Un sample constitue une reproduction partielle d’une oeuvre préexistante.
Pour être toléré par le droit positif et ne pas constituer une contrefaçon, l’auteur de cette oeuvre transformative ou dérivée doit demander nécessairement l’autorisation à l’auteur de l’oeuvre à qui elle emprunte ou, à minima, modifier d’une telle manière l’échantillon prélevé de sorte qu’il ne soit plus reconnaissable, dans l’oeuvre transformée, par les auditeurs moyens.
Si la question soulève d’emblée des enjeux économiques et culturels, le droit a pendant longtemps cherché à protéger les intérêts des auteurs et leurs propriétés sur leurs oeuvres. Doucement mais sûrement, cette pratique est venue faire naître différentes situations ayant contribué imaginer la reconnaissance d’un « droit au sample ».
Qu’est le « sampling » ; qu’est ce qu’un « sample » ?
Pour le savoir, rien ne sert d’aller feuilleter le Code de la propriété intellectuelle, celui-ni ne connait ni les termes de « sample », ni d’ « échantillonnage ».
Ainsi, aucune définition légale ne permet d’en dresser une description.
Toutefois, la Cour de justice de l’Union Européenne s’est essayée à la tâche, et a défini le « sampling » en 2019, telle la pratique permettant l’intégration d’un court extrait d’une oeuvre (musicale) d’un premier artiste, dans la composition nouvelle d’un second artiste.
Si cette pratique a pour but la création d’une nouvelle oeuvre – dérivée -, elle nécessite entre autres, le prélèvement (souvent réalisé à partir d’équipements électroniques) d’un échantillon d’un phonogramme ainsi que l’accord de son titulaire de droits, si le phonogramme n’est pas encore tombé dans le domaine public.
Non, il n’existe pas de « droit au sample » :
Si aucun « droit au sample » n’est reconnu expressément dans le Code de la propriété intellectuelle :
Implicitement, cela signifie que pour user de la technique du « sampling », qui repose – rappelons-le – sur un emprunt d’un court extrait d’une oeuvre préexistante, le créateur devra nécessairement demander l’autorisation au(x) titulaire(s) de(s) droit(s) de l’oeuvre première, si celle-ci n’est pas déjà tombée dans le domaine public.
D’autre part, en ce que plusieurs applications du « sample », se heurtent à la logique protectionniste du droit d’auteur :
– L’exception de courte citation, qui se veut justifiée « par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées » ; qui ne saurait, dans le cadre du « sample », être analysée telle un objet de critique, didactique ou de comparaison (sauf cas particulier des émissions radiophoniques – TGI de Paris 15 mai 2002 n°00-09.247).
Néanmoins et toujours concernant cette exception de courte citation, le rapport de la mission « Lescure » propose notamment « d’expertiser, sous l’égide du CSPLA, une extension de [cette] exception, en [y] ajoutant une finalité « créative ou transformative », dans un cadre non commercial ».
Si cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une révision de la directive portant numéro 2001/29, elle n’a pour l’heure pas encore aboutie.
– Le droit moral de l’auteur de l’oeuvre première, et plus précisément le droit au respect et à l’intégrité de son oeuvre ; inaliénable, perpétuel et imprescriptible, ce droit permet au(x) titulaire(s) de droits ou ayant(s) droit(s) de l’oeuvre première de s’opposer à toute altération ou dénaturation objective et subjective de son oeuvre (TGI Paris 1ère ch. 27 novembre 1985 « Zorine c/Le Lucernaire », Gaz. Pal. 1986, 2, somm. 369).
Egalement, si l’on considère les propos du Professeur Pierre-Yves Gautier (« Droit de la propriété littéraire et artistique », avec le concours de Nathalie Blanc, 2021, LGDJ Éditions), partant du postulat que le droit d’auteur confère à l’auteur un droit de propriété sur sa création, il serait envisageable d’appliquer les règles civilistes classiques en matière de propriété, et notamment la théorie de l’accession, à la pratique du « sampling ».
Plus précisément, il s’agirait ici de considérer que l’auteur de l’oeuvre première conserve un droit de propriété sur son oeuvre musicale (en elle-même) mais également sur tous les échantillons produits par et récupérés de son oeuvre, et même pour aller plus loin, sur tous les fruits engendrés par l’exploitation de celle-ci (voir not. la jurisprudence « Klasen » rendue par la CA de Versailles, le 16 mars 2018, n°15- 06.029).
La tendance étant à la liberté de création, au « recyclage » d’anciens styles ou de grands « tubes » de l’époque, il apparaît évident qu’une telle logique obstruerait considérablement le champ d’action de l’artiste souhaitant « sampler » et réduirait ainsi sa liberté de création à néant.
C’est pourquoi, dans chaque affaire, les juges opèrent une balance des intérêts entre droit d’auteur et liberté d’expression/de création et vérifient de manière casuistique, si le « sampling » et donc l’atteinte aux droits d’auteur, pose un trouble anormal et injustifié au titulaire des droits auquel cas, ils se prononceront en faveur du droit d’auteur.
L’apport de la jurisprudence Kaftwerk en matière de reconnaissance d’un « droit au sample » :
Seulement, l’apport de la jurisprudence « Kraftwerk » rendue par la Cour de justice de l’Union Européenne, le 29 juillet 2019, vient apporter quelques précisions ayant une importance considérable sur le sujet : le court échantillon sonore prélevé depuis un phonogramme, sans l’autorisation du titulaire des droits constitue une contrefaçon en ce qu’il s’agit d’une reproduction partielle non autorisée.
Toutefois, et comme ce fût le cas en l’espèce, lorsque l’échantillon prélevé est intégré dans un autre phonogramme « sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute [par le grand public (U.S.A) – l’auditeur moyen ou par analogie, l’observateur averti] », dans ce cas, il n’y a plus lieu de parler de droit d’auteur : une telle reproduction se font alors dans un tout, non reconnaissable à l’écoute par un auditeur moyen et formant une oeuvre nouvelle, non contrefaisante.
En somme, si l’on peut s’attendre à entendre d’ici peu, l’incorporation, dans une oeuvre nouvelle, sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute, d’un « sample » provenant de l’une des 24 oeuvres de Maurice Ravel (dont le « Boléro » ou le « Concerto pour la main gauche ») tombées dans le domaine public depuis le 1er octobre 2022 (et sous réserve du respect du droit moral de ses ayants-droits), on peut également présupposer et s’attendre, dans un futur proche (en partageant l’avis de Me Murielle Cahen sur la question de la « Reconnaissance d’un droit au sample », article publié en mars 2022) à une reconnaissance plus formelle du droit au sample en droit interne comme européen.
Sources :
- https://beaubourg-avocats.fr/utiliser-sample-musique-plagier/
- https://blog.getasound.com/sample/