Que ce soit un avis d’expert ou un avis de consommateur, les avis occupent une place distinguée dans la consommation sur Internet, et en particulier dans le cadre du commerce en ligne.
Ainsi, certaines entreprises sont préparées à payer d’importantes sommes pour que des utilisateurs écrivent de faux avis sur leurs produits : soit de faux bons avis sur les produits de la marque pour mieux les référencer sur la marketplace, soit de faux mauvais avis sur des articles concurrents.
Ces “faussaires” agissent en contrepartie d’une rémunération ou d’envoi gratuit de produits.
Ce business constitue un problème pour le e-commerce que l’un de ses leaders, Amazon, a décidé de porter devant la justice.
Amazon prévoit des mesures de protection et de surveillance en vue de limiter la propagation des faux avis
Les faux avis ne peuvent pas être pris à la légère, tant ils peuvent peser dans les décisions d’achat en ligne. En effet, 80% des acheteurs en ligne tiennent compte des avis en ligne et vont d’abord sur Google avant d’acheter le produit ; 74 % des internautes ont déjà renoncé à commander un produit à cause de commentaires négatifs, et 41 % ont déjà réalisé un achat spontané à la suite d’un avis positif.
La société de Jeff Bezos milite depuis plusieurs années maintenant pour la lutte contre le business des faux avis.
En 1995, l’option des avis clients a été lancée par Amazon : aujourd’hui, des milliers de faux avis arrivent chaque jour sur son site web.
« D’après les clients, les avis produits sont l’une des fonctionnalités les plus utiles sur nos boutiques et l’une des principales raisons pour lesquelles ils aiment effectuer leurs achats sur Amazon. En effet, ces avis constituent pour les clients un gage de confiance qui guide leur décision d’acheter ou non un produit. Ils sont aussi un moyen pour des entreprises honnêtes de faire en sorte que leurs produits se démarquent. Ces avis ne sont toutefois utiles que s’ils reflètent une utilisation réelle du produit par les consommateurs »
Dharmesh Mehta, Vice-Président Monde Customer Trust & Partner Support chez Amazon.
L’entreprise déclare employer plus de 10 000 collaborateurs pour la modération et la surveillance de ces partages, et utilise une technologie d’intelligence artificielle pour détecter les faux avis.
Amazon entend utiliser cette procédure pour démasquer les créateurs et les administrateurs de groupes de discussion, souvent privés, et qui sont dédiés à l’achat-vente de faux avis.
Afin de limiter la portée des faux avis, le cybermarchand fait recours aux « avis vérifiés », un label octroyé aux évaluations écrites par des consommateurs ayant effectivement acheté un certain produit.
Par ailleurs, l’internaute est capable de repérer lui même les faux commentaires en employant certains outils tels les sites ReviewMeta et Fakespot, qui utilisent des algorithmes pour analyser la fiabilité des avis entourant un produit vendu en ligne.
De plus, Amazon limite désormais à cinq le nombre de commentaires par semaine qu’un utilisateur peut publier sans faire vérifier ses achats afin de limiter la propagation des faux avis.
Amazon déclare avoir intercepté plus de 200 millions de faux avis sur sa plateforme, mais reconnaît ne pas avoir éradiqué le problème car ces pratiques sont principalement organisées sur des sites tiers comme Facebook.
Les groupes Facebook : terreau fertile du business des faux avis
Amazon avait reconnu l’ampleur du phénomène, parfaitement décrit comme La nouvelle guerre des étoiles : « En raison de nos améliorations continues dans la détection des fausses critiques […] nous avons constaté une tendance croissante des mauvais acteurs à tenter de solliciter de fausses critiques en dehors d’Amazon, en particulier via les services des réseaux sociaux »
Terreau fertile de ce business, les groupes Facebook favorisent le regroupement d’un grand nombre de personnes partageant un intérêt commun.
C’est après enquête qu’Amazon aurait découvert plus de 10 000 de ces groupes destinés à manipuler l’opinion des consommateurs. Ces groupes pullulent et agissent partout dans le monde : États-Unis, France, Allemagne ou encore Royaume-Uni.
Le cybermarchand Amazon a engagé des poursuites contre les différents administrateurs de ces groupes. Le plus important d’entre eux était “Amazon Product Review”, qui réunissait 40 000 membres avant d’être fermé par Facebook en début d’année.
Bien que le problème repose sur les groupes et donc les personnes qui y sont présentes, Facebook est indirectement visé par cette plainte.
Des 10.000 groupes identifiés, pas moins de 5.000 ont déjà été supprimés par Meta, maison-mère de Facebook : « Les groupes qui sollicitent ou encouragent de fausses évaluations le font en violation de nos règlements et sont supprimés. Nous collaborons avec Amazon sur ce sujet et continuerons à travailler avec l’industrie pour traiter le problème des spams et des faux avis ».
La lutte d’Amazon contre les faux avis s’intensifie avec de nouvelles actions en justice
Si les plateformes comme Tripadvisor, Booking.com, Yelp et Google My business ont depuis quelques années renforcé leurs systèmes de modération qui permettent la détection de “fakes”, de nombreux sites proposent toujours d’acheter de faux avis.
Amazon fait face aux faux avis positifs qui augmentent « artificiellement » les notes des produits.
