Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2022, 20-14.870




Faits : M. [T] a signé le 31 juillet 2015 avec la société Voxtur un contrat de location longue durée d’un véhicule, ainsi qu’un contrat d’adhésion au système informatisé développé par cette société sous le nom de « Le Cab ». La société a rompu les relations contractuelles le 7 mars 2016.

Procédure :

La décision de la société, qui est gestionnaire d’une plateforme, n’était pas au goût du chauffeur Mr T. Celui-ci a saisi la juridiction prud’homale, pour réclamer des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il obtient gain de cause en première instance.

La société défenderesse, ès-qualités, (représentante de la société Voxtur) attaque la décision en appel en soutenant que la relation de travail qui l’a liée avec le sieur concerné n’était pas basé sur un contrat de travail au sens du code du travail français ; par conséquent Mr T. n’était qu’un simple travailleur indépendant sur la base d’un contrat d’adhésion.

Ainsi, pour redéfinir le contrat en question, entre la société Voxtur et le chauffeur en contrat de travail, la cour d’appel se base d’abord sur du fait que ;

– le chauffeur réalisait des prestations dans le cadre d’un service organisé ;

– ensuite du fait que la plateforme de mise en relation entre une clientèle et un chauffeur VTC définissait, dans le contrat le liant au chauffeur, le type de véhicule et déterminait unilatéralement le prix des prestations de transport réalisées par son intermédiaire ;

– enfin du fait de l’utilisation d’un système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d’une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels.

Problème de droit :

L’existence d’un service organisé et la latitude de prendre des mesures unilatérales qui s’imposent aux travailleurs des plateformes suffisent-ils, à caractériser l’existence d’un contrat de travail ?

Solution :

La réponse de la Cour de cassation est négative. Elle rappelle qu’en application de l’article L 8221-6 du code du travail, les personnes physiques immatriculées dans un registre sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail avec le donneur d’ordre. Cette présomption peut être renversée en rapportant la preuve de l’existence d’un lien de subordination juridique permanente.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

Dès lors, la Cour de cassation considère que la cour d’appel, qui n’a pas constaté que la plateforme avait adressé au chauffeur des directives sur les modalités d’exécution du travail, et qui n’avait pas non plus retenu que la plateforme disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation, ne peut conclure à l’existence d’un lien de subordination juridique, et par extension, à un contrat de travail. La Haute juridiction casse et annule l’arrêt des juges du fond.

Note :

Pour le rappeler, la qualification juridique d’un contrat (contrat d’entreprise, de travail, agent commercial…) ne dépend pas du nom qui lui est donné par les parties, mais de la réalité pratique de la relation contractuelle.

Pour qu’un contrat soit qualifié de contrat de travail, il faut réunir trois éléments :

  • L’existence d’une rémunération;
  • La réalisation d’une prestation de travail ;
  • Un lien de subordination entre les parties.

Si l’un ou l’autre de ces critères est manquant, la relation contractuelle ne saurait être requalifiée en contrat de travail. Le lien de subordination est le critère le plus déterminant dans la qualification d’un contrat en contrat de travail. Ainsi, dans notre cas en espèce, le lien de subordination est le critère le plus contesté et difficile à établir dans le cadre des relations contractuelles entre chauffeur VTC et plateforme de mise en relation.

Comme nous l’avons dit plus haut, l’existence d’un contrat de travail ne dépend pas du l’intitulé du contrat, elle découle de « l’expression des faits » en cause et surtout de l’esprit du droit travail.

Une requalification du contrat basée sur des indices.

Il s’agit d’identifier si la société Voxtur n’est qu’un intermédiaire ou non, ce qui revient à vérifier si la plateforme intervient dans le travail du travailleur en donnant des ordres ou des directives. Dans ce cas, on revient au droit du travail classique. Si elle exerce un pouvoir de direction et de sanction, on peut parler de contrat de travail, donc de salarié. On peut se baser sur des indices. Il y a des indices très forts comme dans le cas où on travaille avec les matériels de l’entreprise, une chose en toute évidence dans la relation de travail entre Mr T et la plateforme.

