Le dimanche 24 avril 2022 est un jour important pour la démocratie. C’est ce jour-ci que l’on connaitra le nouveau président de la république française.
A l’ère du tout-numérique, quand le quidam deviens un homo-numéricus, quand les nouvelles agoras sociales se dénomment Facebook, Twitter, Instagram ou bien Tik-Tok, il est impératif d’aborder la question du partage de l’information ou de la désinformation.
Dans ce jeu d’influence, où quiconque peut utiliser ces biais de communication pour altérer l’opinion publique, il demeure nécessaire d’avoir une sentinelle de protection contre la désinformation.
Ce jour est important pour la France, et dans un spectre plus large, ce jour est important mondialement. Si on dissipe un quelconque chauvinisme, il paraît inévitable de caractériser la portée d’un changement de gouvernement au prisme de la politique internationale.
C’est au prisme de l’omniscience de cette possibilité que Viginum est née.
I. Viginum : Parangon d’une volonté Étatique contre les ingérences numérique étrangères.
Dans une volonté initiale d’aborder le décret n°2021-1587 du 7 décembre 2021 et les nouvelles facultés que celui-ci octroie, il est nécessaire de répondre à une interrogation liminaire : Quel est le dessein de Viginum ?
Viginum : Le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères a été créé par le décret n°2021-922 du 13 juillet 2021, celui-ci étant rattaché au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), composé notamment d’analystes des réseaux sociaux, géopolitiques ou experts en sciences sociales.
L’activité de Viginum s’inscrit dans un contexte global de lutte contre la manipulation de l’information, viendra souligner la CNIL dans sa délibération n°2021-116 du 7 octobre 2021 portant avis sur un projet de décret portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel visant à détecter et caractériser les opérations d’ingérence numérique étrangères aux fins de manipulation de l’information sur les plateformes en ligne.
La question de l’opinion publique est le point névralgique d’une campagne électorale.
Au-delà des affinités de chacun envers une personne ou un bord politique, la manipulation de l’information est un facteur déterminant.
Si une première loi Fake news semble être une tentative de résolution à la question d’un point de vue national, qu’en est-il alors de la question d’une possible intervention numérico-politique étrangère ?
C’est Viginum qui tente de répondre à ce défi majeur inhérent au débat public de toute société.
Cette structure vient établir un travail de veille, de détection et d’analyse de la menace d’ingérences numériques étrangères afin de protéger la nation envers toute tentative potentiellement nuisible.
L’Etat français semble faire acte de résilience au travers de la création de Viginum notamment au regard des Macronleaks de 2017.
Ce travail que l’on pourrait qualifier d’observation où de surveillance va être renforcé par un pouvoir de collecte.
Viginum a obtenu un appui supplémentaire à la suite du décret n°2021-1587 du 7 décembre 2021.
II. Le décret n° 2021-1587 du 7 décembre 2021 ou la mise en place d’un égide de surveillance sur les réseaux sociaux ?
La survenance de ce décret intervient à la suite de l’avis de la CNIL en date du 7 octobre 2021.
Ce décret vient encadrer cette collecte en lui apposant des règles et des principes précis.
Celui-ci est entré en vigueur le lendemain de sa publication en date du 9 décembre 2021.
L’objet de ce décret est :
la création d’un traitement de données à caractère personnel dans le cadre de la mission de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères confiée au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.
L’article 1 du décret vient apposer la principale mission du traitement du service de vigilance.
Celle-ci aura pour but la détection et la caractérisation des opérations malveillantes de nature étrangère portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Le premier alinéa de l’article 1 vient alors souligner l’utilisation de cet outil notamment “ lorsque ces opérations sont de nature à altérer l’information des citoyens pendant les périodes électorales mentionnées à l’article 33-1-1 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée.”
L’actualité des élections présidentielles en France marque ainsi un événement déterminant pour Viginum, cette collecte cependant sera soumise à un encadrement strict et nécessaire.
La mise en place de ce traitement se réalise au travers d’une perception et exploitation des contenus accessible publiquement. Le cadre relatif au traitement des données concerne alors les plateformes en ligne.
Ce traitement sera effectif uniquement si ces plateformes requièrent une inscription à un compte et une activité sur le territoire français qui dépasse les cinq millions de visiteurs unique.
De plus, cette collecte de données ne peut être déclenchée que suite à la détection d’un comportement nuisible par un agent du service Vinidum. Par ailleurs, l’article 2 du décret vient souligner la sélection des contenus que réalise l’opération : celle-ci doit être « proportionnée et automatisée » suivant certains critères techniques déterminés au préalable dans les travaux de veille.
A priori, dans une volonté de respect des droits et libertés fondamentales, tout recours à un système de reconnaissance faciale ou d’identification vocale est prohibé.
De surcroît le titre II du décret vient souligner le rôle du comité éthique et scientifique venant examiner l’activité de Viginum, face à une éventuelle collecte des données, ce comité se verra informé et devra rendre un rapport annuel sur la synthèse des collectes réalisées. Ce rapport se doit d’être public.
Enfin, les données recueillies sont gardées initialement pour une durée de 7 jours, toutefois cette période peut être renouvelée jusqu’à un délai de 6 mois.
