Youtube, TIK TOK ou encore Instagram, ces plateformes de partage de contenu à l’ère du numérique sont désormais sources de nombreuses problématiques nouvelles qui intéressent le droit dans son ensemble. Une des plus actuelles problématiques porte notamment sur le droit du travail, intéressant le statut des jeunes influenceurs de moins de 16 ans. Une proposition de loi LRM, déposée à l’Assemblée nationale le 17 décembre 2019, puis adoptée en première lecture avec modification par l’Assemblée nationale le 12 février 2020 et par le Sénat le 25 juin 2020, s’est vue très récemment votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 6 octobre dernier à l’unanimité (69 voix) .
Cette loi est dédiée aux vidéos en ligne mettant en œuvre des mineurs dès que celles-ci dépassent un temps et un volume de contenus, mais surtout lorsque la mise en ligne génère des revenus. Il était question pour l’Assemblée nationale de constater l’émergence des nouveaux enfants stars du web. L’activité génère d’important revenu pouvant aller jusqu’à 150 000 euros par mois pour les plus célèbres. Cela a également permis d’apprécier la nécessité d’encadrer l’exploitation de l’image commerciale de ces enfants faite, le plus communément, sous la direction de leurs parents. Le texte viserait par conséquent la mise en place d’un statut régulant une « nouvelle forme d’entrepreneuriat et d’expression artistique » (B. Studer).
Le statut de ces jeunes célébrités est donc à établir ou à affilier à un statut préexistant afin de pouvoir établir les droits et obligations à octroyer à ces enfants, ainsi qu’aux exploitants commerciaux de leurs images. Par ailleurs il servira à encadrer leurs activités d’influenceur sur Internet et notamment la perception de leurs revenus. Il sera retenu, suite à ces questionnements, la décision d’élargir les textes mis en place pour les enfants du spectacle aux activités financièrement fructueuses des enfants influenceurs/youtubeur.
Ce texte va donc avoir deux blocs de travail. Celui concernant l’encadrement de ce qui sera considéré comme le travail de ces enfants, ainsi qu’un second bloc traitant de la mise en lumière des droits qui en découle dans un souci de protection de ces jeunes stars.
• L’encadrement des conditions de travail et la perception des revenues de ces jeunes influenceurs.
Dans le but de les protéger, il sera nécessairement central dans ce texte d’apporter une réponse à la gestion de la rémunération de ces jeunes influenceurs, ainsi qu’à l’exploitation commerciale de leur image. L’idée sera dans cette loi d’étendre ce qui était déjà applicable aux enfants-acteurs, chanteur ou bien mannequins.
De ce fait, les revenus perçus par ces enfants star du web nécessiteront un dépôt sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations. Ceux-ci seront perceptibles par l’enfant dès qu’il aura atteint l’âge de dix-huit ans. Par conséquent, les tuteurs légaux des enfants ne seront autorisés à user que de seulement 10 % des sommes perçues dans le cadre de cette activité. Par ailleurs, ils devront également se munir d’une autorisation préfectorale leur permettant de poursuivre l’activité exploitant l’image de ces jeunes influenceurs.
Ce régime d’autorisation a été étendu à toutes les activités en ligne par le Sénat et il s’appliquera de la même manière aux parents considérés comme les employeurs de ces jeunes. De plus, le texte vient préciser la nécessité d’une compatibilité des conditions d’emploi de l’enfant avec sa scolarisation et la sauvegarde de sa santé. En cas de violation de cette disposition, une peine de 5 ans de prison et de 75 000 euros d’amende pourra être appliquée.
• La zone grise des Vlogs.
Comme dit précédemment, la loi vise à encadrer les vidéos en ligne mettant en scène des mineurs de moins de 16 ans dès que celles-ci dépassent un temps et un volume de contenus, mais surtout lorsque la mise en ligne génère des revenus. S’est alors posé la question des Vlogs ; ces vidéos-blogs dans lesquelles les youtubeurs nous embarquent avec eux dans leurs quotidiens et qui conduisent à se demander s’il demeure une relation de travail lorsqu’elles font apparaître des enfants à l’écran.
La loi est donc venue apporter des précisions en expliquant que, seront pris en compte le temps passé par l’enfant sur le projet, mais également les revenus perçus par la famille. De ce fait, les vlogs entreraient dans le domaine de la loi si la présence de ces critères s’avère confirmée. Les enfants apparaissant dans les vlogs pourront donc aussi être assimilés, à l’exception des enfants mannequins, chanteurs et du spectacle.
• La responsabilisation des plateformes: Le droit à l’oubli.
Le texte prévoit, au sein de son article 5, un droit à l’oubli. Ce dernier incite les plateformes de partage en ligne à retirer les vidéos à la demande de ces enfants et sans le consentement de leurs parents. Le texte vient sur ce point responsabiliser les plateformes dans la recherche et l’élimination des contenus audiovisuels indésirables et il vient créer « une obligation de coopération avec les autorités publiques » qui, si elle n’est pas respectée, engendrera pour ces plateformes une peine à hauteur de 75 000 euros d’amende.
Ce droit à l’oubli n’est en réalité pas une nouveauté, mais est issu de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978. Des chartes devront également être élaborées avec pour ambition de lutter contre l’exploitation commerciale illégale de l’image des jeunes enfants par les plateformes. Celles-ci seront encadrées par le Conseil de l’audiovisuel qui pourra fournir des avis, des recommandations ainsi que des bilans. Toutefois, la rédaction de ces chartes reste facultative. En effet, la loi demeure seulement incitative à ce sujet.
Il sera dès lors intéressant de noter que cette loi en devenir est « une première initiative mondiale » (B. Studer). En effet, ce texte fait de la France un pionnier en la matière et marque un bon début pour la suite de cette initiative qui, avant même son adoption, commence déjà à produire des effets. En est l’illustration d’Hasbro, société américaine spécialisée dans les jouets et jeux de société, signataire d’une charte éthique portant sur l’emploi d’enfants influenceurs pour ses campagnes de promotion en janvier dernier.
Sources:
« L’Assemblée nationale vote une loi pour encadrer le travail des enfants youtubeurs et influenceurs » Le Monde – https://www.lemonde.fr
« Le Sénat adopte la loi pour encadrer le travail des enfants influenceurs » Le Monde- https://www.lemonde.fr
« 6 points du projet de loi adopté en première lecture » – https://start.lesechos.fr/
« La loi française encadre désormais le travail des enfants influenceurs » – P.Barron- https://www.ladn.eu/
« Enfants influenceurs : le Sénat adopte une loi qui va encadrer leur travail sur le web » – A. Boero – https://www.clubic.com/
« La loi encadrant le travail des enfants influenceurs définitivement adoptée » – M.Rochefort – https://siecledigital.fr