Dans cette affaire en état, il y a plusieurs indices qui ont permis la requalification entre la société Voxtur et Mr T, en contrat de travail. A en croire au juge de la cour d’appel : le chauffeur n’avait pas le libre choix de son véhicule, il y avait interdépendance entre les contrats de location et d’adhésion à la plateforme, le GPS permettait à la société de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à une répartition optimisée et efficace des courses et d’assurer un contrôle permanent de l’activité du chauffeur. La société fixait le montant des courses qu’elle facturait au nom et pour le compte du chauffeur, elle modifiait unilatéralement le prix des courses, à la hausse ou à la baisse en fonction des horaires, la société disposait enfin, toujours selon les juges du fond, d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, à travers le système de notation par les personnes transportées. Toutefois, Mr T disposait d’un peu plus de liberté dans la gestion de son activité : il pouvait sous-traiter les courses, l’itinéraire était laissé à sa discrétion sauf exigence particulière émanant du client, il pouvait travailler pour d’autres plateformes entre deux courses. Le caractère fictif de l’indépendance n’était donc pas si évident. Ce constat pourrait avoir des conséquences sur l’identification d’un travail dissimulé. En tenant compte du caractère non cumulatif des critère dégagés par l’article 4 de la directive du 9 décembre de 2021, il nous semble que la cour d’appel ne s’est pas trompé dans qualification dudit contrat.

Cette requalification est-elle conforme à l’esprit et au contexte actuel du droit travail ?

Une requalification du contrat conforme à l’esprit du droit positif du travail à l’ère du numérique

Le projet de Directive dispose, en son article 4, qu’un travailleur de plateforme numérique sera présumé comme étant salarié de la plateforme lorsque sa situation remplira au moins[1] deux des critères suivants :

  1. La plateforme détermine le niveau de rémunération ou en fixe les plafonds ;
  2. La plateforme exige du travailleur qu’il respecte des règles impératives spécifiques en matière d’apparence, de comportement envers le destinataire du service ou d’exécution de travail ;
  3. La plateforme supervise l’exécution du travail ou vérifie la qualité des résultats, notamment par voie électronique ;
  4. La plateforme, notamment au moyen de sanctions, limite la liberté du travailleur pour organiser ses conditions de travail, en particulier sa liberté de choisir ses horaires de travail ou de repos, d’accepter ou de refuser des prestations ou de faire appel à des sous-traitants ou à des remplaçants ;
  5. La plateforme limite effectivement la possibilité pour le travailleur de se constituer une clientèle propre ou d’exécuter des prestations pour un tiers.

Les plateformes pourront renverser cette présomption mais elles devront, pour ce faire, rapporter la preuve qu’il n’existe pas de relation de travail.

La directive de 2021 de la commission européenne s’inscrit dans cette logique de protection des travailleurs des plateformes en posant une présomption de salariat à l’égard des travailleurs de plateformes numériques.

Il est très important de revenir aux bases fondamentales du droit du travail, un droit protecteur pas seulement du salarié mais du travailleur. Dès il nous parait tout à fait légitime que juge interprète une relation de travail en faveur du travail en vue de protéger les droits de celui-ci surtout avec la complexité des relations de travail avec les plateformes numériques qui cherchent tout temps à dégager leur responsabilité -parfois évidente- en cas de litiges. Il nous semble que c’est dans ce contexte que la Commission Européenne, a émis une proposition de Directive européenne instituant une présomption de salariat à l’égard des travailleurs de plateformes numériques.

Quoiqu’il en soit, cette décision de la cour d’appel parait conforme au contexte du moment.

Fiche d’arrêt :


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

La société [Y] Yang-Ting, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [Y], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Voxtur, a formé le pourvoi n° B 20-14.870 contre l’arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l’opposant à M. [H] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [Y] Yang-Ting, de la SCP Spinosi, avocat de M. [T], et l’avis de Mme Wurst, avocat général celle-ci ayant présenté des observations orales lors de l’audience publique du 8 février 2022, après débats en l’audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Capitaine, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), M. [T] a signé le 31 juillet 2015 avec la société Voxtur un contrat de location longue durée d’un véhicule, ainsi qu’un contrat d’adhésion au système informatisé développé par cette société sous le nom de « Le Cab ».