La place des agents affectés au sein du service relatif à Viginum se caractérise ainsi comme de véritable geôliers des informations collectées, ces derniers étant les seuls à pouvoir accéder ou modifier les paramètres algorithmiques relatifs aux modes de collecte.
C’est face a ce prisme qu’il est intéressant de s’interroger et d’avoir une réflexion liée à ce décret.
III. Réflexions et méfiances
L’idée de la désinformation ayant pour but de tromper l’opinion publique naît dès le IVème siècle avant J-C au travers de L’Art de la guerre de Sun Tzu, se développe ensuite au fil des siècles avec l’exemple du livre de Nicolas Machiavel : Le prince paru en 1532, on peut citer, Léo Taxil avec la manipulation de l’opinion au travers de l’anti-maçonnisme et du catholicisme au 19ème siècle, jusqu’à l’apogée de l’ idée de la désinformation/complot au XXème siècle dans le climat de la guerre froide : La nature humaine semble inexorablement fascinée par le complot.
Aujourd’hui, à l’ère du tout numérique, la moindre idée peut être développée et parfaite par n’importe quel quidam, au biais des réseaux sociaux.
En suivant cette affirmation, il semblerait que le glas de l’information authentique résonne.
Au-delà des mythes, il est certain que ce décret vient créer des interrogations et des possibles méfiances au travers d’une population d’autant plus divisée suite à la pandémie relative à la COVID-19.
Cette réflexion, amène à s’interroger sur la pluralité d’avis au travers de la mise en application d’un décret comme celui-ci.
Comment est perçu un décret venant apposer une collecte de données, se voulant protecteur de l’intérêt de la nation ?
J’ai tenu à réaliser une enquête au travers d’un questionnaire anonyme présenté sous la forme d’une série de 5 questions à propos du Décret n° 2021-1587 du 7 décembre 2021 faisant suite a une description de celui-ci claire et abordable pour tous.
Les questions se présentent sous la forme d’une échelle linéaire où à choix unique.
Les réponses montrent une grande variation entre chaque individu face à sa position a l’égard de ce nouveau décret : une interprétation plus détaillée est proposée au travers de ce lien.
Ainsi, Il est nécessaire au prisme de la pluralité d’avis divergents concernant un décision de l’exécutif de se rendre compte de l’importance de l’éducation numérique et juridique.
La clé de la lutte contre la désinformation réside ainsi dans l’éveil à la curiosité et l’information, une quête semblant utopiste qui nécessitera une approche pointue afin de parvenir à un juste équilibre, une ligne de crête, entre totalitarisme de pensée et totale liberté source de théories fantasmagoriques.
Sources :
- Extrait du livre blanc « L’accès à l’information et aux Réseaux Sociaux rend-il plus innovant.e” ? – Texte de Louisa Renou : Les réseaux sociaux : la nouvelle agora mondiale.
- “Ingérence : Comment la Russie a biaisé la campagne de 2016 au profit de Trump”, L’OBS, Thierry Noisette, 8 avril 2020.
- SGDSN – Le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum)
- SGDSN – Protéger le débat démocratique contre les ingérences numériques étrangères.
- Comment l’Etat veut contrer les ingérences numériques étrangères – France Inter Podcast audio – Jacques Monin, cellule d’investigation de Radio France, Philippe Reltien – 1er Janvier 2022.
- La CNIL explique comment Viginum triera les données extraites des réseaux sociaux – NextImpact – Jean-Marc Manach – 16 décembre 2021.
- Décret n°2021-922 du 13 juillet 2021 – Légifrance.
- Délibération n° 2021-116 du 7 octobre 2021 – Légifrance.
- “Sondages d’opinion et communication politique” par Lionel Marquis rattaché à l’institut de sciences politique de Berne, Les cahiers du Cevipof.
- Loi n°2018-1202 du 22 décembre 2018 – Légifrance.
- Macron Campaign Emails – Wikileaks.
- Décret n°2021-1587 du 7 décembre 2021 – Légifrance.
- Article 1 – Décret n°2021-1587 du 7 décembre 2021 – Légifrance.
- Article 33-1-1 -Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 – Légifrance.
- Article 2 – Décret n°2021-1587 du 7 décembre 2021 – Légifrance.
- Les fausses nouvelles, un millénaire de bruit et de rumeur dans l’espace public français – Livre de Philippe Bourdin et Stéphane Le Bras.
- Les fausses nouvelles : une histoire vieille de 2500 ans – Theconversation, 24 septembre 2018,
- De la duperie – Sun Tzu France – 24 Juillet 2014.
- Léo Taxil et la fabrique des fausses nouvelles – France Inter, Jean Lebrun, 16 Avril 2020.
- La propagation des fausses informations sur les réseaux sociaux : étude de la plateforme Twitter – CSA, 25 novembre 2021.
- People in Advanced Economies Say Their Society Is More Divided Than Before Pandemic – PewResearchCenter, 23 Juin 2021.
- Questions sur le Décret n° 2021-1587 du 7 décembre 2021. – Théo Avila-Ponce.
- Interprétation questions sur le Décret n°2021-1587 du 7 décembre 2021. – Théo Avila-Ponce.