En cette période de crise sanitaire, les exploitants de salles de cinéma vivent une période difficile. Les fermetures successives durant l’année 2020 ont eu un effet dévastateur sur la filière. Néanmoins, la baisse de fréquentation des salles n’équivaut pas à un déclin de la consommation de films. Ce sont donc les plateformes de vidéo à la demande par abonnement qui ont vu leur marché croître de 45,5% début 2020.
De ce fait, certains studios ont décidé de ne pas repousser la sortie de leur film et de le rendre accessible directement sur une plateforme sans passer par la case salles de cinéma.
La question se pose alors de savoir s’il s’agit d’un phénomène conjoncturel lié à la crise sanitaire ou d’une tendance de consommation du cinéma.
« Le Covid a accéléré la vitesse à laquelle nous avons fait cette transition mais elle aurait eu lieu de toute façon » [1]
En septembre 2020, la sortie du film Mulan directement sur la plateforme Disney+ dans le contexte de Covid-19 a fait polémique et soulevé des inquiétudes quant à l’avenir des salles de cinéma.
Selon le PDG de Disney, Bob Chapek, la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer une transition déjà imminente. Il s’est exprimé à ce sujet dans une interview pour la chaîne américaine CBNC en précisant que cette stratégie s’inscrit dans le « direct-to-consumer », autrement dit la distribution directe au consommateur. Mais alors Disney continuera-t-il d’exploiter ses films au cinéma à l’avenir ? À cela, Bob Chapek répond que les décisions seront prises en considération de la volonté des consommateurs. Autrement dit, le comportement des spectateurs est déterminant pour l’avenir des salles de cinéma.
Cependant, la sortie des films Disney sur la plateforme n’implique pas forcément la fin de l’exploitation de ces films en salles, les deux pouvant potentiellement se faire simultanément. Néanmoins, cela provoquerait inévitablement une baisse de la fréquentation des cinémas.
En France, quatre films sont eux aussi sortis directement sur des plateformes SVOD, notamment Bronx sur Netflix et Brutus vs César sur Prime video. Bien qu’il puisse paraitre tentant pour les producteurs de suivre cet exemple, cela s’avère compliqué notamment en terme de financement des oeuvres. Un film qui ne sort pas en salles ne bénéficiera pas de la plupart des aides à la création.
Les salles de cinéma désertées
Malgré la réouverture des salles de cinéma le 22 juin 2020, les spectateurs n’ont pas été au rendez-vous et les salles de cinéma ont connu une baisse de fréquentation de 66,5% sur les mois de juillet et août par rapport à l’année 2019. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette baisse, à commencer par les contraintes attachées au protocole sanitaire et la peur du virus. Néanmoins, une des raisons majeures tient à l’absence de blockbusters américains. En effet, hormis Tenet qui a provoqué une hausse de la fréquentation, la plupart des grosses productions américaines ont été décalées à de multiples reprises, participant un peu plus à la désertion des salles de cinéma.
Face à la catastrophe, l’État a adopté un plan de relance afin de venir en aide à tout le secteur. À ce titre, une « mesure exceptionnelle de compensation par l’État » a été mise en place pour les exploitants de salles. Cliquez ici pour en savoir plus
À l’orée du second confinement français et de la nouvelle fermeture des salles, la question de l’avenir des modes de consommation du cinéma est toujours d’actualité. Seul un véritable retour à la normale de la société permettra d’apporter des réponses claires.
[1] “I would say that covid accelerated the rate at which we made this transition but this transition was going to happen anyway“
SOURCES :
- Interview de Frank Valentin, 16 octobre 2020, « L’industrie du cinéma depuis le déconfinement : flash back et perspectives », Dalloz actualité
- Bob Chapek interview for CNBC, 12 octobre 2020, « Disney CEO says it aims to accelerate its transition to a direct-to-consumer priority company »
- « Baromètre de la vidéo à la demande (VàD/VàDA) – mars 2020 », CNC, mars 2020
- « Plan de relance des filières du cinéma et de l’audiovisuel », CNC, novembre 2020
- Nicolas Madeleine, « Cinéma : la crise accélère le passage du grand au petit écran », Les échos, juillet 2020
- Julien Baldacchino, « Disney va-t-il abandonner les salles de cinéma pour le streaming? », France Inter, octobre 2020