2. La société a rompu les relations contractuelles le 7 mars 2016.

3. M. [T] a saisi la juridiction prud’homale.

4. La société Voxtur a été placée en liquidation judiciaire le 9 juin 2020, et la société [Y] Yang-Ting désignée en qualité de liquidatrice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième et huitième branches

Enoncé du moyen

5. La société [Y] Yang-Ting, ès-qualités, fait grief à l’arrêt de requalifier la relation contractuelle en contrat de travail, et de condamner la société Voxtur à verser à M. [T] des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour procédure irrégulière, d’indemnité compensatrice de congés payés, d’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour travail dissimulé et au titre des frais d’essence, alors :

« 1°/ qu’il résulte de l’article L. 8221-6 du code du travail que la présomption de non-salariat pour l’exécution d’une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n’est écartée que lorsqu’il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; que l’existence d’un service organisé ne saurait dès lors constituer un indice d’un lien de subordination juridique entre une plateforme de mise en relation avec une clientèle et un chauffeur VTC lorsque, d’une part, le chauffeur n’a aucune obligation d’utiliser l’application et reste libre de choisir ses jours et heures d’activité, que, d’autre part, le chauffeur peut se déconnecter quand il le souhaite, que, de troisième part, le chauffeur est libre d’effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne physique ou morale, que, de quatrième part, l’organisation des courses attribuées par la plateforme relève du libre choix du chauffeur sauf à requérir une indication de la part du client et, enfin, que chauffeur peut sous-traiter les courses à d’autres personnes sous réserve de justifier que ces dernières remplissent les conditions exigées par la réglementation pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu’en se bornant à énoncer, pour requalifier le contrat entre la société Voxtur et le chauffeur en contrat de travail, que le chauffeur réalisait des prestations dans le cadre d’un service organisé, sans établir la détermination unilatérale par des conditions d’exécution du travail par la société Voxtur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ;

2°/ que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le seul fait pour une plateforme de mise en relation entre une clientèle et un chauffeur VTC de définir, dans le contrat le liant au chauffeur, le type de véhicule et de déterminer unilatéralement le prix des prestations de transport réalisées par son intermédiaire, ne saurait caractériser un lien de subordination juridique dès lors que le chauffeur reste libre d’utiliser ou non les services de la plateforme et de choisir ses jours et heures d’activité, qu’il peut se déconnecter quand il le souhaite et peut effectuer des courses pour son propre compte ou pour le compte de toute autre personne physique ou morale, qu’il est totalement libre d’organiser comme il l’entend les courses qu’il effectue par l’intermédiaire de la plateforme et que chauffeur peut sous-traiter des courses à d’autres personnes sous réserve de justifier que ces dernières remplissent les conditions exigées par la réglementation pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu’au cas présent, le contrat d’adhésion au système informatisé stipulait que “le prestataire adhérent est libre de décider de ses jours et heures d’activité et de ses jours de repos”, que “les courses sont attribuées, automatiquement au(x) prestataire(s) adhérent(s) connecté(s), qui affiche(nt) sur son(leur) matériel embarqué le statuten attente de course” et “la connexion peut être interrompue, par le prestataire adhérent qui se met alors en pause” ; que le contrat précisait également que “l’organisation de la course (itinéraire) est laissée au libre choix du prestataire adhérent, sauf pour lui à requérir, à ce sujet, une indication de la/des personne(s) transportée(s)” ; que le contrat stipulait encore qu’ “un prestataire adhérent, entre deux connexions, peut librement réaliser des courses, pour son compte et/ou pour le compte de toute personne physique ou morale, quel que soit le statut de celui-ci (celle-ci)” ; que le contrat précisait, enfin, que le chauffeur pourra sous-traiter les courses affectées par l’application sous réserve d’en informer la société Voxtur et que le sous-traitant utilisant le véhicule et l’application remplisse les conditions pour exercer la profession de chauffeur VTC ; qu’en jugeant néanmoins que le chauffeur réalisait des prestations dans un lien de subordination constant à l’égard de la société Voxtur, sans caractériser une quelconque obligation pour le chauffeur de se tenir à la disposition de la plateforme pour effectuer des courses, ni le moindre ordre ou la moindre directive reçus par la chauffeur relativement aux modalités de réalisation des courses effectuées par l’intermédiaire de la plateforme, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ;

