La plateforme de partage Tiktok appartenant a Shou Zi Chew inquiète et secoue les législations des pays démocratiques. Les États-Unis ont été les premiers à réagir face à la popularité grandissante depuis 2018 du réseau social. L’utilisation par un public jeune et sa relation avec le gouvernement chinois laisse à penser que l’application exploite les données des Américains pour le compte de Pékin. Ainsi cela a poussé Washington à bannir l’application sur les appareils gouvernementaux au nom de la sécurité publique .
-L’Union européenne contre-attaque face aux plateformes en ligne
Après le rappel à l’ordre envers Twitter, l’UE s’attaque à la conformité du réseau social TIKTOK. Énormément de personnalité européenne se méfie de la plateforme, le député européen Moritz Körner demande à « L’Europe de se réveiller » face au mastodonte chinois. Aussi Emmanuel Macron pense que la plateforme est « faussement innocente ». Il est à noter que la Commission européenne ne possède aucun compte sur ce réseau.
L’interdiction de l’application sur les appareils gouvernementaux américains est perçue dans l’Union européenne comme un dispositif approprié apportant un niveau de prévention supplémentaire face à la possible entente entre Pékin et TIKTOK.
Ainsi Maximilian Funke-Kaiser, porte-parole de la politique numérique du groupe libéral du FDP au parlement allemand estime qu’”au vu des risques de confidentialité et de sécurité posés par l’application, je considère que l’interdiction de TikTok sur les téléphones de travail des responsables du gouvernement américain est appropriée ».
Cette prise de conscience est aussi marquée par les récentes affaires contre TIKTOK face au traitement des données personnelles des européens. Récemment la CNIL a sanctionné la plateforme d’une amende de 5 millions d’euros du fait que « les utilisateurs de « tiktok.com » ne pouvaient pas refuser les cookies aussi facilement que les accepter et ils n’étaient pas informés de façon suffisamment précise des objectifs des différents cookies ».
De plus, la CNIL irlandaise depuis 2021 enquête sur divers manquements au RGPD dont l’utilisation des données personnelles appartenant à des mineurs ainsi que des transferts de données d’utilisateurs vers le siège social en Chine.
C’est dans ce contexte que l’Union Européenne, à travers le Commissaire européen du marché intérieur, est venue mettre en garde TIKTOK vis-à-vis de sa conformité.
-Thierry Breton met en garde le propriétaire de TIKTOK face à une potentielle interdiction sur le territoire de l’Union européenne
Lors d’un appel vidéo avec le dirigeant de TIKTOK Shou Zi Chew, Thierry Breton a fait pression sur le réseau social à se mettre en conformité face au Digital Service Act qui rentrera en vigueur dés le 1 septembre.
L’enjeu sur cette plateforme est crucial, car la tranche d’âge sur ce réseau social est jeune. À cela s’ajoute que l’entreprise n’est pas originaire d’Europe. Ainsi selon Thierry Breton « avec un public plus jeune vient une plus grande responsabilité. Il n’est pas acceptable que derrière des fonctionnalités apparemment amusantes et inoffensives, il faille quelques secondes aux utilisateurs pour accéder à des contenus préjudiciables et parfois même dangereux pour la vie. ». De surcroit, ce réseau possède une « responsabilité particulière », l’Union européenne ne fera pas de cadeau au vu des enjeux cruciaux que reposent TIKTOK sur les jeunes générations.
Le Commissaire européen a donc rappelé que l’Union européenne n’hésitera « pas à adopter toute la gamme des sanctions pour protéger nos citoyens si les audits ne montrent pas une conformité totale ». Outre la sanction d’une amende de 6% du chiffre d’affaires mondiales, Thierry Breton a souligné qu’en cas de violation répété TIKTOK pourrait se voir interdire dans l’Union européenne.
-Que prévoit le Digital Service Act pour TIKTOK ?
Ce règlement qui rentrera en vigueur prochainement impose aux très grandes plateformes comme TIKTOK de nombreuses obligations en raison qu’elles sont en première ligne face aux contenus illicites.
Ainsi TIKTOK devra mettre en place des moyens de signalement efficaces à disposition des internautes pour lutter contre les contenus illicites. En retour, elle doit retirer les contenus dans un délai raisonnable sous peine de voir sa responsabilité engagée.
Une question épineuse est l’obligation de transparence qui peut intéresser l’Union européenne dans ce cas présent. Notamment la plateforme doit expliquer le fonctionnement de son algorithme aux utilisateurs mais aussi sa politique de modération et établir un dispositif de réclamation.
De surcroit, la publicité ciblée envers les mineurs est interdite, avec la tranche d’âge jeune présente sur ce réseau, cette obligation parait plus que pertinente et sera surveillée de près par la Commission.
Enfin l’utilisation de « Dark Patterns » est prohibée, les jeunes sont des cibles faciles via ce genre de procédé comme le démontre l’affaire aux Etats-Unis avec Epic Games et les Dark Patterns.
La dernière obligation impose à TIKTOK d’établir une ligne de conduite contre les risques, c’est à dire effectuer des audits indépendants de réduction des risques ou bien analyser tous les ans les risques systémiques que la plateforme crée.
-La réponse de la plateforme
La plateforme TIKTOK souhaite une coopération avec l’Union européenne et les États-Unis. Elle s’engage à respecter le Digital Service Act ainsi que les autres réglementations européennes comme le RGPD. De plus un code pratique sur la désinformation est prévu par la plateforme.
Caroline Greer, directrice des politiques publiques et des relations gouvernementales de TIKTOK a elle aussi réagi sur Twitter en confirmant que « la sécurité de nos utilisateurs est primordiale ».
-La protection des journalistes bientôt réaffirmée à l’échelle européenne
Récemment une affaire est venue secouer le siège social TIKTOK, l’entreprise BYTEDANCE a utilisé son application pour espionner et récupérer des informations appartenant à des journalistes Américains. Le projet « RAVEN » visait à récupérer des données personnelles de journaliste appartenant au journal FORBES comme leurs adresses IP qui étaient directement transférées au siège social en chine permettant de tracer leurs positions. L’objectif était d’identifier du personnel de BYTEDANCE coopérant avec les journalistes dans le cadre d’une investigation sur les liens entre le gouvernement Chinois et l’application.
Randall Lane, le directeur du contenu de Forbes
Un texte européen est en préparation qui vise à protéger les journalistes sur les plateformes en ligne. Le Digital Press Act ou règlement sur la liberté des médias vise entre autres l’interdiction d’utiliser des logiciels espions visant les journalistes. Selon la Commission on parle de « tout produit comportant des éléments numériques spécialement conçu pour exploiter les vulnérabilités d’autres produits comprenant des éléments numériques, qui permet la surveillance discrète de personnes physiques ou morales par le suivi, l’extraction, la collecte ou l’analyse de données provenant de ces produits ou provenant des personnes physiques ou morales utilisant ces produits, notamment en enregistrant secrètement des appels ou en utilisant d’une autre manière le microphone d’un appareil d’un utilisateur final, en filmant des personnes physiques, des machines ou leur environnement, en copiant des messages, en photographiant, en suivant l’activité de navigation, en suivant la géolocalisation, en collectant d’autres données de capteurs ou en suivant les activités d’un utilisateur final sur plusieurs de ses appareils, sans que la personne physique ou morale concernée ait été informée d’une manière spécifique et qu’elle ait donné son consentement explicite à cet égard »
Ainsi l’Union européenne n’a pas terminé son grand chantier de régulation des plateformes et compte bien édicter d’autres textes en la matière.