par Louna GANDREY-MUNOZ, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
Dans l’écosystème immersif de GTA6, une ère novatrice émerge, où les joueurs ne se cantonnent pas à un rôle passif mais deviennent des acteurs actifs dans la création d’œuvres originales. Cette évolution soulève d’importantes questions juridiques, en particulier liées à la revendication de la propriété intellectuelle, notamment en droit des marques et en droit d’auteur
La convergence virtuelle et réelle : nouvelles perspectives juridiques dans les partenariats avec les marques
Dans leur quête constante de réalisme, les jeux vidéo intègrent de plus en plus des marques bien connues, initialement perçues comme victimes de cette incorporation sans leur accord. Cette intégration minutieuse des marques contribue à renforcer l’authenticité des univers virtuels, offrant aux joueurs une expérience réaliste et immersive.
Un exemple concret est fourni par l’affaire impliquant Call of Duty et les marques Humvee d’AM General. En mars 2020, un tribunal de district de New York a statué que l’utilisation de ces marques par Activision Blizzard était protégée par le droit à la liberté d’expression aux États-Unis, établissant ainsi un précédent basé sur le critère Rogers. Cette décision souligne la reconnaissance du caractère artistique des jeux vidéo, où la représentation réaliste contribue à une expérience immersive.
La protection de la liberté d’expression des développeurs, conjuguée au respect des droits de propriété intellectuelle, définit un équilibre délicat dans ce domaine juridique.
Au fil du temps, cette dynamique a évolué, offrant aux marques une nouvelle perspective. Elles ont désormais la possibilité de transformer cette utilisation initiale sans accord en une opportunité stratégique de partenariat avec les jeux vidéo. Ainsi, cette transition illustre non seulement la transformation du statut des marques, passant de victimes potentielles à partenaires actifs.
L’expérimentation de nouvelles formes de collaborations et de partenariats est rendue possible par les jeux vidéo, permettant aux utilisateurs d’acheter des produits de marques existantes, d’explorer des boutiques virtuelles et même de participer à des transactions commerciales. Cette convergence entre le virtuel et le réel offre un terrain propice à des stratégies publicitaires « in-game ».
Parmi ces stratégies, la publicité dynamique se démarque en intégrant de manière immersive les marques dans les scénarios des jeux. Cette approche novatrice offre une expérience publicitaire subtile et engageante, établissant des connexions authentiques avec les consommateurs au sein d’un environnement interactif.
L’intégration de marques, telle qu’observée dans GTA, marque un tournant stratégique où les joueurs ne sont plus simplement des spectateurs, mais des acteurs engagés.
Cette immersion offre aux marques l’opportunité de créer des connexions émotionnelles avec leur public, générant des expériences mémorables. Les principales marques retrouvées dans GTA sont en réalité celles liées aux véhicules. Cependant, il est important de noter que bien que ces marques soient représentées de manière réaliste, leur appellation n’est pas identique à celle du monde réel, préservant ainsi un équilibre délicat entre réalisme virtuel et droits de propriété intellectuelle. Mais il ne serait pas étonnant de voir apparaitre d’autres produits, tels que des baskets, permettant aux joueurs d’avoir une certaines notoriété de par leur bien comme dans la vraie vie.
Création collective dans GTA6 online : enjeux juridiques et interrogations cruciales dans l’ère des joueurs-créateurs
L’avènement des joueurs-créateurs dans l’univers du jeu vidéo représente une transformation significative de la dynamique traditionnelle entre les développeurs de jeux et leur communauté de joueurs. Autrefois cantonnés à un rôle passif de consommateurs de contenus, les joueurs ont maintenant la possibilité de devenir des créateurs actifs, contribuant de manière substantielle à l’évolution des jeux.
L’apparition des jeux en ligne a également joué un rôle clé dans cette transition. Les univers virtuels massivement multijoueurs offrent un terrain propice à la collaboration créative, permettant aux joueurs de simplifier activement dans la construction de mondes virtuels complexes.
Dans l’univers en ligne de GTA6, une fonctionnalité novatrice se prépare à émerger, offrant aux joueurs une opportunité unique de contribuer à la création de l’intrigue du jeu. Récemment, Rockstar Games a dévoilé l’intégration de l’équipe innovante de Cfx.re, à l’origine des logiciels FiveM et RedM, soulignant ainsi un engagement fort envers l’évolution des serveurs RP (jeu de rôle).
Avec l’arrivée de ces logiciels, l’accès à des serveurs privés sera désormais possible, permettant aux joueurs d’ajouter des scripts ou des mods. A mesure que les joueurs contribuent à l’élaboration d’œuvres originales au sein de ces serveurs, des questions cruciales en droit d’auteur surgissent, et notamment quant à la reconnaissance et la protection de ces contributions individuelles.
Il semble alors pertinent de se demander comment classer ces œuvres du point de vue du droit d’auteur. Face à la diversité des éléments composant un jeu vidéo, la Cour de cassation, dans l’arrêt Cryo, a opté pour une qualification distributive. Selon l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, plusieurs catégories d’œuvres peuvent qualifier les jeux vidéo.
Tout d’abord, on retrouve les œuvres de collaboration et les œuvres collective. La première étant définie comme « l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques » et la seconde comme « l’œuvre créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».
Ces deux catégories ne pourront pas être associées aux créations de joueurs, car aucun échange ni aucun lien n’a lieu dans le processus de création de l’œuvre entre le joueur et le créateur du jeu.
De plus, en ce qui concerne les œuvres collectives, qui doivent être divulguées au nom du « maitre d’œuvre », le critère ne peut être vérifié s’agissant des mods puisque c’est le joueur qui initie la dilution sur des blogs ou en ligne, au sein des communautés de fans qui partagent et échangent librement leurs créations.
Cependant, ce même article prévoit l’existence des œuvres composites, définies comme des œuvres nouvelles incorporant une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur initial.
Par ailleurs, cette dernière qualification correspond parfaitement aux subtilités qu’offrent les mods mais également les création in game.
Elle semblerait donc être la meilleure solution pour permettre au joueur-créateur d’obtenir des droits… mais toujours sous la réserve des droits de l’éditeur du jeu, seul à même d’autoriser et de contrôler la création de contenus dérivés.