3°/ que le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d’une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l’égard de la plateforme dès lors que ce système n’a pas pour objet de contrôler l’activité des chauffeur, et n’est utilisé que pour contacter le chauffeur connecté le mieux situé pour répondre à la demande du client ; qu’au cas présent, il résulte des constatations de la cour d’appel que, selon les termes du contrat, l’installation mise à la disposition du chauffeur permet à la société Voxtur “de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à un dispatche optimisé et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la(les) personne(s) à transporter et de trajet à effectuer, pour le(les) chauffeurs, pour assurer cette prise en charge” ; qu’il résulte de ces constatations que le GPS ne permet de localiser le chauffeur que lorsqu’il est connecté à l’application et a pour objet de permettre l’attribution au chauffeur le plus proche du client ; qu’en énonçant que le GPS permet à la société Voxtur “d’assurer ainsi un contrôle permanent de l’activité du chauffeur”, la cour d’appel a méconnu les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail ;

7°/ qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que, si le type de véhicule utilisé était stipulé par le contrat d’adhésion au système informatique, ce contrat prévoyait expressément que la location du véhicule auprès de la société Voxtur était une simple faculté pour le chauffeur qui avait la possibilité d’être propriétaire de son véhicule ou de le louer auprès d’une autre société ; qu’en se bornant à invoquer l’ “interdépendance des contrats de location de véhicule et d’adhésion à la plateforme”, sans exposer en quoi cette interdépendance permettrait de caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail ;

8°/ que l’exécution d’un contrat de partenariat portant sur l’utilisation par un chauffeur VTC d’une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme, qui est un intermédiaire de transport soumis aux dispositions du code des transports de s’assurer de la qualité de la prestation de transport effectuée par son intermédiaire ; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plateforme numérique de rompre unilatéralement le contrat motivée par les seules évaluations de la clientèle en l’absence de tout ordre ou directive donnés et de tout contrôle opéré par la plateforme sur l’exécution des courses ; qu’en prétendant que la société Voxtur disposait d’un pouvoir de sanction à travers le système de notations opérées par les clients, la cour d’appel, qui n’a, par ailleurs, caractérisé aucun ordre, ni aucune directive donnés par la plateforme relativement aux prestations effectuées, ni aucun contrôle opéré par cette dernière sur ces prestations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble l’article L. 3120-3 du code des transports, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 8221-6 du code du travail :

6. Il résulte de ce texte que les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation aux registres que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail. L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.

7. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

8. Pour dire que M. [T] et la société Voxtur ont été liés par un contrat de travail, l’arrêt retient que le chauffeur n’avait pas le libre choix de son véhicule, qu’il y avait interdépendance entre les contrats de location et d’adhésion à la plateforme, que le GPS permettait à la société de localiser, en temps réel, chaque véhicule connecté, de manière à procéder à une répartition optimisée et efficace des courses, en termes de temps de prise en charge de la personne à transporter et de trajet à effectuer, et d’assurer ainsi un contrôle permanent de l’activité du chauffeur, que la société fixait le montant des courses qu’elle facturait au nom et pour le compte du chauffeur, et qu’elle modifiait unilatéralement le prix des courses, à la hausse ou à la baisse en fonction des horaires.

9. L’arrêt ajoute que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du chauffeur, à travers le système de notation par les personnes transportées prévu à l’article 3 de son contrat d’adhésion.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l’exercice d’un travail au sein d’un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la société Voxtur, sans constater que celle-ci avait adressé à M. [T] des directives sur les modalités d’exécution du travail, qu’elle disposait du pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

Sources :

-Le règlement de la commission européenne du 09 décembre 2021

-Le code du travail Sénégalais

– Arrêt du 4 mars 2020 no 1920-2013).

https://www.legifrance.gouv.fr/

https://www.pb-avocats.re/

– https://www.delsolavocats.com/


[1] C’est nous qui soulignons