’agit de trois opérateurs IPM, ITC, et TIC tous les trois contrôlés par l’État iranien. Cette centralisation du réseau entraine sa fragilité vis-à-vis de possibles atteintes.
Ce que démontre le cas récent de l’Iran c’est que les États peuvent contrôler Internet. Or ce contrôle menace aujourd’hui les potentialités démocratiques ouvertes par internet qui est l’outil permettant à tout a chacun de transmettre le plus librement possible de l’information et d’en recevoir, depuis en principe presque n’importe où sur le globe.
Une pratique inquiétante, mais pas nouvelle
En effet l’Iran n’est malheureusement pas le seul pays qui coupe l’accès à internet à ses ressortissants. L’ONG Access Now affirme que durant l’année 2018, internet a fait l’objet de 196 interruption dans 25 pays différents. Un chiffre qui ne fait qu’augmenter au fur et à mesure que les années passent. On peut citer les cas de l’Irak, du Soudan, du Zimbabwe, du Bénin, du Pakistan ou de l’Inde qui effectue souvent des coupures dans la région du Cachemire. Ce qui explique sans doute le manque de condamnation d’une telle pratique à l’international. Alors même que le conseil des droits de l’homme de l‘ONU a reconnu, à l’unanimité, que l’accès à internet et la liberté d’expression, qui l’accompagne, sont un droit fondamental.
D’autres pays n’ont pas les infrastructures ou une architecture réseau aussi centralisée. Ainsi certains gouvernements sont depuis peu, de plus en plus, désireux de promouvoir le concept de « souveraineté numérique », ce qui présente une menace réelle et grandissante pour un internet au service du bien commun. Ils essayent donc de créer leur propre réseau internet car l’actuel est jugé généralement trop américain. C’est le cas de la Russie qui a exprimé récemment son désir de créer son propre réseau souverain, et les résultats des tests du mois de décembre sont d’ailleurs plutôt prometteurs.
Néanmoins l’exemple le plus souvent cité et le plus extrême est bien évidemment celui de la Chine, qui avec l’aide de l’entreprise américaine Cisco a mis en place à partir de 2003 un dispositif de contrôle de l’Internet. Ce dernier reste aujourd’hui le plus sophistiqué au monde.
Une telle situation peut-elle arriver en France ?
Une telle coupure ne pourrait pas arriver en France, car le réseau est fortement décentralisé.
Cependant la coupure de l’accès aux réseaux n’est pas le seul moyen de contrôle. En effet un État peut imposer le filtrage de sites par les fournisseurs d’accès Internet, les moteurs de recherche, ou le retrait des contenus par les hébergeurs afin d’en empêcher l’accès ou le rendre plus difficile. De même il peut imposer certains standards techniques (voir l’exemple du WAPI en Chine, construit pour opérer au-dessus du Wifi, incorporant un système d’authentification). Le contrôle sur le contenu accessible voire même les possibilité de surveillance du réseaux sont des indicateurs fort d’un contrôle de l’Internet. La France a notamment été mis sur le banc des pays à surveiller en matière de contrôle de l’internet, au même niveau que la Russie par l’ONG reporter sans frontière en 2012. Les évènements terroristes des années qui ont suivi ont conduit le législateur à prendre des mesures faisant l’objet de fortes critiques ( les dispositifs de boite noire dont l’efficacité réelle reste à démontrer).
Vers un contrôle de l’internet en France ?
De manière générale, les internautes considèrent comme acquis leur possibilité de récupérer instantanément de l’information et à communiquer au moyen d’un réseau mondial ouvert. Cependant, la structure d’Internet est en constante évolution et régulièrement contestée. Ce n’est pas parce qu’Internet a toujours été exploité conformément aux volontés de ses créateurs, en faisant valoir l’interopérabilité et la liberté d’expression, qu’il en sera toujours ainsi.
On remarque notamment aujourd’hui qu’il existe un affrontement entre les partisans d’un réseau souverain, avec une logique étatique, territoriale, et ceux qui résistent à ce processus en arguant des grands principes du libéralisme. Mais si certains essayent de démontrer la légitimité des États à réguler le cyberespace. l’exemple de la Chine fournit à leur contradicteur une occasion de souligner les risques associés au contrôle étatique de cet espace de communication. Pour autant, les législateurs des pays occidentaux semblent néanmoins vouloir assujettir internet à ce genre de contrôle territorial.
Historiquement en France tout moyen de communication au public a fait l’objet d’un contrôle de l’État. Que ce soit la radio, la télévision, le téléphone, il n’est donc pas étrange que le législateur français montre sa volonté d’astreindre le réseau à certaines limites. Quand bien même l’objet principal internet est de permettre une liberté de communication forte. On ne peut qu’être d’autant plus effrayé lorsqu’un ancien premier ministre français, en la personne de Jean Pierre Raffarin, fait le tour des plateaux télévisés pour vanter le modèle chinois en matière de contrôle de l’internet.
Conclusion :
Tout régime, aussi mauvais soit-il, prendra toujours une bonne raison pour justifier la mise en place de contrôle, lutter contre les fausses information dans le cadre de l’Iran, protéger l’ordre public ( en luttant contre des contenus terroristes), ou lutter contre des cyberattaques pour la Russie. Ce qui est dangereux aussi bien dans un régime totalitaire, que dans une démocratie, c’est l’absence de garde-fou. Puisque toute personne disposant d’un pouvoir est portée à en abuser.
La volonté de restreindre internet qu’éprouve certain gouvernant traduit une véritable rupture politique causé par l’usage massif d’internet par les populations. Or cette rupture causée par internet, ultime instrument d’information, ne doit-elle pas être l’occasion de définir un nouvel équilibre des pouvoirs entre la société civile et les institutions étatiques ?
Source :
« Jean pierre Raffarin justifie la surveillance d’internet en chine », Next impact, 22 novembre 2019
« La Russie teste son internet “souverain” » Le Point, 23 décembre 2019