par Margaux CHAUVIN, étudiante du Master 2 Droit des médias électroniques
Le media Human Right Watch (HRW) a été fondé en 1978 aux États-Unis. Il a pour objectif de dénoncer les violations des droits humains commises à travers le monde.
Le jeudi 21 décembre 2023, l’organisation américaine a publié les conclusions d’une enquête qu’elle a menée sur les systèmes de modération des contenus de Meta.
HRW a examiné et comparé ses recherches réalisées dans plus de 60 pays depuis le 7 octobre 2023, et peut désormais affirmer avoir constaté une censure des contenus propalestiniens sur Facebook et Instagram.
Il est à noter que cette position n’est pas nouvelle puisque HRW avait déjà, en 2021, publié un rapport sur la censure de Facebook concernant la question des droits humains liés à Israël et à la Palestine. Cette même année, environ 200 employés de Facebook avaient également publié une lettre ouverte sur le site interne du réseau social pour dénoncer la censure des publications propalestiniennes.
Une régulation des contenus arbitraire et orientée
Pour rappel, Facebook et Instagram sont censés être de simples hébergeurs de contenus pour leurs internautes. En principe, ils ne sont donc pas responsables de ce qui est publié sur leur plateforme, sauf s’ils influencent directement la mise en avant de certains contenus, ou si des publications illicites ou malveillantes sont signalées, ils sont alors tenus d’intervenir.
Selon la CNIL, tous les contenus signalés sur l’une ou l’autre des plateformes sont examinés et déclarés conformes ou non aux règles et standards de la communauté Instagram ou Facebook. Ces mesures ont également été rappelées et renforcées avec l’entrée en vigueur du Digital Service Act (DSA) qui était censé faciliter l’identification et le signalement des contenus illicites, améliorer la transparence dans la modération des contenus et offrir plus de choix sur ce que nous voyons et d’options de personnalisation.
Ainsi, il apparaît clairement que ces plateformes ne sont pas habilitées à pouvoir influencer la tendance des publications et des opinions des internautes à partir du moment où elles ne sont pas illicites.
Or, l’enquête de HRW a démontré que, depuis le 7 octobre 2023, certains internautes ont reçu des avertissements suite à la publication de drapeaux palestiniens. Des slogans tels que « libération de la Palestine » ont été supprimés sous prétexte qu’ils pouvaient blesser certaines personnes.
Une telle modération apparaît totalement incohérente lorsque certains commentaires, signalés par des internautes, tels que « transformez Gaza en parking » ou « J’espère qu’Israël va effacer la Palestine de la surface de la terre » ont été qualifiés comme ne violant pas les règles de la communauté.
Une telle polémique vient soulever la problématique des réseaux sociaux influençant nos opinions et pouvant filtrer les informations que nous recevons, surtout pour les internautes les plus jeunes qui sont plus susceptibles de se laisser influencer par ce qu’ils voient et lisent en immense quantité sur les réseaux. Les plateformes telles que Facebook ou Instagram sont aujourd’hui la première source d’information pour un grand nombre de personnes, il semble alors illogique, voire dangereux, de permettre que seulement un nombre limité et arbitraire d’opinion soit exprimé dessus.
Le problème reste d’ailleurs entier puisqu’un texte comme le DSA ne semble, pour le moment, pas suffire pour dissuader ou même restreindre de telles pratiques.
L’impact concret d’une telle censure de la liberté d’expression
Selon Deborah Brown, directrice adjointe par intérim de la division technologies et droits humains de HRW, « Les réseaux sociaux constituent une plateforme essentielle permettant aux gens de témoigner et de dénoncer les abus, alors que la censure par Meta contribue à l’effacement des souffrances des Palestiniens. » En choisissant indirectement un camp, Meta met en danger des libertés fondamentales.
Il semblerait donc que les agissements de Meta ont un réel impact sur le conflit entre Israël et la Palestine ce qui, une fois de plus, soulève le problème de la trop grande importance que les réseaux sociaux ont dans notre société. Surtout lorsque l’on constate la simplicité avec laquelle il est possible d’influencer l’orientation politique des contenus sur les plateformes du groupe Meta.
L’enquête de HRW a également montré que plusieurs internautes se sont sentis obliger d’utiliser des moyens détournés pour exprimer leurs opinions. Les personnes voulant continuer à afficher leurs idées et leur soutient ont désormais pris l’habitude de ne jamais utiliser des mots clefs tels que « Palestine » dans leurs publications sur les réseaux sociaux.
L’autocensure apparemment nécessaire aux internautes afin qu’ils puissent s’exprimer démontre une nouvelle fois la violation concrète de la liberté d’expression, de communication, d’information et d’opinion de tous les utilisateurs des plateformes de groupe Meta.
Sources :
https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/24/human-rights-watch-denonce-la- censure-des-posts-propalestiniens-sur-les-reseaux-sociaux-de- meta_6207549_3210.html?random=1868907693#
https://www.hrw.org/fr/news/2023/12/21/meta-censure-systemique-de-contenus-pro- palestiniens
https://www.hrw.org/fr/about/about- us#:~:text=Human%20Rights%20Watch%20a%20été,est%20étendu%20aux%20cinq%20con tinents.
https://www.france24.com/fr/amériques/20210605-facebook-des-employés-dénoncent-une- censure-de-contenus-pro-palestiniens-sur-le-réseau-social
https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/dsa-impact- platforms#:~:text=La%20DSA%20exige%20des%20plateformes,des%20«significateurs%20d e%20confiance».