« Il n’y a pas de raison de tolérer en ligne ce que nous n’acceptons pas dans les commerces
physiques. » – Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance
Le site de e-commerce Wish a été récemment déréférencé de Google et des principaux moteurs de recherche en France. Cette mesure intervient à la suite d’une sanction prise par le ministère de l’Économie et des Finances. En effet, la plateforme, basée aux USA, a toujours eu une réputation controversée, puisque le site est tout aussi célèbre pour ses prix particulièrement bas que pour la mauvaise qualité de ses produits.
Les pratiques de l’entreprise ont notamment été dénoncées en 2018 par l’association 60 millions de consommateurs car elle estimait que la plateforme était « aux limites de la légalité », mettant en cause notamment des réductions de prix douteuses et un manque de clarté des offres (mauvaises images d’illustration, par exemple). Une enquête a donc été ouverte par la DGCCRF en 2020 avec pour objectif de tirer au clair les suspicions : d’arnaque, de fraude, de fausses promotions et de contrefaçon. Aujourd’hui, le ministère de l’Économie et des Finances a pris sa décision et décide donc d’appliquer des sanctions contre le site de e-commerce.
Les conclusions d’une enquête accablante menée par la DGCCRF
Après avoir étudié plus de 140 produits vendus sur Wish, les conclusions de la DGCCRF sont que : « la plupart étaient non conformes, voire dangereux ». À titre d’exemple, pour le cas des appareils électroniques, 95% ont été jugés non conformes, c’est-à-dire ne correspondant pas à la description donnée par le vendeur ou présentant un défaut rendant leur utilisation impossible.
Un très grand nombre de produits ont même été qualifiés de dangereux : 90 % des appareils électroniques (susceptibles de provoquer des chocs électriques, voire de prendre feu), 62% des bijoux (comportant une quantité trop importante de produits chimiques dangereux pour la santé) et 45% des jouets (qui représentent un danger d’étouffement, auquel s’ajoute parfois un risque chimique en raison de la présence de produits cancérigènes).
La plateforme est également accusée d’afficher de fausses promotions. Les produits, souvent en provenance de Chine, sont régulièrement présentés avec des réductions allant de 50% à 70% (voire plus), donnant à l’acheteur l’impression qu’il fait une bonne affaire. Mais en réalité, les produits vaudraient encore moins que les prix auxquels ils sont présentés.
L’enquête rapporte également la présence sur le site d’articles de contrefaçon, arborant des logos ressemblant à ceux de marques célèbres, dans le but de tromper le consommateur.
Une situation due à la quasi-absence de sanctions pesant sur les marchands
Selon Bercy, de nombreuses demandes ont été envoyées à Wish pour demander le retrait définitif de nombreux produits de la vente, mais ils seraient restés sans réponse. Dans la pratique, il a été constaté que les produits avaient bien été retirés, mais réapparaissaient ensuite étant même parfois proposés par le même vendeur.
À ce sujet, la DGCCRF explique que des opérateurs hors du marché européen voient en la plateforme Wish un moyen efficace pour couvrir un marché plus vaste, notamment en touchant le consommateur européen. Cependant, ces vendeurs n’auraient pas la capacité ou la volonté de se conformer aux règlementations en vigueur dans les pays dans lesquels ils vendent leurs produits.
Les marchands étant des entités juridiques indépendantes de la place de marché sur lesquelles ils publient leurs produits, ces derniers bénéficient d’un environnement facile d’accès et d’utilisation tout en profitant profitent de la notoriété de la plateforme. En plus de quoi, en cas de litige, les risques pour les vendeurs sont limités. C’est donc ce manque de sanction efficace qui contribue à la négligence constatée dans le respect des normes.
La sanction de déréférencement pour forcer Wish à se mettre en conformité
Cette situation est assez particulière et c’est la première fois qu’un site est déréférencé de la sorte en Europe. Il est donc important de comprendre le mécanisme de déréférencement et ce qu’il implique en pratique.
Qui peut prendre de telles mesures ?
C’est bien la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes qui dispose de cette faculté. Romain Roussel, porte-parole de la DGCCRF, explique ainsi que la loi du 3 décembre 2020 a renforcé les moyens d’action disponibles, permettant ainsi d’appliquer une réponse graduée lorsqu’il est constaté qu’un site n’est pas en conformité.
Comment cela se traduit-il en pratique ?
Pour mettre en œuvre une telle procédure, la DGCCRF doit faire appel aux fournisseurs d’accès à Internet, les FAI, qui nous permettent d’avoir accès à Internet et qui sont donc également en mesure de restreindre l’accès à un site défini. Le déréférencement implique donc que plus aucune recherche, effectuée sur un moteur de recherche, ne va rediriger l’internaute vers le site concerné, même si la requête contient le nom du site ou les mots clés nécessaires. Malgré-tout, l’accès au site n’est pas rendu impossible pour autant, mais pour y accéder, il faudra alors taper directement l’adresse URL dans la barre de recherche URL d’un navigateur. S’ajoute à cela le retrait de l’application Wish des principaux magasins d’applications en ligne comme le Play Store Android et l’App Store Apple.
Quelles sont les conséquences d’une telle restriction ?
L’effet immédiat pour l’entreprise est donc une limitation considérable du trafic sur sa plateforme, car beaucoup d’utilisateurs ont l’habitude de passer par les moteurs de recherche pour accéder à des sites sur Internet. Cette baisse de visibilité implique inévitablement que le site marchand se positionne plus difficilement par rapport à ses concurrents, engendrant ainsi une baisse des ventes et donc du chiffre d’affaire. Une sanction particulièrement sévère selon Wish, sanctionné peu avant le Black Friday et à l’approche des fêtes de fin d’année.
Une décision contestée par Wish qui se défend en revendiquant le statut d’hébergeur
Peu de temps après que la sanction ne soit tombée, Wish a tenu à se défendre en communiquant leur désaccord envers cette décision, que la plateforme considère « illégale et disproportionnée ».
Pour étayer sa défense, l’entreprise affirme faire plus d’efforts que nécessaire et revendique le statut de plateforme de marché. Elle estime ainsi n’avoir aucune obligation légale d’effectuer des contrôles sur les produits proposés à la vente et nie donc toute responsabilité.
De son côté, la DGCCRF estime que Wish agit dans la pratique comme un distributeur, car l’entreprise « intervient en amont lors de la gestion du contrat et en aval lors de la phase de SAV », faisant obstacle à la qualification de simple hébergeur.
« La plateforme ne se contente pas de mettre des internautes et des marques en contact, mais est impliquée dans la mise à disposition et le retour des produits. » – DGCCRF, au sujet de la qualification d’hébergeur
Wish estimant malgré-tout être dans son droit, elle a entrepris un recours juridique à l’encontre de l’administration française afin d’obtenir la levée de la sanction. L’affaire se règlera donc devant les juges. Ne souhaitant pas commenter plus que nécessaire, la DGCCRF indique seulement se soucier de la sécurité des consommateurs et semble confiante quant à l’issue de cette affaire.