par Khaled ANOUTI, étudiant du Master 2 Droit des médias électroniques
L’interaction entre l’intelligence artificielle et les droits de la personnalité et des données personnelles pose de nombreux problèmes juridiques ainsi que pour le droit de la propriété intellectuelle.
L’Intelligence artificielle créatrice d’œuvres musicales : Les « Deep Fakes »
L’intelligence artificielle générative est en progression continue ; après la production d’écrits par Chat GPT et la création d’images, c’est désormais la musique qui fait l’actualité.
En effet, les algorithmes informatiques ont une capacité créatrice exceptionnelle conférée par l’intelligence artificielle. Ils peuvent ainsi imiter la voix d’un artiste sans avoir recours à un enregistrement de celui-ci, et bien sûr sans que son consentement soit obtenu ; il s’agit alors de la création de « Deep fakes ». Ces algorithmes d’intelligence artificielle peuvent porter atteinte au respect de la vie privée ou des données personnelles.
Les Deep Fakes sont ainsi une sorte de manipulation utilisant l’intelligence artificielle pour créer des contenus en imitant le style ou la voix d’une personne ; cela entraine la création d’œuvres originales par des amateurs, qu’on appelle les « Faux Artistes ».
Ces individus recourent à l’intelligence artificielle pour reproduire la voix ou la musique d’un artiste célèbre afin de réaliser des œuvres originales, le plus souvent sans son autorisation.
Un exemple concret illustrant une situation impliquant des faux artistes implique l’utilisateur « Ghostwriter977 », lequel a créé une chanson qui reproduit la voix de deux célèbres chanteurs américains grâce à l’intelligence artificielle, alors que les deux artistes ne se sont jamais réunis avant, pour chanter cette chanson. Après cet incident, la maison des disques des deux chanteurs a demandé la suppression du morceau pour violation du droit d’auteur.
Aspect juridique face à la polémique des faux artistes :
– Intention du législateur de contrer les faux artistes :
Afin de faire face au phénomène des faux artistes, le législateur a adopté le projet de loi relatif à la sécurité et à la régulation de l’espace numérique (SREN).
Ce projet de loi comporte une section relative à la diffusion de deepfake qui modifie l’article 226-8 du Code pénal.
D’après ce texte, est sanctionné d’une peine de 2 ans d’emprisonnement le fait de diffuser au public ou à un tiers, par n’importe quel moyen, un contenu visuel ou sonore généré par un algorithme et imitant l’image ou la voix d’une personne, sans son consentement et sans mentionner qu’il a été créé par l’intelligence artificielle.
On peut rapprocher ce projet de loi SREN au projet de loi « No Fakes Act », qui a été proposé au Sénat Américain en novembre 2023, et qui vise à sanctionner d’une amende de 5 000 $ la création et la divulgation de contenus numériques générés par l’IA représentant une personne sans son consentement. Le texte précise de plus que la seule mention de l’origine algorithmique de l’œuvre ne libère pas de la responsabilité.
Pour autant, ce projet de loi aux États-Unis comporte une exception pour les usages parodiques ou critiques, ainsi que pour les publicités informatives ou documentaires.
– Une protection renforcée des droits de la personnalité et des données personnelles dans le cadre juridique applicable en France :
L’article 9 du Code civil consacre le droit au respect de la vie privée, et ceci englobe la voix et l’apparence de la personne.
Et donc si on utilise l’image d’une personne dans les deepfake, ces personnes peuvent se prévaloir de ce droit pour faire cesser l’atteinte portée à leur voix ou leur image.
En outre, en droit pénal, l’article 226-1, prévoit que l’appropriation des attributs de la personnalité d’une personne sans son accord, peut dans certains cas constituer un délit de violation de la vie privée. Mais c’est surtout la modification ajoutée à l’article 226-8 du Code pénal précitée qui présente le plus d’intérêt.
Par ailleurs, le RGPD prévoit que la voix et les données vocales d’une personne sont considérées comme des données personnelles biométriques et donc font l’objet d’une protection renforcée.
Les défis du droit d’auteur face aux Deep Fakes : Intention de trouver un équilibre dans l’IA Act
La voix et l’apparence ne relèvent pas du droit d’auteur, mais l’utilisation d’un extrait de musique qui contient la voix d’un artiste, pour former des systèmes d’IA, pose des difficultés.
L’IA Act suscite des débats, notamment en ce qui concerne le droit d’auteur des données utilisées par des modèles d’IA générative.
Alors, ce projet de loi européen sur l’intelligence artificiell, classe les deep fakes qui résulte de ces IA comme présentant des risques modérés.
Le texte propose des règles de « transparence minimale », en exigeant que les utilisateurs soient avertis lorsqu’ils interagissent avec une IA ; cela vise donc à informer les individus de la présence d’une intelligence artificielle derrière certaines créations artistiques, ce qui peut être pertinent dans le contexte des « faux artistes » qui utilisent des modèles d’IA pour produire des œuvres.
Cette approche adoptée dans l’IA Act reflète la volonté de trouver un équilibre entre l’innovation dans le domaine de l’IA et la protection des droits d’auteurs, et de plus un objectif de régulation de l’intelligence artificielle en Europe.
Il est ainsi nécessaire de distinguer entre les créations musicales assistées par une IA et les créations musicales générées par une IA.
Concernant les créations musicales assistées par une IA, cette dernière reste un outil, parce qu’il s’agit d’une œuvre assistée par l’intelligence artificielle. Dès lors, l’artiste qui a utilisé cette technologie est en fait l’auteur de cette œuvre musicale.
Et donc ces artistes utilisent des logiciels pour les aider à composer leurs morceaux. Ainsi, on ne risque pas de porter atteinte aux droits d’auteur en imitant la voix d’un autre artiste.
Or, pour le cas des créations musicales générées par une IA, celle-ci peuvent porter atteinte aux droits d’auteur parce qu’elles peuvent reprendre des parties de morceaux de chansons déjà existantes et cela sans la prise en compte du droit d’auteur des artistes concernés.
Source :
– Légifrance : Projet de loi SREN
https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000047533100/
– L’IA dans l’industrie musicale : la polémique sur les « faux artistes https://info.haas-avocats.com/droit-digital/lia-dans-lindustrie-musicale-la-polemique-sur-les-faux-artistes
– ACBM Avocats : Bientôt Un Droit D’auteur Pour Les Chansons Créées Par Les IA ?
https://www.acbm-avocats.com/droit-dauteur-intelligence-artificielle-musique-musiciens-artistes-propriete-intellectuelle/#:~:text=Les%20droits%20d’auteur%20actuels,cesser%20toute%20infraction%20de%20droit.
– Club des Juristes : IA générative et création musicale : vers une modification du droit ?
https://www.leclubdesjuristes.com/culture/ia-generative-et-creation-musicale-vers-une-modification-du-droit-418/