« Au-delà de nos efforts continus pour renforcer nos dispositifs déjà solides de détection et de prévention des faux avis dans nos boutiques, Amazon reste absolument engagée pour identifier les acteurs malveillants qui tentent de tromper les clients avec de faux avis et les faire répondre de leurs actes. Les faux avis n’ont pas leur place sur Amazon, et ailleurs non plus. »
Dharmesh Mehta, Vice-Président des Selling Partner Services d’Amazon.
En mai 2022, Amazon a déclaré engager une nouvelle action en justice contre un courtier spécialisé dans la vente et la publication de faux avis, Extreme Rebate, basé à Hong Kong, et qui opère sur les boutiques Amazon aux États-Unis, en Europe, au Japon et au Canada. L’objectif du géant de Seattle est de faire fermer le site et d’obliger le courtier à communiquer des informations sur les entreprises qui font appel à ses services.
En octobre 2022, Amazon se porte en justice en Espagne à l’encontre de la société Agencia Reviews, un courtier qui rémunère les avis positifs des clients en échange d’un remboursement complet de l’article acheté.
En ajout, le géant cybermarchand dépose une plainte au pénal en Italie à l’encontre d’une société italienne accusée elle aussi de monnayer des commentaires ‘cinq étoiles’ en échange d’un remboursement total du prix de la commande.
“La décision de porter plainte au pénal dans cette affaire souligne la détermination de l’entreprise à barrer la route aux individus malveillants qui tirent profit du fait de tromper les consommateurs et les vendeurs”, précise Amazon.
Dans un communiqué publié le 19 juillet 2022, le groupe basé à Seattle dit avoir également démarré 10 procédures judiciaires du même ordre aux États-Unis à l’encontre d’acteurs similaires.
Amazon a également envoyé des lettres d’avertissement à cinq sites basés en Allemagne qui renvoyaient vers des courtiers de faux avis et qui ont depuis cessé cette publicité.
Une volonté manifeste visant à mettre fin au business des faux avis, mais est-elle suffisante ?
Amazon explique que l’achat-vente de faux avis se fait sur tous les réseaux sociaux : Facebook et Instagram, mais également sur Twitter ou encore TikTok.
Amazon vise surtout à identifier les responsables des groupes de vente de faux avis en vue de limiter le risque de reformation de ces groupes dès leur suppression, et ainsi mettre fin définitivement à leur existence.
“Il n’y a pas de place pour les faux avis, ni sur Amazon, ni nulle part ailleurs dans le secteur. Amazon continuera à consacrer des ressources significatives au combat contre les faux avis et pour assurer que les clients puissent acheter en toute confiance.”
vice-président Selling Partners Services d’Amazon.
En tout cas, cela montre bien qu’Amazon est déterminé à faire la chasse aux critiques trompeuses. Il est cependant indispensable que l’ensemble du secteur collabore et investisse de manière continue pour se débarrasser des faux avis de façon pérenne, sans oublier le rôle fondamental des autorités publiques et des organes de régulation dans la détection des faux avis.
En effet, une enquête menée par la Commission européenne a montré que plus de la moitié des sites qu’elle avait contrôlés ne faisaient pas “suffisamment d’efforts pour garantir que les avis soient authentiques”.
« L’Europe prend la tête d’une réglementation accrue des places de marché et des sites e-commerce. De nombreuses entreprises américaines opérant en Europe devront suivre le mouvement », estime John Hornell, vice-président d’une société qui propose des solutions d’authentification pour les commerces en ligne.
De son côté, la France légifère depuis 2010 pour sanctionner les fraudeurs qui risquent de lourdes sanctions en ayant recours à une “pratique commerciale trompeuse” : deux ans d’emprisonnement et 37 500 euros d’amende.
La directive dite “Omnibus”, adoptée en 2019 par le Parlement européen et le Conseil européen, a été transposée en France par une ordonnance en décembre 2021. Celle-ci vise à lutter contre les promotions abusives, les faux avis sur internet ou encore le démarchages à domicile.
La réglementation oblige les places de marché dans le commerce en ligne à vérifier que les avis publiés sous les produits proposés à la vente ont bien été émis par des personnes ayant acheté le produit en question.
Les faux avis représentent un véritable enfer pour les sites d’e-commerce ainsi que pour les consommateurs qui ne savent plus à qui faire confiance.
Dans la mesure où, pour chaque “ferme à clics” neutralisée, deux nouvelles surgissent probablement presque en même temps, on peut se demander si les lois, les outils de lutte et les mesures prises par les commerçants sont suffisantes pour éradiquer le business florissant des faux avis.
sources
- Sur Amazon, la lutte contre les faux avis continue
- Lutte contre les faux avis : Amazon poursuit ses actions en justice
- Facebook, Google et Trustpilot « ne parviennent pas à lutter contre les faux avis » – Forbes France
- Les faux avis sur Internet : une tendance !
- Les faux avis sur Internet, un business toujours aussi florissant – CNET France
- Amazon porte plainte contre 10 000 groupes Facebook pour trafic de faux avis – Les Numériques
- Amazon poursuit 10 000 groupes Facebook créant de faux avis – KultureGeek
- Amazon poursuit les administrateurs de groupes Facebook pour les faux avis positifs écrits sur son site – alloforfait.fr
- Amazon attaque en justice les groupes de vente de faux avis
- La chasse aux faux avis : Amazon porte plainte
- Amazon déclare la guerre aux faux avis de consommateurs
- Faux avis : Amazon contraint trois acteurs de mettre fin à leurs agissements frauduleux
- Amazon assigne en justice des courtiers vendant de faux avis clients
- Amazon lance l’assaut contre l’industrie des faux avis ,